Ce qui se passe dans les armées arabes ne peut laisser indifférent Israël car il existe une interconnexion des risques et des dangers. L'Algérie est la 17e puissance militaire mondiale et la première d’Afrique.
L'armée algérienne a joué un rôle historique dans la vie politique depuis l'indépendance en 1962. Beaucoup d'officiers ont tenu des fonctions publiques, le colonel Houari Boumediene en particulier, et il est généralement reconnu que l'armée a toujours été impliquée, dans les coulisses, dans la politique nationale.
Israël suit donc de près les changements qui agitent la hiérarchie militaire en Algérie avec un président handicapé qui s’accroche à son fauteuil et que certains qualifient de marionnette aux mains de ses généraux.
Après de longues années de silence et de reniement, les Egyptiens ont reconnu le rôle prépondérant de l’armée algérienne dans la guerre contre Israël en 1967-68 et 1973. C'est dire si Israël doit tenir compte de l'évolution de l'armée algérienne..
L’armée a été l’objet, ces dernières semaines, de limogeages et d’arrestations qui l’ont pratiquement décapitée. Le président Bouteflika a décidé de vastes changements au plus haut niveau des forces armées et de sécurité du pays qui se traduisent par le limogeage de la majorité des commandants des régions militaires ainsi que de plusieurs responsables sécuritaires.
Le premier changement a été opéré le 26 juin dernier, lorsque le Directeur général de la Sûreté Nationale (DGSN), Abdelghani Hamel, en poste depuis 2010, a été démis de ses fonctions pour être remplacé par Mustapha Lehbiri, directeur général de la Protection civile depuis 2001. Quelques jours plus tard, le 4 juillet, le commandant de la Gendarmerie nationale, le général-major Menad Nouba, qui avait été nommé en 2015, a été remplacé par le général Ghali Belekcir.
Le 17 août 2018, les commandants de la 1ère et de la 2ème régions militaires ont été simultanément démis de leurs fonctions. Le général-major Lahbib Chentouf, chef de la 1ère région militaire (Blida) depuis 2004, a été remplacé par le général-major Ali Sidane qui occupait jusque-là le poste de directeur de l’académie militaire (AMIA) de Cherchell. Le commandant de la 2ème région militaire (Oran) depuis 2004, le général-major Saïd Bey, a été également remplacé par le général-major Meftah Souab, alors commandant de la 6ème région Militaire (Tamanrasset).
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| Bouteflika et ses généraux |
Le 22 août, le patron de la Direction centrale de la sécurité de l’armée (DCSA), le général-major Mohamed Tireche dit Lakhdar, a été remplacé par Othmane Bel Miloud, alias Kamel Kanich, chef du Centre principal militaire d’investigation (CPMI). Dans la foulée, le général Benattou Boumediene a été limogé de son poste de Contrôleur général de l’armée et remplacé par le général-major Hadji Zerhouni, directeur central de l’intendance.
Le 27 août, le général-major Ahcène Tafer, commandant des Forces Terrestres depuis 2004, a été remplacé par le général-major Saïd Chenagriha, qui occupait le poste de commandant de la 3ème région militaire (Béchar). Il a été remplacé à son poste par le général-major Mustapha Smaïli. Le 27 août également, le commandant de la 4ème région militaire (Ouargla), le général-major Abderrazak Cherif, a été remplacé à la tête de la 4ème région par le général Hassan Alaïmia. Seul le commandant de la 5ème région militaire (Constantine), le général-major Ammar Athamnia, nommé en 2015, a gardé son poste.
Enfin, le 6 septembre, les chefs d’État-major des forces aériennes, le général-major Mohammed Hammadi, et celui de la défense aérienne, le général-Major Ali Baccouche, ont été limogés. De toutes ces évictions, le limogeage du général Abdelghani Hamel, directeur de la sûreté nationale étonne car il passait pour un proche d’Abdelaziz Bouteflika. Il n’y aurait pas de raison politique à son éviction mais son chauffeur personnel a été impliqué dans la saisie de 700 kg de cocaïne.
