jeudi 15 février 2018

Il y a 10 ans: L’attentat du Merkaz Harav...


C’était il y a 10 ans, un jeudi soir, Rosh Hodesh Adar beth. Un terroriste armé d’une kalachnikov, dissimulée dans un carton, entre dans la Yeshiva du Merkaz Harav. Arrivé dans la cour intérieure, il sort son arme et ouvre le feu sur un groupe d’élèves devant le lycée de la yeshiva. Il assassine trois jeunes élèves: Yonadav Haïm Hirshfeld (18 ans), Roï Aaron Roth (19 ans) et Yonathan Itshak Eldar (16 ans), H’yd. Le terroriste, un arabe israélien de Jabel Mukaber, se dirige ensuite vers la bibliothèque et tire sur les étudiants présents. Cinq autres jeunes garçons sont assassinés: Neria Cohen (15 ans), Segev Peniel Avihail (15 ans), Avraham David Moses (16 ans), Yohaï Lipshitz (18 ans) et Doron Mahareta (26 ans), H’yd.
D’après l’enquête policière, une unité de police qui effectuait une ronde, n’a pas jugé utile d’entrer à l’intérieur du bâtiment, l’un des policiers se contentant de pénétrer dans la cour intérieure, sans tirer un seul coup de feu. Ce sont finalement deux hommes du kollel du Merkaz Harav, Itshak Dadon et David Shapira, tous deux armés, qui réussiront à tuer le terroriste.
Le choc est immense. Des milliers de personnes sont présentes à l’enterrement des jeunes victimes.
Dix ans plus tard, LPH a recueilli le témoignage de parents de victimes.


Dror Eldar
Père de Yonathan Isthak Eldar, H’yd
 
Le P’tit Hebdo: Qui était Yonathan?
Dror Eldar: Comme cinq des huit victimes de l’attentat, Yonathan étudiait au lycée de la Yeshiva, ”Yeshiva latseïrim”. Leur bâtiment est collé à la bibliothèque du Merkaz Harav. Lorsque Yonathan a été assassiné, il était en chemin pour aller étudier, nous avons vu, avec douleur, ses derniers pas, sur les caméras de surveillance. Il est l’un des premiers à avoir été tué.
Nous avons eu 7 garçons et une fille; Yonathan est notre sixième enfant. Sa vie a été courte mais elle a été si remplie.  Il étudiait toujours avec beaucoup d’entrain et de volonté. Il avait pris sur lui d’aider son groupe du Talmud Torah de Shilo, à terminer une masse’het, lorsqu’il n’avait que 13 ans. Ses amis ont témoigné après sa mort de la façon dont il remplissait méthodiquement ses journées, chargées en étude de la Torah.
Yonathan aimait aussi beaucoup se promener sur les chemins d’Eretz Israël. Il s’attachait à faire de chaque activité ”matérielle”, une activité spirituelle. Il se dévouait dans son rôle de madri’h au Bné Akiva. Il prenait à cœur chaque action ou mission.

Lph: Comment avez-vous appris la terrible nouvelle?
D.E.: Le soir de l’attentat, j’étais au travail. Ma femme, Avital, a entendu à la radio qu’un attentat avait eu lieu au Merkaz Harav. Dans un premier temps, elle ne s’est pas inquiétée pour Yonathan puisqu’il n’étudiait pas, à proprement parler, au Merkaz Harav. Mais comme il ne répondait pas à ses appels, elle m’a appelé. Nous avons voyagé, avec nos grands enfants, à Jérusalem. Nous avons eu une information selon laquelle, Yonathan était blessé et qu’il avait été transporté à Shaarei Tzedek. Arrivés sur place, nous pensions qu’il était en salle d’opération jusqu’à ce que l’on nous montre une photo du garçon en question: ce n’était pas Yonathan… Le jeune garçon qui subissait l’opération s’est, D merci, bien remis aujourd’hui.
Nous nous sommes rendus à Hadassah et là on nous a conseillés d’aller à la Yeshiva. Sur place, nous avons appris que notre fils faisait partie des victimes. Nous avons dû procéder, avec beaucoup de douleur, à son identification.

