vendredi 19 octobre 2018

Le nouvel album de Johnny Hallyday décrypté titre par titre...


La plus grande rock star française sort aujourd'hui son disque ultime. Mais quels sont ses secrets ? Explication de texte, « track by track ».


Avant de mourir le 5 décembre dernier des suites d'un cancer, la plus grande rock star française a eu le temps d'enregistrer un ultime album. Mon pays c'est l'amour, le nouveau – et dernier – album de Johnny Hallyday, qui sort vendredi à minuit (800 000 exemplaires seront mis en circulation et certains points de vente resteront exceptionnellement ouverts à cette heure avancée de la nuit pour l'occasion) a été enregistré en un an, entre la France et la Californie, où il résidait depuis une dizaine d'années. À 74 ans, affaibli par son cancer au poumon, le Taulier travaillait en effet depuis le printemps sur de nouvelles chansons. Vêtu de noir, son éternelle croix (Jimmy Hendrix crucifié) pendue sur son tee-shit au col en v décolleté, il s'est enfermé en août 2017 avec ses musiciens pour enregistrer, dans des conditions live, dans son studio de Los Angeles, avec son compositeur Maxim Nucci (alias Yodelice) et son guitariste Yarol Poupaud, l'équipe qui l'accompagne depuis 2014 et Rester vivant, opus qui marquait son retour au blues et au rockabilly. « Johnny disait : à mon âge, je peux faire ce que je veux », raconte amusé Bertrand Lamblot, directeur artistique chez Warner, en charge des albums de Johnny.
En septembre, alors qu'il entame un nouveau traitement extrêmement agressif en France, il se rend quand même quelques après-midi au studio Guillaume Tell à Suresnes. Dans cette imposante ancienne salle de cinéma où Elton John, les Rolling Stones et Sting ont officié, il pose sa voix sur les bases rythmiques enregistrées en Californie, entouré d'une équipe réduite (un ingénieur du son, un réalisateur, Maxim Nucci, Yarol Poupaud et Laeticia Hallyday, directrice artistique de l'image de Johnny). « Personnellement, j'étais tétanisé », se souvient Maxim Nucci, visiblement ému. « Mais je l'ai travaillé comme n'importe quel autre disque de Johnny Hallyday, il avait déjà eu des problèmes de santé et je n'imaginais pas qu'il sortirait dans ces conditions. » Sébastien Farran, son manager, lui-même, assure ne pas avoir imaginé que Johnny mourrait avant la sortie de cet opus. « Le dernier jour, je parlais de la prochaine tournée avec lui ! », raconte-t-il.
FRANCE-MUSIC-ALBUM-LEGEND-HALLYDAY © DIMITRI COSTE
La pochette du dernier album de Johnny Hallyday
© DIMITRI COSTE
Mixé par Bob Clearmountain (le producteur aux multiples Grammys, qui a travaillé avec les Stones, Bon Jovi, Robbie Williams…), ce 51e et dernier album est un bon album de Johnny Hallyday, dans la lignée des précédents, blues, rock, avec des chansons efficaces, pas du tout sombre ou testamentaire (comme les derniers albums de Leonard Cohen ou David Bowie), mais avec plus de cordes (qui ont été ajoutées après sa mort), ce qui donne un aspect dramatique à l'ensemble. La pochette, elle, est un cliché du photographe Dimitri Coste, issu d'une séance photo réalisée en 2012 pour son album L'Attente. Mais assez parlé. Il est temps d'appuyer sur play.
  • 1. «  J'en parlerai au diable »

« Si jamais on me dit que j'ai trahi ou menti, je viendrai répondre de mes actes et je ne me cacherai pas. J'en parlerai au diable », entame (après un solo de piano) Johnny de sa voix forte et roucoulante, d'une pureté qu'on ne lui connaissait plus. « Il faisait entre deux et cinq prises par morceau et sa voix n'a pas été retravaillée », assure Yodelice. Pour préserver ses poumons attaqués par les métastases, le chanteur a dû arrêter de fumer : sa voix n'a jamais été aussi belle. Si le texte est de Pierre Jouishomme, parolier depuis 2014, la mélodie est inspirée par « Conversation with the Devil » du chanteur americana Ray Wylie Hubbard. Une idée de Johnny, rappelle Bertrand Lamblot.
  • 2. «  Mon pays c'est l'amour »

Dans ce morceau rockabilly en diable, justement, écrit par Katia Landreas (qui a beaucoup travaillé avec Jenifer), Johnny arrive à monter assez haut dans les aigus quand il chante : « Je viens d'un pays où j'ai choisi de naître (...) Un pays qui ne m'a jamais quitté. » « Il adorait cette chanson », raconte Yodelice. « C'est un titre extrêmement difficile à chanter, avec un tempo très haut. Mais on n'a fait que deux prises. » On se souvient que certains avaient critiqué le choix du titre de cette chanson pour l'album, y voyant une référence aux procédures judiciaires entre Laeticia Hallyday et les deux aînés du chanteur… Mais quand on demande à Sébastien Farran, manager de Johnny, s'ils n'avaient pas peur que ce choix, vu le contexte, soit mal interprété, celui-ci balaye notre question d'un revers de la main : « Vous auriez voulu l'appeler comment, 4 m2 ? » Une attachée de presse reprend notre micro. Fin de la discussion.
  • 3. «  Made in rock'n'roll »

