lundi 5 novembre 2018

ISRAËL ET L’ATTRACTION DES POPULISTES Par Jacques BENILLOUCHE...


A défaut de liens étroits avec les chancelleries européennes démocratiques, Israël développe ses relations avec les États populistes, tous d’obédience d’extrême-droite, parce qu’il partage avec eux la crainte de l’islam radical et la haine de l’extrême-gauche. On peut s’étonner a priori de ces convergences mais elles se justifient par les attaques permanentes des mouvements anti-israéliens téléguidés par les gauchistes, et le premier d’entre eux BDS.


Députés gauchistes à l'Assemblée

Le 13 novembre 2017, Israël avait d’ailleurs refusé l'entrée à des élus français du Parti communiste et de la France insoumise qui voulaient rencontrer Marwan Barghouti, chef militaire du Fatah jugé et emprisonné en Israël pour faits de terrorisme. Le ministre israélien de la Sécurité publique, Gilad Erdan, les avait pourtant prévenus : «Nous n'autoriserons pas l'accès au territoire à ceux qui appellent activement à s'en prendre à Israël, en particulier quand ils demandent à rencontrer et à conforter un fieffé meurtrier comme Barghouti, incitant ainsi à soutenir le terrorisme». Ces élus français, dont quatre députés qui n’avaient jamais voyagé en Syrie, avaient dénoncé avec culot «un déni de démocratie et de liberté aussi consternant qu'inacceptable».

Depuis plusieurs années, les forces nationalistes du Vieux Continent manifestent un intérêt croissant pour Israël. Malgré un antisémitisme historique, elles sont à présent convaincues qu’Israël représente l’avant-garde de l’Occident contre ses ennemis d’hier et d’aujourd’hui : le panarabisme socialisant naguère, puis le fondamentalisme islamiste aujourd’hui quand il ne s’agit pas de l’islam tout court. Les Israéliens avaient compris ces craintes et ont estimé devoir en profiter.
Geert Wilders

Il n’est un secret pour personne que les nationalistes israéliens ont toujours souhaité que l’aile droite triomphe en Europe car ils ont des affinités avec elle. Le chef du Parti de la liberté, Geert Wilders, en visite en Israël, s’était entretenu dans «une atmosphère amicale» avec le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Il était accompagné lors de son voyage par 35 parlementaires européens d’extrême droite, dont le Belge Filip Dewinter et ses collègues députés du Parti de la liberté, Wim Kortenoeven et Raymond de Roon. 

Pessin de Slate.fr

Wilders a voulu se démarquer du fascisme classique des mouvements d'extrême droite en Occident en adoptant une rhétorique libertaire de droite. A la base de son idéologie, il a utilisé un double langage, d’une part il veut préserver les libertés des citoyens néerlandais, blancs et indigènes, mais en revanche il veut restreindre ou supprimer les libertés des autres résidents, bruns et musulmans. Il veut distinguer l'antisémitisme du fascisme en diabolisant les Musulmans au lieu des Juifs, accusant l'islam de tous les problèmes de la planète. Wilders a comparé le Coran au manifeste de Hitler, Mein Kampf, et a insisté ouvertement sur le fait que «l'islam menace le monde entier». Ce langage plait aux Israéliens mais certains se sont étonnés de l'alliance impie entre la droite israélienne et les antisémites de l'Europe. Le vice-ministre Ayoub Kara (Likoud) s'était dit en revanche ravi de rencontrer «des amoureux d'Israël, que nous devons renforcer».
En 1999, le gouvernement israélien avait dénoncé la formation, en Autriche, d’un exécutif associant les conservateurs au Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), fondé par d’anciens nazis. 

Le Premier ministre travailliste Ehud Barak avait alors qualifié l’attelage de «pacte avec le Diable», et rappelé son ambassadeur à Vienne. Après la reconduction à l’issue des élections générales d’octobre 2017 de la coalition «noire-bleue»,Benjamin Netanyahou avait suspendu provisoirement les contacts avec les ministres d’extrême droite, tout en félicitant chaleureusement le leader conservateur, le chancelier Sebastian Kurz en lui a demandant de continuer à lutter contre l'antisémitisme. Il n’y a pas eu de condamnation israélienne, pas de mise en garde sur l'impact que l'entrée du FPÖ aurait sur les relations israélo-autrichiennes, sachant que ce parti était accusé d'être antisémite puisque son chef de l'époque, Jörg Haider, avait notamment déclaré que les camps de concentration nazis n'étaient que «des camps disciplinaires».
Sebastian Kurz 

Mais par principe de réalité, puisque l'extrême droite est arrivée au gouvernement dans d'autres pays européens, le gouvernement ne peut pas rappeler à chaque fois ses ambassadeurs sans prendre le risque de s'isoler. Cependant, Israël n’hésita pas à voir dans les anciens bastions antisémites des alliés potentiels. Ainsi, en janvier 2017, le vice-président du Front national, Nicolas Bay, était venu à Jérusalem, certes en visite privée, pour rencontrer des cadres du Likoud.

