jeudi 2 juin 2016

Cyril Hanouna : ma journée avec lui (sans nouilles ni gifle)


Nous avons passé près de 12 heures en compagnie du roi de la TNT. Au menu, quelques moments bien gratinés avec l'animateur vedette de D8. Récit :


Mardi 17 mai. Le Point a rendez-vous avec Cyril Hanouna pour une journée portes ouvertes. Objectif : coller aux basques de l'animateur qui, après une saison émaillée de polémiques (petit rappel à destination de ceux qui seraient partis dans l'espace ces derniers mois : « humiliation » aux nouilles, gifle de Joey Starr, enquête deSociety le présentant en Don Corleone du PAF, dépôt d'une plainte d'un collègue pour harcèlement...), tient à faire savoir qu'il n'a « rien à cacher ». 

Récit d'une journée rocambolesque avec l'homme le plus commenté, décrié et idolâtré du moment. Une journée marathon qui se finira en sprint...
Lire aussi notre interview d'Hanouna : « Je n'ai jamais bu, jamais fumé, alors la drogue... »

Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO
9 h 25 : Trois auteurs en quête de personnages, ainsi que Lionel Stan, directeur général adjoint de H2O Productions en costard, patientent depuis dix minutes à L'Avenue, un lounge impersonnel parisien comme tout bon restaurant Costes, fréquenté par les vedettes de la radio (Stéphane Bern, Jean-Pierre Elkabbach...). 
Veste en cuir cintrée, jean gris, chemise bleue à carreaux, habituel bracelet-éponge à la main gauche et baskets montantes, Cyril Hanouna arrive enfin. La voix est enrouée et les poches pendent sous les yeux, mais le moral semble gonflé à bloc. Il salue le « très beau score » du Touche pas à mon poste ! (TPMP) de la veille (1 581 000 spectateurs) après un mois de mai plutôt morose. Touche pas à mon sport !, qu'il produit avec H2O, a aussi battu un record sur les « 25-34 ». Sans l'avoir jamais rencontré, je me vois gratifié de mon premier « mon chéri » de la journée (près d'une trentaine d'autres suivront, avec des variantes comme « t'es un amour » ou « mon Thomas »). La réunion vise à préparer le « prime » de La Très Grosse Émission sur Canal+, qui sera enregistré la semaine suivante et diffusé en juin. 
L'émission est hautement symbolique. C'est le premier pas de l'animateur de D8 sur la chaîne cryptée, en compagnie d'une figure du Canal historique, Dominique Farrugia. La chaîne de « Baba » (son surnom) a définitivement mangé celle des « bobos »... C'est aussi un clin d'œil à ses débuts, quand, à la fin des années 1990, il était stagiaire et homme à tout faire de La Grosse Émission sur Comédie ! Un talk-show humoristique qu'il a quitté en 2002 comme présentateur et par la grande porte, se promenant à poil dans les rues de Paris pour un happening nudiste.

« Il faut tout jeter, c'est gênant »

9 h 35 : L'un des auteurs lit à Hanouna le monologue destiné à ouvrir l'émission. Le texte rappelle la success-story du stagiaire devenu roi de la TNT, avec une longue traversée du désert entre les deux. Mais le patron n'est pas content des différents happenings et pastilles humoristiques. « C'est une catastrophe, les magnétos sont juste affligeants. Il faut tout jeter, c'est gênant. » Un ange passe dans l'équipe, les visages se décomposent. Hanouna enchaîne avec une petite leçon de télé : « Les sketches en costume, ça ne marche jamais, à l'exception de la série téléviséeKaamelott. » Il envoie un texto à son actionnaire Stéphane Courbit, lui aussi ancien stagiaire (pour Dechavanne) reconverti en nabab cathodique. Rapporter des cafés n'est pas une fatalité.
9 h 55 : Direction Europe 1 au pas de course pour l'enregistrement des Pieds dans le plat, quotidienne diffusée de 16 heures à 18 h 30. À l'entrée, il salue ses « fanzouzes » (le petit nom des accros à TPMP) et pose volontiers pour des selfies. Les chroniqueurs Jérôme Commandeur, Valérie Benaïm, Estelle Denis et le flegmatique Jean-Luc Lemoine l'attendent. L'émission s'ouvre par des blagues sur François Hollande, qui était ce matin l'invité de la station de la rue François-Ier (« Il n'y a plus un seul croissant dans l'immeuble »). Les chroniqueurs, en bons courtisans, flattent leur monarque en assurant qu'il n'a rien à envier en termes de notoriété au locataire de l'Élysée.
 (« C'est le président qui demande un autographe à Cyril. ») Ils évoquent ensuite le nombre de followers (près de 3,6 millions) du patron. « Si j'atteins 4 millions, je fais une fête à la rentrée », prévient Hanouna. Impossible de ne pas être frappé par l'aisance de ce bateleur qui ferait passer Nagui pour un introverti et Pierre Bellemare pour un moine trappiste. Seul Jérôme Commandeur le suit avec aisance sur le terrain glissant du délire improvisé.