« C'est pas le temps qui va user ma carcasse. Je suis made in rock'n'roll », assure le Taulier dans ce titre uptempo, adaptation de « Let the Good Times Roll » de JD McPherson, chanteur et auteur américain quadragénaire; auteur et interprète de chansons rockabilly. Selon les proches de Laura Smet, Johnny avait choisi « Made in rock'n'roll » comme titre de l'album, dans lequel il avertit pourtant : « L'argent, il s'épuisera bien avant moi. »
  • 4. «  Pardonne-moi »

« Pardonne-moi si tu rêvais d'un autre que moi (...) Si je tombe, si je n'ai pas pu faire des adieux », poursuit-il dans « Pardonne-moi », une émouvante ballade écrite par deux jeunes auteurs, Yohann Malory (qui a travaillé pour Louane) et Hervé Le Sourd.
  • 5. «  Interlude »

L'interlude de corde et de cuivre (ceux de « J'en parlerai au diable », arrangés par Yvan Cassar) est digne de la fin d'un western – quand le héros meurt –, mais est ici placé au milieu du disque. Bertrand Lamblot explique : « Cet album est conçu comme une setlist de concert, avec un interlude au milieu, comme la pause pendant laquelle il sortait fumer une cigarette et se reposer. »
  • 6. «  4 m2 »

La prison est un thème qui est cher à Johnny Hallyday (on se souvient de ses tubes « Mirador » et « Pénitencier », et du bouleversant concert qu'il avait donné à la prison de Bochuz en Suisse en 1974, qui avait fait pleurer tous les détenus). Ici, encore, il se place du point de vue du condamné dans cette chanson blues, écrite par Pierre-Yves Lebert (auteur pour Julien Clerc, Pascal Obispo, Florent Pagny…).
  • 7. «  Back in LA »

C'est la meilleure chanson selon nous, une chanson d'amour, écrite par Miossec (le Breton avait écrit une dizaine de chansons pour l'idole des jeunes). « I want you back in LA, c'est ici que je t'aime », implore Johnny face à une dulcinée qui vient manifestement de faire ses valises. Une chanson efficace, qui aurait été parfaite pour la scène. « Johnny a très vite fait part de son envie de faire des stades », raconte Yodelice.
  • 8. «  L'Amérique de William »

Sur cette mélodie presque bluegrass, on ferme les yeux et on imagine le rockeur traverser les États-Unis sur sa Harley… Comme dans l'album Cadillac, Johnny chante la quête de la liberté, les road movies, sa passion pour l'Amérique et ses grands espaces. « Le rêve de sa vie, c'était l'Amérique », se souvient Sébastien Farran. « Il écoutait la radio country dans sa voiture. » « Johnny était très érudit sur le rock des années 60 », ajoute Thierry Chassagne, président de Warner Music France. Dans ce texte, l'écrivain Jérôme Attal ne parle ni de William Faulkner, ni de Tennessee Williams (Johnny rendait hommage à son dramaturge préféré dans « Tenessee » et, à 68 ans, c'était son rôle dans Le Paradis sur Terre qui lui avait redonné confiance en la vie), mais du photographe William Eggleston.
  • 9. «  Un enfant du siècle »

« Je me rappelle de chacune des blessures en moi. » Ces blessures, ce sont celles de l'enfance. « Suis-je encore cet enfant qui garde dans ses yeux les feux sans artifices ? », demande Johnny, à 74 ans. Le chanteur, abandonné par son père puis sa mère, a en effet été élevé par sa cousine et son mari, l'Américain Lee Halliday, qui lui donna son nom de scène et fit office de père.
  • 10. «  Tomber encore »

« Grâce à vous, j'ai vécu des moments formidables… Vous faites partie de ma vie, je ne vous oublierai jamais. » Cette déclaration d'amour de Johnny à ses fans est inscrite au dos de notre badge d'accès à l'écoute de ce dernier album de Johnny. Mais quelle meilleure manière de lui rendre hommage que de chanter une chanson écrite par un fan ? Boris Lanneau aura cette chance d'entendre ses mots interprétés par son idole. « Fais-moi tomber amoureux fou, tomber à genoux. »
  • 11. «  Je ne suis qu'un homme »

Qu'il est sombre, le dernier morceau de cet album posthume ! Aussi sombre que le regard que le rockeur portait sur notre époque (« Le monde qu'on espérait ne verra pas le jour. ») et sur sa finitude (« J'aurais voulu rester pour le meilleur mais je ne suis qu'un homme. »). Après ces mots, il ne reste plus que le silence.

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