vendredi 9 novembre 2018

L’Allemagne commémore la « Nuit de cristal » et craint un regain d’antisémitisme....


De nombreux Allemands commémorent cette Nuit en polissant ou en déposant des fleurs sur les petites plaques de laiton incrustées entre les pavés pour identifier les victimes...


L’Allemagne commémore vendredi, 80 ans après, la « Nuit de cristal », ces pogroms, meurtres, arrestations et saccages annonciateurs de l’extermination des Juifs, dans un contexte de crainte d’un regain d’antisémitisme.
Les dirigeants allemands ont mis en garde vendredi contre la résurgence de l' »antisémitisme préoccupant » et l’essor de l’extrême droite.
« L’Etat doit agir de manière conséquente contre l’exclusion, l’antisémitisme, le racisme et l’extrémisme de droite », a jugé la chancelière Angela Merkel lors d’un discours dans la plus grande synagogue d’Allemagne, à Berlin.
La dirigeante, tout de noir vêtue, a montré du doigt ceux qui « réagissent par des réponses prétendument simples aux difficultés » de l’époque actuelle, une référence à l’essor des populismes et de l’extrême droite en Allemagne comme en Europe.
Dans ce lieu de culte profané par les nazis il y a 80 ans jour pour jour, le président du Conseil central des Juifs, Josef Schuster est allé encore plus loin en invectivant le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) qui siège depuis un an au Bundestag, qualifiant ses membres d' »incendiaires moraux ».
Certains cadres de ce parti ont tenu des propos polémiques sur l’Holocauste et le devoir de mémoire en Allemagne. Ils tiennent aussi un discours islamophobe visant essentiellement les centaines de milliers de demandeurs d’asile arrivés dans le pays depuis 2015.
M. Schuster a ainsi qualifié de « honte pour notre pays » les agressions commises contre les juifs mais aussi contre les  réfugiés musulmans.
Josef Schuster à la synagogue Rykestrasse, lors d’une commémoration de la Nuit de Cristal, le 9 novembre 2018. (Crédit : Tobias SCHWARZ / AFP)
Quelques minutes plus tôt, lors d’une cérémonie à la chambre des députés, le président allemand Frank-Walter Steinmeier avait  dénoncé l’émergence en Europe d’un « nouveau nationalisme » nostalgique, selon lui, d' »un vieux monde parfait qui n’a en réalité jamais existé ».
« Nous sentons dans notre société (…) que les fossés se creusent », a mis en garde devant la chambre des députés le président de la République allemande, Frank-Walter Steinmeier.
Le président allemand Frank-Walter au Parlement allemand pendant une commémoration du 80e anniversaire de la Nuit de Cristal, le 9 novembre 2018. (Crédit : Wolfgang Kumm / dpa / AFP) / Germany OUT)
Le chef de l’Etat a fustigé devant les députés, dont ceux du parti d’extrême droite AfD, le « langage de la haine » qui cherche des « boucs émissaires » parmi les migrants, accueillis en nombre en Allemagne depuis 2015, et les musulmans.
Des mots lourds de sens 80 ans après, là aussi jour pour jour, les saccages par les nazis de milliers de synagogues et commerces tenus par des Juifs en Allemagne et en Autriche.
« Je tenais la main de mon père. J’ai vu la synagogue en feu et j’ai demandé ‘Pourquoi les pompiers ne viennent pas ?’ Je n’ai pas eu de réponse », a témoigné de cette nuit Charlotte Knobloch, ancienne présidente du Conseil central des juifs d’Allemagne, à l’antenne de la ZDF.
Plus de 1 400 lieux de culte incendiés dans toute l’Allemagne, des magasins tenus par des Juifs saccagés et pillés, au moins 91 personnes tuées et des milliers déportées : pour les historiens, ce qui s’est passé en Allemagne et en Autriche les 9 et 10 novembre 1938 marque le passage de la discrimination des juifs à leur persécution puis leur extermination par les nazis.
La propagande affirme alors qu’il s’agit d’une éruption de violence spontanée après le meurtre d’un diplomate à Paris. Mais elle a en réalité été planifiée au plus haut niveau de la hiérarchie nazie.
