Tout le monde connait l’histoire de la Tour de Babel. C’est à cet instant que les langues seraient nées: les hommes se retrouvent condamnés à ne plus se comprendre. C’est partant de cet événement historique que Bruno Dray, passionné des mots, des langues et de l’étymologie nous offre un ouvrage qui nous éclaire sur l’origine commune de toutes ces langues: l’hébreu. Dans ”Ce que les langues européennes doivent à l’hébreu” (Valensin, 2016), l’auteur met en valeur l’apport linguistique de la langue hébraïque à six langues contemporaines: le français, l’espagnol, l’italien, l’anglais, l’allemand et le russe. Etonnant? Bruno Dray nous explique les cheminements de son étude.
Le P’tit Hebdo: Comment avez-vous découvert les origines hébraïques des langues européennes?
Bruno Dray: C’est au cours de l’élaboration d’une méthode d’apprentissage de l’hébreu que j’ai touché du doigt des similitudes étonnantes entre les langues européennes et l’hébreu. Pendant plus de 15 ans, j’ai creusé l’étymologie des langues et je me suis rendu compte que l’on pouvait faire des rapprochements consonantiques entre de nombreux mots hébreux et de différentes langues européennes.
Lph: Qu’est-ce qu’un rapprochement consonantique?
B.D.: Les mots en hébreu sont construits sur la base d’une racine trilitère et ne se composent que de consonnes; les voyelles, ces points en haut ou en bas des lettres, ne sont apparues que bien plus tard et ne sont pas utilisées dans l’hébreu courant. Il se trouve que ces consonnes qui composent la racine du mot, peuvent être rapprochées de consonnes qui composent des mots européens.
Lph: Par exemple?
B.D.: Prenez le mot “nid” en hébreu – “ken” (kouf, noun), eh bien on peut facilement le rapprocher du mot “cuna” en espagnol qui signifie ”berceau”. L’exemple du mot ”meuble” en hébreu, réhite, est aussi très parlant. Ce même mot dans le livre de Berechit, est aussi employé pour signifier ”courir”. Or en français, le mot “meuble” fait allusion au terme latin d’être en mouvement et en allemand, on retrouve le ”reiter”, le cavalier. Enfin, on peut aussi citer le mot ”kipa”, qui est à rapprocher du mot ”cape”, entre autres. Les exemples sont très nombreux et tous détaillés dans mon ouvrage.
Lph: Les rapprochements que vous faites sont-ils toujours le fruit d’une étude scientifique?
B.D.: En effet. Certains mots sont même le résultat de plusieurs mois de recherches basées sur des données scientifiques. Ces correspondances ont pu être établies grâce à ma connaissance approfondie de huit langues. Par ailleurs, j’ai découvert récemment que j’avais un prédécesseur. Jacques Azais (1778-1856), a publié en 1853 des travaux similaires aux miens. Son étude est remarquable, et ce d’autant plus qu’il était non juif.
Lph: Donc la catégorisation classique des langues – sémites, latines, slaves,… – serait erronée?
B.D.: Les langues européennes sont, effectivement, considérées comme des langues d’origine latine et grecque. Mon étude démontre que ces classifications ne sont pas si tranchées. Le judaïsme étant la mère de toutes les religions, l’hébreu est aussi antérieure à toutes les autres langues et les a influencées. La Bible n’est pas qu’un livre d’histoire, il est aussi une base linguistique. C’est ce que j’ai abordé dans mon précédent ouvrage, ”Trésors étymologiques de la Bible”. La catégorisation classique des langues n’est pas erronée mais plutôt incomplète. L’apport du judaïsme n’est pas apprécié à sa juste valeur.
Lph: Entre le début de l’exil et la renaissance de l’hébreu, notamment grâce à Eliezer Ben Yehuda, peut-on dire que l’hébreu était une langue morte?
B.D.: L’hébreu n’a jamais été une langue morte. Elle a continué à exister par d’autres moyens qu’en étant la langue officielle d’un pays. D’abord à travers la lecture et l’étude des textes sacrés et aussi par les nombreux dialectes qui en sont issus: judéo-arabe, yiddish et autres. D’ailleurs, voilà l’une des raisons pour lesquelles les langues européennes sont imprégnées d’hébreu: elles ont été influencées par ces dialectes.
Lph: A qui destinez-vous cet ouvrage et qu’aimeriez-vous que vos lecteurs en retirent?
B.D.: Ce livre s’adresse à tous ceux qui aiment les langues. Au-delà de ce plaisir intellectuel, il démontre aussi l’absurdité de l’antisémitisme par un biais original. Les langues, ces facteurs qui éloignent, se retrouvent toutes autour d’une origine commune: l’hébreu. Donc, mon vœu est que cet ouvrage serve à comprendre cela et à rapprocher les peuples.
Lph: Pour l’amoureux des langues que vous êtes, comment définissez-vous l’hébreu?
B.D.: L’hébreu est une inspiration. C’est la langue de la Bible et se trouve à nos origines, quel que soit notre pays d’appartenance. Elle témoigne aussi de l’apport du peuple juif au monde occidental.
Pour se procurer l’ouvrage:
Sites Amazon, Fnac
Ou en contactant l’auteur: (33)6.65.73.22.57 (r-mail : bruno.dray@laposte.net), ainsi qu’auprès de son éditeur “Editions Valensin David Reinharc” au (33) 1.46.37.67.08
Site internet de l’auteur: www.babel-langues.com
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay
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