Le rappeur d’Orly vient de fêter ses vingt ans de carrière avec un best-of, un documentaire et une série de concerts au Théâtre des Bouffes du Nord. Il se produit ce samedi aux Francofolies de La Rochelle pour célébrer le 14 juillet à sa manière, contestataire et engagée.
1992. Le jeune Alix Mathurin, âgé de seulement 14 ans, sort son premier titre, La vie est brutale, avec le groupe Idéal Junior. 2012. Alix, alias Kery James, célèbre ses vingt ans de carrière. Vingt ans qui l’ont vu se convertir à l’Islam, devenir père, perdre certains de ses proches (dont DJ Mehdi), s‘engager pour Haïti, le pays de ses parents… Mais surtout, vingt ans qui l’ont imposé, en six albums (deux avec son groupe et quatre en solo), comme une figure majeure du rap français. Un anniversaire fêté en beauté avec une série de concerts acoustiques, un best-of réunissant ces nouvelles versions de ses plus grands titres, et un documentaire retraçant sa vie. Un retour en force après plus de deux ans en retrait de la vie artistique…
En 2009, vous annonciez vouloir faire une pause. Qu’avez-vous fait pendant plus de deux ans ?
Cela a été une vraie pause. Je me suis occupé de moi, j’ai voyagé, j’ai approfondi ma connaissance de la langue arabe, je me suis occupé de ma fille.
La musique vous a-t-elle manqué ?
Honnêtement, pas vraiment. J’ai d’ailleurs failli ne pas revenir. En fait j’ai toujours eu un rapport difficile avec la musique. Je n’ai pas forcément l’ambition de rester sur scène jusqu’à la fin de mes jours, je ne dis pas que je ne le ferai pas, mais ce n’est pas une ambition.
C’est pour cela que vous revenez en douceur, avec une sorte de best-of, contenant des titres emblématiques ré-enregistrés en versions acoustiques ?
Je ne me voyais pas revenir avec un album inédit, ça aurait été trop brutal après ces deux ans d’arrêt. Mais le premier projet était de faire des concerts acoustiques aux Bouffes du Nord. C’est plus tard qu’on s’est dit que ça serait intéressant d’en faire un cd. C’est un objet que j’ai toujours voulu. Un bilan, quelque chose de véritablement représentatif de ce qu’a été Kery James durant vingt ans.
En écoutant vos anciens textes, on voit que beaucoup de choses n’ont pas changé en banlieue…
Oui, et ça m’a fait peur. Quand j’ai ré-interprété pour la première fois Le ghetto français (titre de 1996, ndlr) dans le studio, je me suis dit qu’on pourrait tout à fait le présenter comme « Le nouveau Kery James ». En vingt ans rien n’a changé.
Des titres en acoustique, le théâtre des Bouffes du Nord… Est-ce que vous aviez envie que les gens voient le rap autrement ?
© Artur DelloyeÀ l’origine, je n’ai pas fait cela pour amener un autre public, mais avant tout pour défendre mon écriture. Ma plume est souvent passée sous silence car beaucoup de gens ne savent pas réellement écouter le rap. Ils sont perdus dès que tu mets une rythmique, ils ne comprennent plus rien. Quand je fais le tour de ma carrière, je vois que ce qui a fait Kery James, c’est l’écriture. Et après l’écriture, c’est la scène. Faire quelque chose de très épuré, sans artifice, sans même des choristes, c’était la meilleure façon de mettre en avant ma plume.
Avez-vous déjà eu des retours du public ?
La plupart des gens m’expliquent que c’est comme s’ils découvraient certains morceaux, qu’ils pensaient ne jamais les avoir entendus, comme s’ils découvraient que j’avais une plume.
Le best-of est accompagné d’un inédit, Lettre à la République, dans lequel vous parlez d’une France hypocrite, islamophobe… C’est vraiment dans cette France que vous vivez ?
C’est comme ça que je le vis. Ça peut choquer de prime abord, mais c’est ce que les gens ressentent. Ce pays est raciste. Les résultats des élections confortent ce que je dis dansLettre à la République. Le seul défaut de ce morceau, c’est d’être en avance sur la réalité. Dans cinq ans, on comprendra peut-être mieux.
Est-ce que les scores de Marine Le Pen et la banalisation du FN vous choquent ?
La dernière campagne, ça ne me choque pas plus que ce qui se passe depuis 5/10 ans, c’est juste dans la continuité du traitement infligé à l’Islam. Mais je suis de ceux qui pensent que la situation va empirer, je suis pessimiste mais je vois la France tomber dans le chaos.
Pourtant vous êtes connu pour transmettre des messages positifs dans vos chansons, notamment en direction des jeunes.
J’essaie d’être utile pour les gens que je prétends défendre. Je dis ce que je crois être juste. Ce qui est vrai c’est qu’on n’est pas condamnés à l’échec, qu’on doit se battre deux fois plus, que la rue peut nous amener à la prison, à la mort... Je ne suis le père de personne, je ne suis pas moralisateur, les gens font ce qu’ils veulent ensuite mais de mon côté je dénonce simplement ce que je crois être juste.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière ?
© Artur DelloyeÀ moyen terme, je sors un album en 2013 qui sera vraiment rap, à la façon de À l’ombre du show business ou de Réel. Mais à long terme je me vois plus dans ce que j’ai fait aux Bouffes du Nord. Avec ces concerts à 19h, je suis chez moi à 21h et je peux profiter de ma famille. Et ce sont des concerts que tu n’as pas peur d’assumer auprès de tes parents, de tes enfants…
Pourriez-vous faire autre chose que du rap ?
Ce n’est pas un hasard si je fais des concerts dans un théâtre. Je réfléchis à quelque chose... Mais il faut trouver un texte fort, un texte qui ne dénature pas ce que je suis. C’est important pour moi de ne pas me faire enfermer dans une case, c’est aussi pour ça que j’alterne les styles. Mais tout ce que je fais, il faut que ça reste du Kery James.
http://www.evene.fr/musique/actualite/kery-james-je-vois-la-france-tomber-dans-le-chaos-1023331.php
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