Dans ce chambardement de tout l’État-major, le 14 octobre, le tribunal militaire de Blida a placé en détention provisoire cinq généraux qui avaient été démis de leurs fonctions : le général Nouba, les généraux Chentouf, Bey et Chérif, tous anciens chefs de régions militaires ainsi que le général Boudjemââ Boudouaour, ex-directeur des Finances au ministère de la Défense. Il leur est reproché d’avoir commis des «infractions aux consignes générales de l’armée» portant sur des faits de «dilapidation de fonds publics et de mauvaise gestion».
Ces généraux ont été privés, le 15 septembre 2018, de leur passeport, avec interdiction de quitter le territoire, sur décision du Tribunal militaire qui a ordonné en outre des perquisitions dans leurs domiciles. Ils sont accusés de «biens mal acquis, de fortunes personnelles et de création de plusieurs sociétés au nom de leurs enfants». Il a été reproché au général Remila d’avoir permis au général Saïd Bey de partir en France et de lui avoir donné une prise en charge médicale.
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| Général Saïd Bey |
Comment expliquer ces purges brutales qui ont touché les directions les plus sensibles ? Depuis son arrivée au pouvoir en 1999, le président Bouteflika n’avait jamais procédé à un mouvement d’une telle ampleur. La purge du général Lamari en 2004, qui s’opposait à sa candidature, n’avait pas été suivie de changements significatifs. En revanche, progressivement, les généraux qui étaient en place à l’arrivée de Bouteflika ont tous quitté l’armée car ils étaient perçus comme des militaires politisés.
Ces changements massifs inquiètent les Occidentaux car l’armée algérienne est considérée comme la meilleure du monde arabe et que l’Algérie est le plus gros acheteur d’armes de l’Afrique. On s’interroge sur les raisons de cette chasse aux sorcières et nombreux sont ceux qui pensent qu’elle est liée à la prochaine élection présidentielle de 2019. Pour le moment, le président Bouteflika n’a pas précisé s’il briguera un cinquième mandat. Pour certains observateurs, s’il ne se représente pas, le général Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la défense nationale et inamovible chef d’état-major des armées depuis 2004 pourrait se porter candidat. Cela pourrait expliquer cette purge qui consiste à placer ses proches à des postes clés.
Pour d’autres au contraire, ces purges marquent «un isolement, voire la fin du règne d’un chef d’État-major qui détient, désormais, le record du nombre d’années à ce poste» ce qui présage alors d’une guerre de clans. L’approche de l’élection présidentielle pourrait expliquer ces changements car Bouteflika risque de s’engager sur la voie d’un 5ème mandat. Mais la chape de plomb qui entoure les événements en Algérie pousse à toutes les interprétations. Les raisons des limogeages en série qui ont touché des commandants de régions et des directeurs centraux n’ont pas été révélées.
Le chef d’État-major s’est contenté d’affirmer que ce vaste mouvement entrait dans un cadre normal et que seuls les critères de compétence ont été retenus. Cependant, les autorités politiques et militaires n’ont pas l’habitude de communiquer sur le sort réservé aux responsables touchés par les remplacements opérés au sein des deux institutions militaire et sécuritaire.
Les chefs militaires algériens n’ont jamais été sur le gril comme ces derniers temps. Les autorités algériennes se justifient en expliquant qu’il fallait rendre l’armée plus professionnelle en la débarrassant de ses gradés ripoux ou âgés. Il est vrai que le dynamisme d’une armée comme Tsahal dépend de la jeunesse de ses cadres. On peut cependant s’étonner de cette décision si tardive qui touche les faiseurs de roi.
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| Bouteflika et son frère |
En décidant de neutraliser des concurrents potentiels présidentiables, Bouteflika risque de courir à sa propre perte car les généraux déchus pourraient fomenter un coup d’État parce qu’ils jugent que le président, 81 ans et malade, devrait songer à sa propre succession. On sait que son frère et l’armée tirent les ficelles du pouvoir politique mais la jeunesse algérienne estime presque ouvertement, qu’après la détérioration de la situation économique, leur leader n’est plus physiquement apte à conduire le pays. Pour cela il faut pouvoir raisonner librement alors que ce n'est plus le cas du président algérien.







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