Lph: Est-ce qu’un à un certain moment, vous vous posez des questions? Pourquoi lui? Pourquoi dans une Yeshiva?
D.E.: La majorité des membres de nos familles, à Avital et moi, ont été tués pendant la Shoah. Nous n’avons jamais essayé de comprendre les voies de D ieu. Notre foi n’a pas été touchée. Nous ne nous sommes pas posés de questions.

Lph: Comment avez-vous trouvé la force pour surmonter?
D.E.: Nous avions encore 7 enfants à la maison. Nous devions les élever dans une sérénité d’esprit. Nous devions faire face. Bien sûr, ce n’est pas une honte de pleurer devant eux. Cela arrive mais nous nous devons d’être des parents normaux. La vie continue et tout ne doit tourner autour du fils disparu, ce serait une deuxième catastrophe pour notre famille.
Les enfants ont tous réagi à leur façon. Pour les deux petits frères de Yonathan, l’épreuve a été très difficile: il était comme un petit père pour eux.
Et puis, nous avons reçu beaucoup de soutien de la part du yichouv Shilo, de nos amis. Mes collègues de travail ont été très présents, mon patron a fait preuve de beaucoup de compréhension. Ils étaient tous prêts à aider et l’ont fait. Lorsque notre société a été rachetée par INTEL, mon patron m’a assuré que je ferai partie du personnel qui resterait.
L’Etat aussi a été présent à nos côtés à travers le bitouah leumi qui nous a aidés financièrement et psychologiquement. J’ai pu avoir recours aux services d’un psychologue, c’est important. L’association One Family, de familles des victimes du terrorisme, a également joué un rôle non négligeable. Grâce à elle, chacun de nos enfants avaient pendant la shiva et pendant longtemps après un madri’h personnel.
Ceci étant, la cellule familiale demeure le lieu où l’on puise le plus de forces.

Lph: Que ressentez-vous à l’approche de la Hazkara?
D.E.: Un mois ou un mois et demi avant la date, nous sentons que l’atmosphère est différente. Nous vivons au quotidien avec le manque, mais la période de la hazkara ramène toutes nos pensées à ce soir-là… La présence de nombreuses personnes chaque année, comme pour l’enterrement d’ailleurs, apporte du réconfort.

Lph: Pensez-vous vivre une vie normale 10 ans après?
D.E.: Nous faisons tout pour. Et parallèlement, rien n’est plus comme avant. Dans chacune de nos actions, nous essayons de perpétuer la mémoire de Yonathan.


Orlie Roth
Mère de Roï Aaron Roth, H’yd
Le P’tit Hebdo: Parlez-nous de Roï.
Orlie Roth: Roï avait 19 ans quand il a été assassiné. Il était en première année au Merkaz Harav. Depuis sa naissance, Roï était un garçon souriant. Il savait ce qu’il voulait et ne parlait jamais pour ne rien dire. Je me souviens comment il chantait tous les matins en attendant son bus pour l’école. Il chantait parce qu’il appréciait toutes les merveilles qu’Hachem avait créées dans la nature. Chaque détail l’interpelait.
Pendant plus de 9 ans, à côté de ses études, il pratiquait les arts martiaux. Il a remporté de nombreux prix. A chaque fois, il disait ”cela vient d’Hachem, ce n’est pas moi”. Il avait les pieds sur terre et la tête dans le ciel. Ce qui caractérisait le plus Roï, c’était la ferveur avec laquelle il priait. Lorsque la nouvelle de sa mort est tombée, les gens autour se sont écriés ”Quoi? Celui qui prie?”. Il répondait Amen avec beaucoup d’intensité, il était très imprégné de sainteté quand il priait, tout le monde en était ému.
Dans son rapport à ses amis, il appliquait à la lettre le commandement d’aimer son prochain comme soi-même. Dans le bus qui l’emmenait à l’école, il disait bonjour à tout le monde en montant, et n’oubliait jamais de saluer et de remercier le chauffeur en descendant. Il s’intéressait sincèrement à chaque personne autour de lui. Pendant un séjour avec des amis, il a prié au netz tous les matins pour prêter ses tefilines à un de ses amis qui les avait oubliées. Et il ne voulait pas qu’on le remercie: l’honneur est pour moi, disait-il.
Lph: Comment vous est arrivée la nouvelle de sa mort?
O.R.: La nouvelle ne nous est pas arrivée, nous sommes allés la chercher. Quand nous avons appris qu’un attentat avait eu lieu au Merkaz Harav, nous avons téléphoné à Roï, il ne nous a pas répondu. Nous avons tout de suite voyagé d’Elkana, où nous vivons, à Jérusalem. Nous l’avons alors cherché partout, en criant ”Roï, Roï!”. Pour nous mettre à l’abri de la presse qui nous suivait, on nous a fait monter dans une ambulance. De là, nous avons téléphoné aux hôpitaux. Puis un ami de Roï nous a emmenés à la maison du Rosh Yeshiva, le Rav Shapira. Plus tard dans la soirée, il nous a annoncé que Roï avait été assassiné. Nous l’avons embrassé une dernière fois, nous lui avons dit merci pour le mérite d’avoir été ses parents…