0 h 45 : Venu faire la promotion d'un livre sur Mathieu Valbuena, Guy Carlier fait son entrée dans le studio et s'assied à côté de moi. Que pense l'ancien sniper des multiples polémiques ayant jalonné la saison de son hôte ? « J'ai trouvé ridicule cette accusation d'humiliation par France Inter, alors qu'il s'agit juste de divertissement. Aujourd'hui, on est nostalgique de Guy Lux, alors qu'à l'époque, les mêmes se seraient acharnés contre lui. »
12 h 30. L'émission s'achève. « Ça a été, les chéris ? » demande Hanouna au public. Tandis que dans le studio dépeuplé il échange des potins médias avec Jean-Marc Morandini, je sympathise avec Pedro, gendarme réserviste et son chauffeur-garde du corps depuis une année. « C'est un extraterrestre », témoigne, admiratif, celui qui s'occupait auparavant de l'ex-président de Canal Bertrand Méheut (certains y verront tout un symbole). Le jeune « bodyguard » évoque des menaces de mort visant son protégé, essentiellement à caractère antisémite.

Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO
13 h 15 : Au dos d'un kiosque du 16e arrondissement, je découvre en grand la couverture du magazine Entrevue : « Joey Starr/Cyril Hanouna, la guerre ». Impossible de lui échapper.

Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO13 h 15 : Au dos d'un kiosque du 16e arrondissement, je découvre en grand la couverture du magazine Entrevue : « Joey Starr/Cyril Hanouna, la guerre ». Impossible de lui échapper.
Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO
13 h 15 : Au dos d'un kiosque du 16e arrondissement, je découvre en grand la couverture du magazine Entrevue : « Joey Starr/Cyril Hanouna, la guerre ». Impossible de lui échapper.
Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO
13 h 15 : Au dos d'un kiosque du 16e arrondissement, je découvre en grand la couverture du magazine Entrevue : « Joey Starr/Cyril Hanouna, la guerre ». Impossible de lui échapper...
14 h 50. « Ces types sont super frais ! On voit qu'ils ne sont pas encore blasés par la télévision. » C'est un Hanouna enthousiaste qui sort du Murat, restaurant de la porte d'Auteuil où il vient de déjeuner avec les dirigeants de beIN, qui font les yeux doux à ce grand fan de tennis pour le prochain Wimbledon, retransmis par la chaîne qatarie...
15 heures. Dans la voiture qui file vers les locaux de H2O à Boulogne-Billancourt, l'animateur-producteur scrute le ciel résolument bleu avec un air sombre. Il fait beau et « il y aura moins de monde ce soir » devant la télé. Au volant, Pedro compatit. Pourquoi l'ancien aspirant expert-comptable est-il à ce point obsédé par les chiffres, passant sa journée à décortiquer les données de Médiamétrie (la société qui fournit les audiences) et restant scotché à son téléphone même à l'antenne pour savoir quand caler les pubs ? 
« C'est comme si j'avais des bulletins de notes tous les jours. » Mais la tentative de psychanalyse automobile tourne court face à l'actualité médias, aussi frénétique que la personne qui est assise à côté de nous. On apprend qu'il va y avoir un changement à la tête de la chaîne i>Télé (l'arrivée de Serge Nedjar comme directeur de la chaîne d'info en continu sera officiellement confirmée une semaine plus tard). Décidément, il ne se passe pas un jour sans qu'il y ait du mouvement dans la galaxie Canal version Bolloré.

