dimanche 24 juillet 2016

L’éditorialiste koweïtien Fahd Al-Bassam : Laissez l’EI tranquille....


Le 16 juillet 2016, le quotidien koweïtien Al-Jarida affichait un article de l’éditorialiste Fahd Al-Bassam, sous le titre provocateur “Laissez l’EI tranquille”. Al-Bassam n’est pas un sympathisant de l’EI ; il soutient en revanche qu’en combattant l’EI, le Koweït et le monde font le jeu de celui-ci, et que la seule manière de retourner la situation contre l’organisation serait de reconnaître son Etat et de le contraindre à devenir un membre de la communauté internationale souverain et responsable. L’éditorialiste souligne certains avantages potentiels découlant d’un tel arrangement : l’Etat islamique et l’Iran pourraient notamment perdre leur énergie à se combattre mutuellement, au bénéfice de pays comme le Koweït qui les considère tous deux comme ses ennemis. Extraits :
Tendons l’autre joue à l’EI
« Voilà  trois ans que nous et le monde affrontons l’EI par intermittence… Nous avons essayé toutes sortes d’armes conventionnelles et non conventionnelles contre eux, ainsi que les renseignements et opérations secrètes. Aucun de ces moyens n’a marché et ils sont toujours là. Nous avons aussi essayé de les combattre au moyen de l’islam, en tentant de les convaincre d’adopter la voie de la modération – dont personne ne sait jusqu’où elle va  - et cela n’a pas non plus fonctionné avec eux, [car] ils trouvent toujours des interprétations de mauvaise foi [pour justifier leurs actes]. 
Quant à nous, nous avons acquis une expertise en traitant avec le gars doux et gentil des Frères musulmans, qui épousent une version légère et malléable de l’islam, toujours sujette à négociation et à adaptation. La seule chose qui les met en difficulté est le salafisme, et la seule chose qui met en difficulté un salafiste est un autre, encore plus salafiste que lui – et ainsi de suite. Ces types de l’EI sont les plus salafistes à ce jour, et ils ont mis tout le monde en difficulté.
Pour cette raison, nous devons changer un peu les règles du jeu, retourner la situation et les mettre hors jeu. Affrontons-les avec un peu de christianisme, dans lequel nous retrouverons peut-être notre propre sagesse perdue. Peut-être pourrons-nous réussir cette fois, en suivant par exemple le principe qui dit que ‘si quelqu’un te frappe sur la joue droite, tends-lui la joue gauche’.
Reconnaissons-les et reconnaissons leur Etat dans ses frontières. Cela les contraindra à respecter ces frontières et à de pas les dépasser [et cela les contraindra] à guérir de leur nostalgie des conquêtes islamiques et à abandonner le hobby de soulever de la poussière dans le désert avec des véhicules à quatre roues. ‘Si nous ne pouvons pas les vaincre, acceptons-les dans le club international et dans le jeu des nations, de la politique et de la diplomatie. Laissons-les nous envoyer des ambassadeurs et nous leur enverrons les nôtres, comme cela s’est produit avec les Talibans en Afghanistan. Commençons à jouer franc jeu.
L’EI sera un Etat tampon extrémiste en conflit avec l’Iran
Cette nouvelle situation ne serait pas entièrement négative. En fait, elle comporterait aussi des avantages. Du point de vue de la politique étrangère, l’EI deviendrait un Etat tampon sunnite extrémiste en conflit avec l’Iran, Etat chiite extrémiste. Laissons-les s’arranger l’un avec l’autre. [En ce qui nous concerne], nous souhaitons que chaque partie soit sincère dans son intention de supprimer l’autre.
Du point de vue de la politique intérieure, l’existence [de l’Etat islamique] serait une opportunité pour tester la sincérité de la foi de ceux parmi nous qui rêvent d’un Etat islamique et sympathisent avec l’EI. Nous verrons s’ils iront y vivre, ou y investir, y travailler,y  voyager et y acheter des appartements au lieu de poser leur dévolu sur la Turquie, la Bosnie ou les Etats de l’UEFA. Quant à ceux qui préfèrent rester parmi nous pour répandre l’idéologie de l’EI, il sera alors facile de les inculper de trahison et de collusion avec un Etat ennemi, sans aucune hésitation ou ambiguïté, à la différence d’aujourd’hui.
Enfin, nous voudrions voir de nos propres yeux comment le rêve d’un Etat islamique et du Califat est mis en pratique et comment il sera dirigé. C’est une chose d’espérer et de vivre dans la nostalgie du passé, et une autre d’affronter la réalité. Laissons l’EI payer des salaires, créer une économie et des opportunités d’emploi, gérer l’existence humaine et parvenir à une croissance économique. S’ils y parviennent, puisse Allah accorder le succès à l’Etat [créé] par nos frères qui se sont rebellés contre nous ; et s’ils échouent, alors au moins nous aurons mis en pratique (…) les rêves des romantiques parmi nous [au Koweït] qui portent l’EI dans leur coeur et sur leurs lèvres – après quoi ils seront peut-être convaincus [que leurs rêves sont impossibles à réaliser]. [1]
Note:
[1] Al-Jarida (Koweït), 16 juillet 2016.

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