Lph: Comment surmontez-vous cette épreuve?
O.R.: C’est très difficile. Aujourd’hui encore, lorsque j’allume les bougies de Shabbat, j’attends de le voir avec sa kippa blanche, sa chemise blanche et son ”Shabbat Shalom Ima”. Roï mettait de la joie dans la maison, il dansait avec moi pendant que je préparais Shabbat.
Mais nous voulons croire que même dans cette destruction, un nouvel espoir peut naître. Nous essayons de comprendre le message derrière ce drame. Quand on envoie son fils à l’armée, on prie pour qu’il revienne, quand on sait qu’il fait du stop sur les routes du Shomron, on prie mais quand on l’envoie étudier la Torah? Il nous faut comprendre, non pas pourquoi  mais pour quoi. Alors nous avons décidé de poursuivre le chemin de Roï: nous donnons des conférences dans les écoles, nous racontons qui il était, quelles étaient ses qualités. Nous demandons aux personnes présentes d’essayer de prendre sur elles une de ses midot. Nous nous attachons, comme lui, à nous émerveiller devant tout: un arbre, une fleur.
Roï, à l’âge de 15 avait écrit un ”contrat” avec Hachem que nous avons retrouvé dans un de ses tiroirs: ” Je prends sur moi de tenir face à mes penchants et de me renforcer dans la crainte et l’amour du Créateur depuis ce jour et jusqu’à ma mort. Et si je tombe, je me relèverai immédiatement et je ferai techouva”. Un texte qu’il avait signé de sa main et que nous distribuons aujourd’hui lors de nos conférences.
Nous avons planté un olivier à la mémoire des victimes de l’attentat près d’une source autour de laquelle nous faisons tachli’h à chaque Rosh Hashana. C’est le symbole de la continuité.
Par ailleurs, j’ai créé une ligne de bijoux ”OROEI”, qui est basé sur le numéro 8, chiffre qui est au-dessus de la nature, et qui rend hommage aux 8 victimes de l’attentat.
Notre vie a changé. Nous avons, D ieu merci, des joies, de la satisfaction de nos autres enfants. Mais le manque, la douleur doivent être surmontés chaque jour. Nous ne voyons plus rien de la même façon.

Lph: 10 ans: cela représente-t-il une étape dans votre deuil?
O.R.: 10 ans après, 10 heures après ou 10 secondes après, ce ne sont que des chiffres. Nous vivons ce deuil chaque seconde. Pour le public, 10 ans cela revêt un certain symbole, pour nous, non. Mais ce qu’organise le Merkaz Harav est important pour le peuple et pour nous. Mon fils a été tué parce qu’il était juif: je veux le peuple d’Israël autour de nous. Et il est là, il a tout de suite été là, de toutes les tendances. En prenant nos enfants, c’est un membre du corps de notre peuple qu’on a pris. Etre ensemble ne fait pas disparaitre la douleur, ne comble pas l’absence mais elle renforce. C’est indispensable. Et par-dessus tout, nous devons savoir qu’Il nous dirige, que chaque événement a un sens et savoir dire Merci, malgré tout.
יהיה זכרם ברוך
Propos recueillis par Guitel Ben-Ishay

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