mercredi 29 juin 2011

La Tunisie se trouve aujourd’hui face à l’une des situations les plus appréhendées de l’après Révolution.


Une vague d’extrémisme voit le jour ces dernières semaines et prend de plus en plus d’ampleur tout en augmentant les risques de la mise en plac...e d’une nouvelle forme de dictature beaucoup plus grave que la précédente. La Tunis...ie a toujours été un pays modéré, du moins depuis l’indépendance : elle se situe à mi-chemin entre le salafisme des islamistes radicaux et le modernisme outré des occidentaux. Elle a su ainsi se frayer son chemin vers la modernité tout en effectuant des progrès considérables dans plusieurs domaines notamment dans celui des droits de la femme.

Cela revient incontestablement à Bourguiba qui a su, à un certain degré, amalgamer modernisme et Islam en adoptant une politique manifestement laïque tout en conservant l’identité religieuse du pays : la Tunisie est un pays musulman affirme-t-on dans la constitution. Cette conception, apparemment contradictoire, a très bien réussi dans la mesure où l’on a pu trouver notre place dans le monde moderne sans pour autant renier notre identité religieuse. Aujourd’hui, un état d’urgence doit être signalé de par la gravité de la situation où se trouve la Tunisie post-révolutionnaire. Inopportunément, la grande révolution pourrait se retourner contre nous et nous ferait ainsi sombrer dans une autre tyrannie. Il apparait depuis quelques jours une vague d’intégristes de plus en plus nombreux composée d’hommes barbus revendiquant un état islamiste radical à l’instar de l’Iran et des pays du Golfe : modèle qui n’a jamais été le nôtre et qui ne le sera jamais.

Du moins, on l’espère ! Ces intégristes se mettent à raviver le désordre dans le pays, à manifester violemment, à harceler les femmes qui se rendent au travail, à terroriser les investisseurs étrangers et à chasser les touristes… Sous le nom de l’Islam, ils concourent à paralyser l’économie du pays fondée essentiellement, on le sait pertinemment, sur le secteur du tourisme. Ainsi, les rues tunisiennes se trouvent envahies par des hommes barbus, par des formes noires totalement couvertes. On a l’impression d’être n’importe où sauf en Tunisie, pays qui n’a jamais été ainsi. Ces comportements vestimentaires, outre la terreur qu’ils génèrent, n’ont pas le moindre rapport avec nos traditions : même nos grand-mères portaient autrefois le « foulard tunisien », le « Sefsari » et la « takrita » et c’était totalement dans une autre perspective que celle de ces obscurantistes d’aujourd’hui. D’ailleurs, certains parlent d’Rcdistes déguisés qui veulent montrer que ZABA faisait barrage contre ces fléaux.

Mais les rumeurs fusent et la vérité demeure inaccessible. Certes, nous avons revendiqué la liberté grâce à cette Révolution et nous l’avons eue : nous devons maintenant assumer ce que cette liberté pourrait engendrer. Chacun est désormais libre dans son comportement et dans ses choix vestimentaires et nul n’a le droit de juger qui que ce soit. Cependant, ce que l’on craint le plus c’est qu’on nous fasse reculer en arrière en nous imposant ces conceptions obscures et périmées.

Ces salafistes veulent imposer leur loi dans le pays et réservent des programmes, pour le moins que l’on puisse dire désastreux, pour la société et en particuliers pour les femmes tunisiennes. Il est impensable que celles-ci, aussi instruites et cultivées qu’elles sont, acceptent la soumission et soutiennent de telles calamités qui déboucheront sur une nouvelle dictature, pire encore, vers un âge des cavernes. Il est grandement temps de réagir face à ces tendances intégristes qui prennent de plus en plus de l’ampleur avec les jours.

L’avenir de la Tunisie est en jeu, les acquis précieux en matière de modernité sont en jeu, le renom de la Révolution du jasmin est en jeu… Il ne faut pas égarer tous les progrès qu’on a pu construire depuis l’indépendance et toutes les libertés qu’on a pu acquérir le lendemain de la révolution. Il faut réunir ces forces afin de construire une Tunisie meilleure. Les acquis sociaux de la Tunisie sont considérables et les droits octroyés aux femmes en représentent la meilleure illustration, car comme l’affirme Stendhal, ce sont ces droits-là qui témoignent du degré de la démocratie d'un pays. La Tunisie d’hier, n’étant pas un pays officieusement démocratique, Toutefois, les principes d’égalité entre hommes et femmes sont expressément garantis par les textes constitutionnels et législatifs tunisiens : « tous les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs ; ils sont égaux devant la loi » (article 6 de la Constitution), « la femme est électrice et éligible » (articles 3à et 21 de la constitution).

Le code du statut personnel promulgué le 13 septembre 1956 constitue à son tour l’une des plus chères réalisations tunisiennes dans le domaine social. Ce code a aboli la polygamie, institué le divorce judiciaire, fixé l’âge minimal du mariage à 17 ans pour la fille sous réserve de son consentement et a attribué à la mère, en cas du décès du père, le droit de tutelle de ses enfants mineurs. La Tunisie est encore le premier pays arabo-musulman à donner le droit de vote aux femmes et ce en 1957. Aussi, l’interruption volontaire de grossesse IVG a été autorisée en Tunisie même avant la France (1973 contre 1975)… Tous ces acquis précieux qu’a pu cumuler la Tunisie, pays qui, dans le monde arabo-musulman, se voit toujours pionnier dans tous les domaines (d’ailleurs c’est encore le premier qui se révolte contre la dictature), sont menacés d’anéantissement si l’on ne se mobilise pas en urgence.

Le gouvernement de transition ainsi que les médias qui adoptent jusqu’à présent une attitude passive face à ces dangers doivent réagir rapidement : Est-ce la crainte qui les en empêche ? Ou est-ce par complicité ? La réponse est inconnue ! Il n’en est pas question qu’on se laisse dominer par ces barbus qui véhiculent la terreur dans le pays. Il faut que tout le monde leur fasse face : le gouvernement en prenant des mesures décisives, les médias en alertant les auditeurs ou les téléspectateurs, les partis politiques en sensibilisant les gens et surtout les conseils régionaux et locaux de la Sauvegarde de la Révolution qui, jusqu’à présent, n’ont fait preuve d’aucune utilité… Enfin, chacun d’entre nous, notamment les femmes dont la liberté est plus que jamais menacée, doit se mobiliser en avertissant les autres et en dénonçant tout intégriste extrémiste.

Notre objectif c’est de former une Tunisie plus moderne, plus démocratique, plus forte. Une Tunisie musulmane modérée comme elle l’a toujours été. On ne reniera jamais notre identité religieuse mais l’on n’acceptera jamais un gouvernement intégriste borné qui handicapera notre cheminement vers la modernité et battra en brèche tout ce dont on est fier.

Habib Gharbi

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