Nicolas Bay aux côtés de David Ish-Shalom, membre du comité central du Likoud

Pour des raisons d’opportunité, le gouvernement israélien a ignoré les actes antisémites en Hongrie. Le tropisme pro-israélien du populiste de droite Victor Orban au pouvoir en Hongrie ne l’a pas empêché de mener une campagne contre le milliardaire George Soros aux forts accents antisémites. Le 15 mars 2017, le dirigeant avait notamment vilipendé le philanthrope d’origine juive pour son soutien aux associations de défense des droits de l’Homme, en réactivant le cliché du Juif apatride, spéculateur et dominateur. L’ambassadeur israélien, Yossi Amrani, s’était ému des affiches violemment antisémites qui «évoquent non seulement de tristes souvenirs mais sèment la haine et la peur». Mais Netanyahou a préféré soutenir les Hongrois en estimant que Soros portait «atteinte aux gouvernements israéliens démocratiquement élus en finançant des organisations qui diffament l’État juif et cherchent à lui nier le droit à se défendre».
Orban et Netanyahou

Le président autrichien Heinz-Christian Strache manifeste, comme Geert Wilders, son soutien inconditionnel aux options politiques défendues par les Israéliens en étant favorable au déplacement de l’ambassade autrichienne à Jérusalem. Le Likoud avait ignoré la ligne gouvernementale officielle consistant à refuser tout contact avec les forces antisémites et l’avait invité à Tel-Aviv. Strache s’était entretenu secrètement avec plusieurs ministres tandis que le député Yehuda Glick s’était rendu en février 2018 à Vienne pour favoriser la normalisation avec le FPÖ.
Yehuda Glick et Heinz-Christian Strache

L’idéologie des partis d’extrême-droite cristallise la haine sur l’immigré musulman. Le Juif n’est plus le bouc émissaire et il est associé au destin d’un Occident prétendument menacé. Voulant à la fois conforter son image de respectabilité et donner du poids à sa croisade contre l’islam, l’extrême-droite qui aspire à gouverner cherche une onction israélienne pour faire oublier le soutien apporté par le Front national et le FPÖ au très antisioniste dictateur irakien Saddam Hussein. Marine le Pen n’a pas hésité à se présenter comme «le meilleur bouclier des Français juifs face au seul vrai ennemi, le fondamentalisme islamiste».  
Oren Hazan avec Valen Siderov

Le député Oren Hazan avait rencontré à Sofia le député bulgare Valen Siderov, chef de file du parti négationniste d’extrême-droite «Ataka». Par ailleurs, le président philippin Rodrigo Duterte qui s’était longtemps comparé à Hitler a été reçu en grandes pompes en Israël dans le cadre d’une visite qualifiée par Netanyahou comme «historique». Israël a aussi beaucoup apprécié l’arrivée aux commandes de l’Italie de la Ligue, fondée sur le rejet de l’immigration. Son président, le populiste ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, se définit comme un «ami et un frère d’Israël» et a d’ores et déjà annoncé un changement de politique de l’Italie à l’égard d’Israël.
Salvini et Di Maio

Certains Israéliens contestent la rapidité de l’oubli de l’extermination juive. Le président Réouven Rivlin, ancien du Likoud, a ainsi rompu l’unanimité : «Les prises de position pro-israéliennes de ces partis ne peuvent pas effacer leur idéologie qui rappelle celle des heures les plus sombres de l’Histoire». Il est vrai que les positions de certains pays européens sont paradoxales. En Autriche, le FPÖ présente l’islam comme la principale menace mais feint d’ignorer que 24% des actes antisémites chez lui sont imputés directement à des militants d’extrême-droite. En Allemagne, les élus de l’AfD sont certes les fervents soutiens d’Israël mais en revanche ils s’opposent à l’enseignement de la Shoah aux jeunes élèves. 
Bolsonaro

Le dernier événement concerne le Brésil où le candidat d’extrême-droite Jair Bolsonaro, pro-israélien, a été élu président. Il avait annoncé pendant sa campagne qu’il transférerait l’ambassade brésilienne de Tel Aviv à Jérusalem en cas de victoire. L’ancien dirigeant néo-nazi du Ku Klux Klan, David Duke, considéré comme une figure marquante de ce mouvement raciste l’avait soutenu : «Il est un descendant d’Européen. Il ressemble à n’importe quel Blanc des États-Unis, du Portugal, d’Allemagne et de France». Antisémite militant, Duke considère néanmoins que Bolsonaro a raison d’avoir une attitude positive à l’égard des Juifs nationalistes d’Israël.

Le gouvernement israélien ne semble pas voir le danger de soutenir les tendances réactionnaires et xénophobes de certains pays étrangers et de leurs dirigeants populistes qui n’ont pas totalement renoncé à l’antisémitisme. Il donne l’impression que la défense des Juifs ne se confond plus avec l’intérêt israélien.



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