Les conséquences du pogrom de la « Nuit de cristal » en Allemagne, novembre 1938 (Domaine public)
Contexte trouble
Le signal a été donné par Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, et les destructions exécutées par des SS, SA, Jeunesses hitlériennes. La « Nuit de cristal » ou Nuit du « verre brisé » diffère ainsi des pogroms en Europe de l’est au XIXe siècle.
Joseph Goebbels (à droite), et Adolf Hitler à un tournage. (Crédit : domaine public)
Cette commémoration, qui se télescope avec le centenaire de l’Armistice de la Première Guerre mondiale et de la fin de l’Empire allemand, intervient dans un contexte trouble en Allemagne.
Il y a tout juste un an entrait au Bundestag une formation d’extrême droite, l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Et en août, la ville de Chemnitz (ex-Allemagne de l’Est) était le théâtre de manifestations et violences xénophobes.
Felix Klein, premier émissaire spécial du gouvernement allemand auprès de la communauté juive. (Crédit : ministère de l’Intérieur allemand)
« Aujourd’hui, nous voyons à nouveau la violence dans les rues », s’alarme auprès de l’AFP Felix Klein, commissaire du gouvernement contre l’antisémitisme, qui s’inquiète de la « radicalisation des discours en Allemagne ».
Le président français Emmanuel Macron s’est lui dit « frappé » le 31 octobre par la ressemblance entre la situation actuelle en Europe, « divisée par les peurs, le repli nationaliste », et celle des années 1930.
« Regardez comme en cinq ans la situation a évolué en Turquie, au Brésil, aux Etats-Unis, en Syrie et même ici en Allemagne, avec Chemnitz », abonde Uwe Neumärker, directeur de la Fondation en mémoire des Juifs d’Europe assassinés.
Il est un des concepteurs d’une exposition consacrée à la « Nuit de cristal » au musée berlinois Topographie de la Terreur, situé sur l’ancien site de la Gestapo et de la SS.
« En novembre 2018, nous ne sommes pas au bord du précipice d’une autre Nuit de Cristal, mais il est de notre devoir d’empêcher que de telles atrocités ne se reproduisent », met aussi en garde le Congrès juif mondial.
De nombreux Allemands commémorent cette Nuit en polissant ou en déposant des fleurs sur les « Stolpersteine« , des milliers de petites plaques de laiton incrustées entre les pavés pour identifier les victimes et leur adresse.
Illustration d’un « Stolpersteine » (pierres d’achoppement, pierres sur lesquelles on peut trébucher) à Berlin, le 9 novembre 2013. (AFP/Johannes Eisele)
Nouvelle forme d’antisémitisme
En 2017, des plaques avaient été volées, alimentant la crainte d’une résurgence de l’antisémitisme, une réalité infamante pour un pays dont l’identité s’est bâtie sur la repentance pour l’Holocauste.
Une forme d’antisémitisme nouvelle pour l’Allemagne fait en effet régulièrement les gros titres, celui prêté à de nombreux migrants arabo-musulmans qui ont afflué depuis 2015.
Mais l’essor de l’extrême droite allemande a aussi remis au premier plan un antisémitisme national. L’AfD a multiplié les polémiques liées au nazisme, jugeant en particulier que l’Allemagne devait cesser son repentir pour l’extermination des juifs. Des militants d’extrême droite voulaient manifester vendredi à Berlin mais le rassemblement a été interdit.
Manifestation contre le parti d’extrême-droite allemand AfD à Berlin, après les élections du 24 septembre 2017. (Crédit : John MacDougall/AFP)
L’inquiétude ne cesse donc de grandir au sein de la communauté juive allemande, forte d’environ 200 000 personnes.
Le nombre de crimes et délits à caractère antisémite est resté néanmoins stable dans les statistiques de police, avec environ 1.400 cas recensés chaque année depuis 2015. Plus de 90 % des affaires sont attribuées à l’extrême droite.

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