vendredi 9 octobre 2015

La tête dans le sable.......


Par Yigal Carmon*
Le 3 septembre 2015, moins de deux mois après l’annonce de la signature du Plan global d’action conjoint à Vienne le 14 juillet et sa célébration à la Maison Blanche et en Europe, le Guide suprême de la Révolution, Ali Khamenei, a annoncé une nouvelle détonnante.
Dans un discours prononcé devant l’Assemblée des Experts iranienne, il a fait marche arrière sur l’accord en demandant une nouvelle concession : que les sanctions soient « levées », et pas simplement « suspendues » [1]. Si ce terme n’est pas modifié, a déclaré Khamenei, il n’y aura pas d’accord. 
Si l’Occident se contente de « suspendre » les sanctions, a-t-il ajouté, l’Iran « suspendra » simplement ses obligations. Pour donner plus de poids à sa menace, il a annoncé que c’était au Parlement iranien (Majlis) de discuter et d’approuver (ou non) l’accord, en ce qu’il représente le peuple. Or il est bien connu que la majorité du Majlis y est opposée, et que le président iranien Hassan Rohani a fait tout son possible pour empêcher qu’un tel débat se tienne devant le Majlis.
Et comme si cela ne suffisait pas, Ali Akbar Velayati, conseiller de Khamenei et directeur du  Centre de Recherches stratégiques iranien, a déclaré le 19 septembre que les négociations, conclues et célébrées moins de deux mois auparavant, le 14 juillet, n’étaient en fait « pas encore terminées ».[2]
La demande de Khamenei de remplacer le mot « suspension » par « levée » n’est pas gratuite. Il s’agit d’un changement fondamental, parce que la réimposition des sanctions – mécanisme de sécurité essentiel de l’accord tout entier – ne peut avoir lieu en cas de « levée », mais seulement de « suspension ».
Depuis que Khamenei a lâché cette bombe, les médias occidentaux ont maintenu le silence, comme s’il s’agissait d’une affaire triviale ne méritant pas d’être mentionnée, et moins encore analysée.
On peut comprendre cette réaction de la part de ceux qui soutiennent l’accord. Peut-être sont-ils choqués, embarrassés, et pensent-ils qu’en faisant semblant de ne pas voir, on en annule l’existence. En réalité, c’est la politique de l’autruche.
Toutefois, on ne peut qu’être étonné du silence des adversaires de l’accord, y compris – ce qui ne manque pas de surprendre – d’Israël et les Républicains aux Etats-Unis. On pouvait attendre que ces opposants s’emparent de la déclaration de Khamenei et protestent avec véhémence contre la mort dans l’œuf de l’accord signé il y a deux mois. On pouvait espérer qu’ils placent le sujet au coeur d’un nouveau débat sur l’accord dans les forums concernés – aux Etats-Unis, à l’ONU et au sein de l’EU.
Mais rien de cela ne s’est produit.
Ces adversaires ont peut-être considéré  que l’accord ayant été conclu, il ne peut être stoppé et que l’administration américaine actuelle s’y tiendra quoi qu’il arrive. Cette approche ne reflète pas le réalisme mais l’ignorance. De manière évidente, l’administration américaine voudrait s’en tenir à l’accord. Mais celui-ci n’est plus entre ses mains. C’est Khamenei qui lui a mis les bâtons dans les roues en déclarant qu’il n’appliquerait pas l’accord que l’Occident pensait avoir conclu le 14 juillet.
Afin de forcer l’Iran à appliquer l’accord, le texte du JCPOA devra être modifié et une nouvelle résolution du Conseil de Sécurité devra être adoptée. Si en théorie cela est possible, il faudra une nouvelle procédure, qui suscitera au minimum un débat politique public en Occident – débat qui révélera le caractère non fiable de l’Iran comme partenaire de négociation et qui coûtera un temps précieux. Or le temps ne joue pas en faveur de l’administration américaine.
Au jour d’aujourd’hui, l’Iran apparaît presque quotidiennement comme un allié de la Russie contre les Etats-Unis. Trois mois après l’accord « historique » déclaré par la Maison Blanche, l’Iran continue de souhaiter « mort de l’Amérique » et le ministre iranien des Affaires étrangères, « héros » de l’accord, a dû s’excuser en Iran d’avoir « accidentellement » serré la main du président américain. La vérité sur l’accord commence à émerger, et il n’est pas certain que ce que l’Iran exige à présent sera accepté.
De manière assez intéressante, la première réaction de la Maison Blanche a été d’esquiver la demande de Khamenei. L’Iran, a dit Josh Earnest, doit faire simplement ce à quoi il s’est engagé dans l’accord, et arrêter de faire des vagues[3]
Une réaction plus sérieuse a suivi, avec l’organisation d’une rencontre le 28 septembre, entre les ministres des Affaires étrangères du P5+1 et de l’Iran, en marge de la 70e session de l’Assemblée générale des Nations unies, pour  trouver une solution, mais cet espoir a été déçu. Le président iranien Rohani est rentré en Iran, prétextant la tragédie du Hadj à la Mecque.
Les médias occidentaux, de leur côté, continuent d’ignorer totalement le sujet, espérant peut-être un miracle dans les pourparlers secrets entre les Etats-Unis et l’Iran, que l’administration mène depuis des années. Mais même une concession américaine secrète n’apportera pas de solution. Même s’il devait y avoir un engagement secret de lever total des sanctions, Khamenei ne serait pas satisfait. Il a ouvertement défié les Etats-Unis et il a besoin d’une capitulation publique. Il célèbrera publiquement toute concession secrète. En outre, toute nouvelle concession américaine amènera Khamenei à présenter de nouvelles demandes.
Les derniers développements, et l’émergence de la Russie comme nouvel-ancien prétendant au pouvoir vis-à-vis des Etats-Unis et du monde, en particulier au Moyen-Orient, encourageront Khamenei à se raccrocher à son allié authentique et éprouvé, la Russie. De fait, l’administration américaine n’a aucune objection au retour de la Russie au Moyen-Orient, mais les positions ouvertement anti-américaines de la Russie ont piégé les pourparlers entre Poutine et Obama, qui amèneront en fin de compte les plus aveugles des démocrates à comprendre que l’Iran est bien un ennemi des Etats-Unis, comme il le déclare ouvertement, et que de nouvelles concessions ne seront d’aucune utilité.
Il semble que le pire cauchemar des partisans de l’accord – que l’Iran abandonne l’accord du 14 juillet – soit sur le point de devenir réalité.

