jeudi 29 septembre 2016

Pourquoi certaines personnes sont-elles toujours en retard ?


La montre à la main, constamment en train de courir, ils ont parfois des airs du lapin d'Alice au Pays des merveilles. Entre rendez-vous ratés et trajets de l'impossible, les retardataires semblent incapables de maîtriser leur temps, de quoi agacer leur entourage. Mais faut-il vraiment leur en vouloir? Explications.

Réveil en catastrophe, course derrière le bus du matin et bouclage à la dernière minute de ses dossiers... Les journées d'Anissa ressemblent parfois à une longue série d'épreuves. "C'est terrible, confie cette jeune parisienne qui travaille dans la mode, je perds systématiquement plusieurs minutes à retourner chercher quelque chose chez moi, un vêtement ou mes clés. J'essaie de lutter contre ma nature, mais c'est un fait, je ne suis jamais à l'heure." 
A 34 ans, Anissa fait partie de ceux que leurs proches ont catalogué comme "retardataires impénitents". Henrique, étudiant de 23 ans en échange en France, s'attire lui les foudres de ses profs et de sa copine avec ses retards chroniques. "Les gens pensent qu'il s'agit de désinvolture, de désintérêt à leur égard, mais pas du tout. Cela doit me venir de ma mère, explique-t-il, mi-amusé mi-dépité, elle aussi avait une très mauvaise appréciation du temps et pensait qu'il était possible de passer un coup de fil, de se doucher, de manger quand elle n'avait pas plus de 20 minutes devant elle." 

Se mettre en conflit avec les règles

Perçu comme un rêveur incurable ou une personne indélicate, le retardataire chronique agace autant qu'il désarçonne. "Il y a différents cas de figure, explique Marie Gohin, psychologue à Lyon. Certaines personnes ont simplement une mauvaise perception du temps. D'autres cherchent dans le retard une sensation d'adrénaline. Etre en retard, c'est se dépêcher physiquement, mais c'est aussi une manière de se mettre en conflit avec les règles. Le fait d'arriver après les autres permet de se singulariser, tout en se distinguant par un acte 'répréhensible.'" 
Cette image du retardataire émotif et en conflit avec la réalité aurait presque de quoi nous pousser à la clémence, même après un quart d'heure d'attente. Mais c'est oublier que les situations que les retardataires imposent à leurs proches sont parfois de véritablesmises à l'épreuve

"Ses retards systématiques me mettent hors de moi"

"J'ai renoncé à travailler avec une amie que j'adore, confesse Emilie qui fait de l'audit à Paris. J'ai dû mettre un frein à un projet qu'elle me proposait parce que ses retards systématiques me mettent hors de moi. Elle a systématiquement entre 10 et 15 minutes de retard, avec évidemment toujours une bonne excuse. Je déteste ça." 
Sur le plan amoureux, Henrique se rappelle avoir déjà poussé sa copine à bout. "On en a manqué des séances de cinéma parce que j'arrivais trop en retard, se souvient-il. Le plus difficile était de lui faire comprendre que ce n'était pas de l'indifférence, que je ne cherchais pas à me faire désirer. Une fois, nous avions rendez-vous chez moi. Elle est arrivée et je n'étais pas là. Elle m'en a beaucoup voulu." 

Être en retard, une maladie?

Horripilant pour certains, ce trait de caractère est considéré par d'autres comme une forme de "maladie". La presse à scandale s'était notamment emparée du cas de Jim Dunbar, qui avait réussi à faire reconnaître ses retards comme une pathologie, au même titre que l'hyperactivité en Ecosse, en 2013. 
Dans une étude, Jeff Conte, professeur de psychologie à l'université de San Diego,explique qu'il existe un groupe de personnes beaucoup plus enclin à être en retard que les autres. "Je me suis appuyé sur le travail de deux médecins qui remonte aux années 1960. Leur théorie de la personnalité distingue les personnes de type A, ambitieuses, impatientes et irritables, et celle de types B, faciles à vivre et plusdétendues. J'ai mis en évidence que fait d'être en retard est souvent le fait des personnes de la seconde catégorie", explique-t-il dans son compte-rendu.  
Selon l'étude de Jeff Conte, c'est la perception du temps qui diffère entre ces deux groupes. Les personnes de catégorie A, motivées par le rendement et le fait d'économiser du temps, ont une appréciation des minutes plus exactes. A l'inverse, les personnes appartenant au second groupe, auraient tendance à faire plusieurs choses à la fois, ce qui générerait leur retard systématique. 

Mettre les autres à son rythme

De quoi voir dans l'attente que l'on nous impose, une volonté d'affirmer son pouvoir, ou tout du moins de mettre les autres à son rythme. "Quand on attend quelqu'un qui est en retard, on a l'impression qu'il nous signifie, 'mon temps compte plus que le tien'", détaille Sylvaine Pascual, consultante spécialisée dans le bien-être au travail. 
Être pressé et débordé serait ainsi une forme de caution démontrant l'importance de sa vie, la garantie d'être quelqu'un qui compte. "Le tout, c'est de bien identifier quand est-ce que le retard survient, explique Sylvaine Pascual. Si une personne qui est toujours arrivée à l'heure au travail se met soudainement à être systématiquement en retard, cela peut être le signe qu'on lui en demande trop, qu'elle a des objectifs inatteignables. En revanche, si l'on fait patienter quelqu'un dans le cadre d'un rendez-vous galant, cela relève de l'envie de se faire désirer." 

Se fixer des objectifs simples

Un chemin introspectif s'ouvre alors au retardataire pour découvrir les véritables causes de son mal. Est-ce le stress? Un sentiment d'angoisse vis-à-vis de ceux qui l'attendent? Une trop grande rêverie? Une volonté de se forger une image inaccessible? Après cette première phase, il peut améliorer son comportementprogressivement et en douceur. 
"Tentez déjà de vous fixer des objectifs simples. Je ne vous parle ni de voeux pieux, ni d'objectifs vagues. On arrête de vouloir Lire Guerre et Paix en une nuit, plaisante Jane Burka, psychologue américaine spécialiste de la procrastination et auteur d'un livre à succès traduit en français, Comment ne plus être en retard (éd.Payot et Rivages). 
Jointe par mail, elle conseille de "décomposer en petites étapes ce que l'on a à faire". "Face à une liste importante de choses à faire qui vous stresse, prenez 15 minutes pas plus, pour réfléchir à comment vous allez vous y prendre."  

Apprendre l'indulgence

Une méthode qui pourrait séduire Anissa. "Je suis devenue une grande adepte des listes. J'en fait sur mon téléphone, confie la jeune femme avec un grand sourire. J'essaie de tout minuter, du moment où je me lève, jusqu'à mon arrivée au travail. Mais je le fais à l'avance pour que ce ne soit pas trop stressant, la veille par exemple."  
De la part de l'entourage des personnes en retard, l'indulgence est de mise. "Cela ne sert à rien d'asséner remarques et critiques du genre: 'Pourquoi es-tu toujours en retard, alors que les autres, non?' Un retardataire pense différemment de vous. Il ne gère pas de la même manière son anxiété et n'a pas la même perception du temps. Établissez avec lui un calendrier raisonnable pour l'aider à s'améliorer", recommande Jane Burka. De quoi remettre, petit à petit, les pendules à l'heure. 

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