samedi 18 juin 2011

Moubarak et Ben Ali : la justice française enquête pour blanchiment....

ARCHIVES. Le parquet de Paris a ouvert deux informations judiciaires contre X pour blanchiment, l'une visant l'ex-président tunisien Ben Ali, l'autre l'ex-président égyptien Hosni Moubarak afin d'identifier et geler leurs biens en France.

Fethi Belaid


Plusieurs hôtels particuliers et des appartements à Paris, un chalet à Courchevel, une ou deux villas sur la Côte d'Azur, plusieurs millions d'euros sur des comptes... Le patrimoine en France de l'ancien président tunisien Ben Ali et de son entourage - une fortune estimée à cinq milliards de dollars - va être passé au crible. Le parquet de Paris a en effet ouvert deux informations judiciaires contre X pour blanchiment.
La première vise l'ex-président tunisien Ben Ali, en fuite en Arabie Saoudite et dont le procès doit commencer le 20 juin en Tunisie. L'autre cible le président égyptien déchu, Hosni Moubarak. Il s'agira d'identifier et de geler leurs biens en France.

Ces deux informations judiciaires ont été ouvertes le 14 juin, quelques jours après le dépôt d'une nouvelle plainte à l'encontre du président tunisien déchu, par deux organisations non gouvernementales (ONG), Sherpa et Transparence International France. Ces ONG, ainsi que la Commission arabe des droits humains, avaient déjà porté plainte le 19 janvier contre Ben Ali et son entourage, quelques jours après sa fuite en Arabie Saoudite. Intervenant peu après, le président de la République Nicolas Sarkozy avait assuré en conférence de presse que la France s'attachait «à la recherche systématique des richesses pillées qui doivent être rendues au peuple tunisien».

Douze comptes saisis en France pour un montant de 12 millions d'euros

Le parquet avait ouvert une enquête préliminaire le jour même. L'Office central pour la répression de la grande délinquance financière (OCRGDF) et la cellule antiblanchiment du ministère de l'Economie, Tracfin, avaient été saisies. Après une plainte similaire déposée par Sherpa et une association égyptienne contre l'ex-chef de l'Etat Hosni Moubarak et son entourage, le parquet avait également ordonné une enquête pour recel de détournement de fonds publics. Une troisième enquête a été par ailleurs été ordonnée visant le leader libyen Mouammar Kadhafi.

Les ONG disposent de peu d'informations sur le patrimoine de l'ancien leader égyptien en France, contrairement à celui de l'ex-dirigeant tunisien Zine El Abidine Ben Ali, dont la fortune et celle de son entourage sont évaluées à cinq milliards de dollars par les ONG. Douze comptes appartenant à quatre proches du président tunisien déchu ont déjà été saisis en France pour un montant de 12 millions d'euros. Le 1er février, la justice française avait saisi au Bourget un avion privé appartenant à la famille Mabrouk, dont un des membres est un gendre de Ben Ali.

Selon le président de Sherpa, également avocat de Transparence France, maître William Bourdon, «les avoirs bancaires et immobiliers» des deux présidents déchus ont désormais «été identifiés». «Nous attendons leur saisie pour garantir leur restitution aux peuples tunisien et égyptien», ajoute-t-il.


Deux associations viennent de se porter partie civile à l’encontre de la famille Ben Ali dans l’affaire des biens mal acquis en France et demandent l’ouverture d’une information judiciaire.
Tout a commencé il y a trois mois, le 17 janvier 2011. Transparency International, une association anticorruption, et Sherpa, un collectif d’avocats ayant pour vocation de lutter contre les crimes économiques, s’unissent pour porter plainte contre la famille Ben Ali. Dans le collimateur, des biens mal acquis: appartements, jet privés, comptes en banque.
A cette période, en Tunisie comme en France, la «Révolution du jasmin» vient de faire tomber Zine-El Abidine Ben Ali, après presque 30 ans de mandat présidentiel. Une semaine après, le peuple tunisien découvre l’ampleur des richesses de la famille de l'ex-président.

En France, Sherpa et Transparency International obtiennent tout d’abord l’ouverture d’une investigation policière. En trois mois, les autorités enquêtent sur un jet privé et de comptes bancaires de la famille Ben Ali-Trabelsi, sur lesquels seraient déposés 12 millions d’euros.
Pour Maud Perdriel-Vaissière, secrétaire général de Sherpa, l’enquête avance lentement, le parquet français a la mainmise sur le dossier. Les plaignants n’y voient pas assez clair:
«Peut-être que ce dossier contient des éléments compromettants pour des responsables français. Ce ne sont que des hypothèses pour le moment. Mais ce qui est sûr, c’est que maintenant on va y voir plus clair.»
«Remonter jusqu'aux origines des acquisitions»
Aujourd’hui, cinq mois après la première plainte, Sherpa et Transparency International se portent partie civile à l’encontre de la famille Ben Ali. Les deux associations viennent de déposer leur plainte auprès du doyen des juges d’instruction et sauront bientôt si elle est recevable ou non.

Si tel est le cas, ce n’est plus la police mais un juge d’instruction qui se saisira du dossier. Un plus incontestable pour Myriam Savy, chargée d’études au sein de Transparency International:
«Jusqu’ici, l’enquête policière menée nous a permis de dresser la liste des biens mal acquis par la famille Ben Ali. Le juge d’instruction pourra aller plus loin dans les recherches, et pourra remonter jusqu’aux origines de ces acquisitions», d’où la lenteur de l’enquête, selon la secrétaire générale de l’association Sherpa.
Trois mois, soit le délai nécessaire pour pouvoir passer à l’étape supérieure et solliciter l’aide d’un juge d’instruction.

Vers une enquête internationale?
Sherpa et Transparence International se réjouissent de pouvoir aujourd’hui se porter partie civile et saisir un juge d’instruction, «qui a un champ d’action plus large et qui n’a pas besoin d’autorisation pour des demandes d’actes au niveau international. Un juge d’instruction est nécessairement plus armé que le parquet pour mener à bien l’investigation. Le parquet devait d’abord demander l’autorisation du juges des libertés et de la détention pour pouvoir agir.»
Une enquête plus rapide, plus efficace? Pour Maud Perdriel-Vaissière de l’association Sherpa, plus qu’une suite logique dans la procédure, la saisie d’un juge d’instruction correspond à un désir de voir l’enquête s’accélérer:

«Depuis le 17 janvier dernier, date à laquelle nous avons déposé notre première plainte, nous n’avions eu aucun retour de la part du parquet. D’autres parts, notre association restait assez circonspecte par rapport aux avancées réelles de l’enquête. Seuls un avion et quelques comptes bancaires ont fait l’effet d’une mesure de gel. Et nous n’avons appris cela il y a seulement trois semaines.»
Maintenant Sherpa et Transparency International attendent la décision du doyen des juges d’instruction. Les deux associations qui voudraient, à terme, déterminer l’origine de toutes les richesses de la famille Ben Ali et restituer les biens mal acquis au peuple tunisien, ne savent pas encore quand leur plainte sera jugée recevable. Mais elles gardent espoir.
A défaut de juger l’ex-président en personne, elles veulent au moins donner aux Tunisiens les moyens de panser les plaies économiques de près de 30 ans de dictature.
Emilie Chaudet

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