« Le CSA, personne ne sait qui c'est »

15 h 10 : Arrivée dans les bureaux (vétustes) de la société de production de H2O. Nulle trace visible du contrat de 250 millions d'euros sur cinq ans décroché en septembre dernier. À la sortie de l'ascenseur, sur la gauche, une armée d'employés est entassée. Dans le couloir, on croise Estelle Denis qui se plaint d'un article desInrocks s'en prenant au « sexisme » de son émission Touche pas à mon sport ! On s'installe dans un bureau avec Lionel Stan et « mon Julien » (Julien Lalande, rédacteur en chef de TPMP). Le trio évoque un renouvellement conséquent de l'équipe pour la prochaine saison (« il faut des gens qui aient envie de rigoler ») et la soirée prime à l'Olympia programmée dans deux jours. Émilie, l'épouse de l'animateur, l'appelle pour se plaindre que la boutique du PSG soit fermée. Mais, régulièrement accusé d'ingérence, le roi Hanouna est cette fois-ci impuissant.
Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO

15 h 40 : Réunion avec la rédaction deTPMP, exclusivement constituée de jeunes hommes, apparemment tous geeks de la télé. « Quasiment que des anciens stagiaires », sourit Hanouna. Ils évoquent les festivités de l'émission du soir : les chroniqueurs doivent courir un 100 mètres et ils auront droit à un conseil de classe que l'équipe espère saignant. On passe à l'actualité médias. La rumeur annonce que La Nouvelle ÉditionLe Tube et Salut les Terriens d'Ardisson vont passer sur D8. Hanouna n'est guère ému par la mise à mort du clair sur Canal+ : « Les audiences cumulées de ces émissions ne représentent que 2 millions de spectateurs... » Quelqu'un propose d'évoquer le CSA, qui avait mis en garde l'émission suite à l'épisode de la gifle. Nouvelle réplique cinglante : « Le CSA, personne ne sait qui c'est. » 
L'annonce d'une querelle entre DJ Snake et David Guetta, qui m'avait quelque peu échappé, reçoit un accueil bien plus favorable : « Ça, c'est bien, c'est notre public ! » Les minutes suivantes me feront mieux comprendre ce qu'est une « FBI » (« fausse bonne idée ») aux yeux d'Hanouna. Inviter Michaël Youn ? FBI : avec ses 42 ans, un dinosaure pour le public de TPMP. Un nouveau jeu foireux intitulé Danse avec l'Histoire (« C'est comme Danse avec les stars, mais avec des personnages de l'Histoire », tente de défendre l'inventeur du concept) ? FBI vite rejetée. Un « blind test de danse » (sic) ? FBI qui finit elle aussi aux oubliettes. 
« On n'y est pas, les chéris. L'émission est faiblarde aujourd'hui », soupire Hanouna, constatant que le brainstorming patine quelque peu. Tout ça fleure bon l'ambiance de vestiaire. Quand quelqu'un avance qu'il faudrait « plus de boobs » (« nichons » en anglais), on n'ose imaginer l'indignation du journaliste desInrocks s'il avait été là.

16 h 25 : « On n'est pas au top, mais ça passe », constate Hanouna, guère stressé. À demi-mot, il a incité l'équipe à se lâcher sur le TF1 d'Ara Aprikian (ancien chef du pôle gratuit de Canal devenu directeur des programmes de la première chaîne) et d'Arthur, son grand rival qui, en juin, débarquera en avant-soirée avec une émission « de déconne » (tiens, tiens...).
Cyril Hanouna, producteur, animateur de television, dans le locaux de D8 © Alexandre ISARD / PASCO
16 h 50 : Arrivée chez D8. Dans sa loge, entre une borne de PS3 et un canapé, attend une délégation du musée Grévin, venue peaufiner la statue de l'animateur, qui sera inaugurée en décembre 2016. 
En version buste en cire, Cyril Hanouna ressemble à un philosophe grec. Mais dans la vraie vie, c'est plutôt un adolescent de 41 ans greffé à son téléphone et qui se montre vite ennuyé par l'immobilité forcée de l'essayage. Heureusement, la pimpante Enora Malagré débarque. « Baba, t'es au Grévin ! »
17 h 45 : Réunion pour le prime de C'est pour nous, c'est cadeau, nouvelle production de H2O qui évoquera aux anciens N'oubliez pas votre brosse à dentsprésentée par Nagui. Les deux rédacteurs en chef de l'émission sont sur le canapé. L'un ne s'exprime qu'en verlan (« que des keu-tru commasse »...). « J'aurais dû vous prévoir un traducteur », se marre Lionel Stan. En face, installé dans son fauteuil de barbier-coiffeur, Hanouna domine les débats. « Il faut que ce soit énorme », exige-t-il. Pour les besoins d'une animation, le duo annonce la location d'une dizaine de voitures. « J'en veux 50 ! » surenchérit leur patron. Puis il est question de bloquer la circulation dans Paris pour une partie de tennis sauvage avec Richard Gasquet. Les rédacteurs en chef évoquent « une petite rue » pour ne pas trop gêner les automobilistes. Hanouna réclame « une avenue ».