*Y. Carmon est le président fondateur de MEMRI.

Notes:
[3] Earnest a déclaré: “Ce que nous avons indiqué tout le temps est qu’une fois qu’un accord aura été trouvé, comme cela s’est produit mi-juillet, nous nous concentrerions sur les actes de l’Iran et non sur ses paroles, et que nous serions en mesure de dire si l’Iran respectait les engagements pris dans le cadre des négociations. Et c’est cela qui déterminera notre conduite. Nous avons été très clairs quant au fait que l’Iran avait une série de mesures sérieuses à prendre pour réduire significativement son programme nucléaire, avant que tout allègement des sanctions soit proposé – et cela inclut la réduction de leur stock d’uranium de 98 pour cent, la déconnection de milliers de centrifugeuses, en particulier de démembrer le cœur du réacteur à eau lourde d’Arak, et donner à l’AIEA les informations et l’accès dont elle a besoin pour achever son rapport sur les dimensions militaires possibles du programme nucléaire iranien. Ensuite, nous devrons voir l’Iran respecter le régime des inspections que l’AIEA a mis en place pour s’assurer du respect de l’accord. C’est seulement lorsque ces mesures et plusieurs autres auront été effectivement achevées que l’Iran commencera à obtenir un allègement des sanctions. La bonne nouvelle est que tout cela est codifié dans l’accord qui a été trouvé entre l’Iran et le reste de la communauté internationale. Et c’est ce sur quoi nous serons concentrés, leur respect de l’accord ». Whitehouse.gov, 4 septembre 2015.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La grandeur de Binyamin Netanyahou....

Binyamin Netanyahou était en visite aux Etats-Unis pour la conférence annuelle de l’AIPAC. Cette visite devait être triomphale. Elle a ...