Selon Stéphane Lathion, qui fut un proche de Tariq Ramadan, les « dérapages » de l’islamologue suisse ont commencé dans les années 1980.
De notre correspondant à Genève, Ian Hamel
L’auteur de Islam et Musulmans en Europe. La transformation d’une présence n’a pas attendu que Tariq Ramadan, visé en France par deux plaintes pour viols, soit placé en garde à vue à Paris. Dans le quotidien suisse Le Temps, Stéphane Lathion, ami de Tariq Ramadan durant vingt ans, a raconté le 11 janvier dernier que « des dérapages se sont produits dès le milieu des années 1980, au moment même où il organisait des actions humanitaires dans son école des Coudriers ».
Né en 1962 à Genève, Tariq Ramadan rêvait à cette époque de devenir footballeur professionnel. Il avait créé l’association Coopération Coup de main, qui organisait des voyages en Afrique, au Brésil, en Inde, pour les jeunes de 15 à 18 ans. Son engagement lui avait permis de rencontrer le dalaï-lama, sœur Emmanuelle, Dom Hélder Câmara, évêque brésilien et apôtre de la théologie de la libération, René Dumont ou encore l’abbé Pierre. Des rencontres qui lui ont permis ensuite d’apparaître comme un modéré, qui a toujours coopéré « avec des chrétiens et des humanistes agnostiques ou athées ».
Insultes
« Trente années de souffrances infligées à des femmes sans l’expression d’aucun remords. Combien de personnes se sentent-elles trahies parmi celles ou ceux qui ont travaillé avec lui, que ce soit dans l’humanitaire à Genève, dans le secteur associatif islamique en France, en Belgique, à Québec ou à l’île Maurice ? Pour tous ses collègues enseignants, la déception doit être immense », ajoute Stéphane Lathion, lui-même enseignant et cofondateur du Groupe de recherche sur l’islam en Suisse (Gris).
Selon certaines femmes, le très souriant professeur Tariq Ramadan pouvait se transformer en quelques secondes en bête sauvage. Stéphane Lathion assure : « De façon inexplicable, il rompra tout contact lorsque je fus engagé à l’université de Fribourg en tant que maître d’enseignement et de recherche, me couvrant alors d’insultes. » Toutefois, cette rupture brutale peut s’expliquer dans la mesure où Tariq Ramadan a donné bénévolement, pendant des années, un exposé sur l’islam à l’université de Fribourg. Cette activité lui permettait de signer des tribunes dans la presse où il se présentait comme « professeur d’islamologie et de philosophie ». Puis, un jour, l’université de Fribourg a salarié Stéphane Lathion, se passant des services de Tariq Ramadan.
Complot
Coauteur de Les Musulmans, une menace pour la République ?, l’islamologue Stéphane Lathion va plus loin en accusant les instances dirigeantes de l’Union des organisations islamiques de France (UOIF), aujourd’hui Musulmans de France, de connaître « depuis des années les mœurs sexuelles de Tariq Ramadan ». Il ajoute : « Parmi nombre de responsables associatifs dans le monde francophone enfin qui se retranchent dans le déni, au mépris de leurs coreligionnaires, en droit d’attendre un peu plus de probité de leurs leaders ».
Sur le site du comité de soutien aux anciennes élèves abusées par l’islamologue à Genève dans les années 1980-1990, une internaute interpelle l’ami de vingt ans de Tariq Ramadan en posant la question : « Pour qui roule Stéphane Lathion ? » Pendant toutes ces années, ce dernier n’a pas non plus mis en cause le célèbre prédicateur.
« Cette garde à vue n’est pas une surprise »
Dans son édition de jeudi, Libération souligne que l’organisation Musulmans de France se mure dans un silence total, mais qu’en interne elle serait « accablée ». L’une des victimes présumées du prédicateur, Majda Bernoussi, qui s’est longuement exprimée sur le site du Point , aurait alerté dès 2012 l’UOIF et Hani Ramadan, frère de Tariq, directeur du Centre islamique de Genève, sur le sujet.
Contacté mercredi par Le Point, le cabinet des avocats français de Tariq Ramadan, Mes Yassine Bouzrou et Julie Granier, n’a pas répondu à notre appel. En revanche, ses avocats suisses, Mes Yaël Hayat et Marc Bonnant, ont déclaré dans la presse helvétique que cette garde à vue à Paris était connue « de Tariq Ramadan et voulue par lui. Il ne s’agit pas d’une surprise. Il est temps que la parole lui soit donnée et qu’il soit entendu. »
http://www.liguedefensejuive.com/tariq-ramadan-et-les-femmes-30-ans-dimpunite-2018-02-01.html
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