lundi 6 août 2018

Alfred Nakache, le « nageur d’Auschwitz »


Le 4 août 1983 disparaissait Alfred Nakache, le « nageur d’Auschwitz »

Le 4 août 1983 disparaissait Alfred Nakache, l’un des plus grands nageurs de l’histoire de la natation française, le plus exemplaire sans doute qui participa aux Jeux olympiques de Londres en 1948, et reste connu comme « le nageur d’Auschwitz ».
Né à Constantine en 1915, dans une famille juive traditionaliste, Nakache s’était lancé dans la natation pour lutter contre une terrible aquaphobie naturelle. Il se révèle si doué dans les compétitions algériennes qu’il éclate bientôt en métropole et finit par s’installer dans la capitale en 1934 après des championnats de France particulièrement brillants. Il n’a que 18 ans.
Sélectionné aux Jeux olympiques de Berlin, il décide de s’y rendre en dépit des circonstances et se classe 4e avec le relais 4X200 m français, devant le quatuor allemand. Un pied de nez, même si Alfred refuse obstinément de penser à la politique à cette époque.
Particulièrement doué pour la brasse papillon, il a pour seul adversaire dans cette discipline un autre surdoué, Jacques Cartonnet. Une rivalité sportive qui va, dans les années noires, se muer en une inimitié aux conséquences terribles.

Dès 1940, Alfred Nakache et son épouse, éducatrice sportive comme lui, sont contraints de quitter Paris pour se rendre en zone libre. Installé à Toulouse, il continue de dominer la natation nationale sous les couleurs du TOEC et bat le record d’Europe du 200 m brasse établi par l’Allemand Jochen Balke aux Jeux de Berlin. Il s’empare enfin du record du monde de la discipline et devient un modèle, soutenu ardemment par le président de la Fédération française de natation d’alors, Georges Drigny. Sa popularité est telle qu’il reçoit même, lors d’une compétition à Toulouse, les félicitations du maréchal Pétain. Mais tout bascule en 1943, où le commissariat aux Sports interdit aux Juifs de s’aligner aux championnats de France. Ses camarades du TOEC boycottent l’épreuve en signe de soutien.

Mais Alfred Nakache, privé de compétition, n’est plus à l’abri des nazis, d’autant que la presse collaborationniste se déchaîne contre lui et qu’à Paris, son ennemi juré Jacques Cartonnet, est passé à la Milice. Ce dernier a-t-il joué un rôle dans sa dénonciation ?
Difficile à affirmer. Reste qu’Alfred Nakache est arrêté avec sa femme et sa fille en novembre 1943 et transféré à Drancy. Ils sont aussitôt séparés parce qu’un officier a reconnu le nageur et l’a aiguillé vers un convoi où les déportés ne sont pas destinés à l’extermination. Paule et Annie seront gazées dès leur arrivée en Allemagne et Alfred n’apprendra leur disparition qu’au retour des camps.

« >Déporté à Auschwitz, il subit l’humiliation de ses geôliers et est contraint d’aller chercher, au fond d’un bassin de rétention, des objets qu’ils y jettent. Il se venge en organisant des séances de baignade avec ses camarades.
Déplacé à Buchenwald lors de la marche de la mort, il survit grâce à sa solide constitution et le fol espoir de revoir sa famille. Il est libéré an avril 1945. Quatre mois plus tard, réfugié chez son ami Alex Jany à Toulouse, il retrouve son titre de champion de France et a la surprise de découvrir que le bassin du TOEC a été baptisé de son nom, parce qu’on le croyait mort.
Puis aux Jeux de Londres, ceux des survivants, il représente à nouveau la France au 200 m brasse et en water-polo.
Discret, passionné de la vie, il passa le reste de son existence à enseigner son sport et ne cessa de pratiquer cette natation qui lui avait tout donné. Retraité, il allait tous les jours nager en mer au large de Cerbère jusqu’à ce 4 août 1983 où, âgé de 77 ans, il n’atteignit pas l’autre rive, victime d’une crise cardiaque.

Sur sa tombe, il fit ajouter les noms de Paule, sa première épouse, et d’Annie, leur fille, toutes les deux gazées à Auschwitz.

La dernière photo : à la pêche à la truite dans le Lodévois, tout fier de sa belle prise.
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Par ©Alexandra Leyris Assistante archiviste à la ville de Saint Mandé (94) Membre de l’association des Gardiens de la Vie. Petite fille de Cheikh Raymond Leyris

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