Gladiateurs cathodiques

18 h 18 : Thierry Cheleman, directeur des sports de Canal+ et sosie officiel du maire de Lyon Gérard Collomb, passe une tête pour se faire inviter pour le prime à l'Olympia dans deux jours.
18 h 23 : « Il est où, Franck Appietto ? Que quelqu'un l'appelle ! » Pour la deuxième fois de la journée, Hanouna réclame qu'on lui passe le directeur général de D8. Pour un peu, on oublierait qui est le patron de qui...
18 h 36 : Réunion de crise avec le toujours affable Lionel Stan et Julien Lalande. En fin de saison, le patron n'est « pas content » de son vaisseau amiral, TPMP. « Tout est à revoir ! La semaine est encore longue. On est faibles partout, on est en dessous par rapport aux autres productions H2O. »
18 h 42 : « Viens, mon Thomas. » J'accompagne Hanouna dans la loge des chroniqueurs et tombe sur un tableau improbable : ces gladiateurs cathodiques sont en tenue de sport, plus proches des Charlots des Fous du stade que des dieux du stade. Mélancolique et l'air absent, Gilles Verdez ressemble avec sa casquette et son short bleu à un Björn Borg qui aurait découvert la défaite. 
Le longiligne Julien Courbet bombe le torse. En jogging informe, Thierry Moreau a l'air du matheux à lunettes qui aimerait se faire dispenser d'EPS. Avec son tee-shirt bien trop moulant, Jean-Michel Maire a du mal à cacher une « bouée ». Enora Malagré, elle, se complimente (« Je suis quand même bonne »), avant de se souvenir que je suis là : « Non, ne notez pas ça, on va encore dire que je suis vulgaire ! » Du pain et des jeux. Le peuple sera content ce soir.
18 h 50 : Règlement de comptes, à quelques minutes du direct. Sur un ton cryptique, Hanouna s'en prend à Jean-Michel Maire. « Fais attention à toi. J'ai appris des choses. Tu sais de quoi je parle. Je pensais qu'on était amis, non ? » Le pince-sans-rire Jean-Luc Lemoine glisse une blague : « On dirait Joe Pesci dans Les Affranchis. T'es mort », lance-t-il à son collègue.

La taille du sexe de Cyril en érection

19 h 7 : Prise d'antenne de TPMP. Ce soir-là, Julien Courbet gagne le sprint à l'extérieur du studio, Valérie Benaïm passe au conseil de classe (verdict : « trop gentille avec tout le monde »), Jean-Michel Maire fait ses traditionnelles blagues lourdingues qui gênent jusque dans la régie, le bon soldat Thierry Moreau a saisi les consignes en lançant un « coup de gueule contre TF1 » et les chroniqueurs font preuve d'une nonchalance éhontée en recyclant des images ou informations vieilles de trois jours. 
Bienvenue dans un monde où toute phrase un peu trop longue vous vaut sanction immédiate (« j'ai décroché depuis longtemps ») et où l'utilisation du mot « ubuesque » vous fait passer pour un intellectuel. Et pourtant, difficile de ne pas être happé par cette commedia dell'arte de l'ère du zapping, cet Arrêt sur Images pour les Nuls, comme si à travers ce spectacle bouffon et ultra-rythmé se reflétait toute notre époque. 
Au milieu de la régie, je tente une hypothèse sociologique : enfant-roi sans surmoi entouré de sa bande, aussi attachant qu'exaspérant là où un Arthur est bien plus cynique, Cyril Hanouna n'est-il pas le prophète d'une société adulescente qui préfère rester dans la bulle des vannes et le cocon de la télévision parlant de la télévision, plutôt que de se confronter à un monde chaotique représenté par les journaux télévisés ?
20 h 40 : Au bord de l'overdose cathodique, je déserte le Poste. Un urgent besoin d'une cure de silence ou de me plonger dans un livre. Un philosophe a, certes, été cité aujourd'hui, mais il s'agissait du Nietzsche prisé par les footballeurs : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort » bien sûr...
Épilogue : En dépit d'un beau temps insolent, l'émission du 17 mai a réuni 1 605 000 spectateurs, un bon score pour H2O. Aucun buzz à signaler sur les réseaux sociaux. Mais Hanouna se rattrapera le lendemain en dévoilant en direct la taille de son sexe en érection (17 centimètres). Les chiffres, toujours les chiffres...


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