La coureuse de 10 000 m d’origine kényane a apporté mercredi soir à l’Etat hébreu sa première médaille d’or féminine dans un championnat d’Europe.
Le soleil chauffe à blanc la terrasse de l’hôtel berlinois, placé en face du Mémorial de la résistance allemande. C’est là que loge notamment la délégation israélienne pour les championnats d’Europe d’athlétisme, soit huit sportifs en tout.
Ce jeudi, Lonah Chemtai-Salpeter et Dan Salpeter, son coach et mari, ne cessent de répondre aux félicitations. Le téléphone de ce dernier sonne sans arrêt : «La presse israélienne est en ébullition ! C’est un moment historique pour notre sport et notre pays», déclare celui qui, peu de minutes après, recevra un appel du Premier ministre israélien en personne.
La veille, Lonah Chemtai-Salpeter est entrée dans l’histoire du sport israélien. En remportant le 10 000 m qu’elle a mené de bout en bout, la jeune femme d’origine kényane naturalisée par son mariage en 2016 est devenue la première Israélienne à remporter une médaille d’or dans un championnat d’Europe d’athlétisme (1).
«Douleur banale»
La vie de Lonah Chemtai-Salpeter, qui a encore du mal à se définir comme professionnelle, a changé en 2008 (elle avait alors 20 ans). Et ce n’est pas dû au sport. «On m’avait proposé d’être la nounou des enfants de l’ambassadeur du Kenya à Tel-Aviv. Je me suis dit : “Pourquoi pas.” Mes parents étaient d’accord, et je suis partie. Je suis restée quatre ans au service de l’ambassadeur.»
Dan Salpeter a été un bon coureur dans son pays. «Un jour, ma colocataire, qui était kinésithérapeute, me présente Lonah, qui était venue à la maison pour se faire soigner une douleur à la jambe, se souvient Salpeter, aujourd’hui entraîneur professionnel auprès de la Fédération israélienne d’athlétisme. Ce n’était pas une blessure, car Lonah ne courait pas quand elle travaillait en tant que nounou, c’était juste une douleur banale.»
Tous les deux commencent à se fréquenter, et se marient en 2014. Dan Salpeter accompagne sa femme dans ses joggings, décèle son potentiel et l’encourage à s’entraîner toujours plus : «Oui, mais à l’époque, dès que j’étais fatiguée je disais : “Stop, maintenant je ne peux plus !” J’avais fait du sport au lycée : un peu d’heptathlon, un peu de course à pied et beaucoup de football. J’aimais bien le football», raconte Lonah.
Ses débuts en compétition ne laissent pas envisager la suite de l’histoire : une anonyme 40e place au semi-marathon de Berlin en 2016, puis, la même année, un abandon au marathon olympique à Rio.
«J’en garde un très mauvais souvenir», dit-elle. Lonah Chemtai-Salpeter n’était pas taillée pour courir un 42 km, distance qui ne peut s’improviser. «Elle n’avait pas encore le niveau international pour pouvoir courir un marathon, commente Dan Salpeter.
Grâce à notre agent, on est entré en contact avec Renato Canova, mon mentor en tant que coach. On discute beaucoup avec lui, il partage son énorme expérience [Canova a 73 ans et est encore en activité, ndlr].
A la fin du mois de mai, après la Coupe d’Europe du 10 000 mètres à Londres, où Lonah a gagné, on a décidé de se concentrer à nouveau sur la piste pour améliorer ses records personnels, avant de revenir plus fort sur un marathon», explique Dan Salpeter.
«Priorité absolue»
Dan et Lonah Salpeter ont un petit garçon, Roy, aujourd’hui âgé de 3 ans. Le visage de sa mère s’illumine quand elle en parle. «Il n’est pas là : pour ma concentration ça aurait été trop difficile de devoir m’occuper de lui. Mon fils est ma priorité absolue.
Cette année, je l’ai amené au Kenya dans ma famille pendant que je m’entraînais. Je dois apprendre à rester loin de lui à cause de l’entraînement mais c’est assez dur car lui il a besoin de moi, et moi aussi j’ai besoin de lui !»
Ce dimanche, Lonah Salpeter, qui aura 30 ans en décembre, va s’aligner sur 5 000 mètres à Berlin. «Ça va être plus dur. Déjà, il faudra voir si j’ai bien récupéré de l’effort de mercredi soir. Il faisait très chaud et sec, je préfère quand l’air est plus humide, on arrive mieux à respirer. De plus, les allures sont plus rapides, moins adaptées pour moi», confie l’athlète, fière de porter le maillot floqué de l’étoile de David.
«Je suis contente de cette médaille, pas que pour moi. Pour mon pays aussi [elle touche le drapeau imprimé sur le maillot], qui me soutient complètement dans mes efforts. Je me trouve vraiment très bien en Israël, les gens sont très agréables et les paysages me permettent de bien m’entraîner dans la nature. A côté de chez nous, à une demi-heure de Tel Aviv, il y a une petite forêt où j’aime vraiment courir», raconte la fondeuse. «Comment une petite forêt ! C’est une grande forêt pour nous, corrige, en souriant, son mari. Nos standards ne sont pas les mêmes !»
(1) Boycotté par de nombreux pays arabes, Israël est sportivement rattaché à l’Europe pour pouvoir participer à des compétitions continentales.
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