mardi 24 mai 2011

Le journal de bord peu trépidant d'un valet de chambre d'hôtel...

La chambre Renaissance d'un hôtel britannique (extravigator/Flickr/CC).

Avec l'affaire DSK, j'ai pu lire des articles au sujet des femmes de chambre, d'hôtels de luxe. Je veux apporter ici mon propre témoignage ; mon premier emploi rémunéré fut celui de… femme de chambre. Ou plus exactement de valet de chambre.

A une époque, je guettais sur le site web de l'ANPE les rares offres d'emploi qui pouvaient convenir à ma situation – je n'avais pas le permis de conduire.

Jusqu'au jour où je suis tombé sur cette proposition : « Recherche femme de chambre H/F. » Puisque rien ne s'opposait à la candidature d'un homme, j'ai postulé et été « embauché » comme extra dans un hôtel deux étoiles, en périphérie de la petite ville de province dans laquelle je résidais.

En tant qu'extra, je signais quotidiennement un « contrat ». La quantité de travail dépendait des besoins de l'hôtel. Elle pouvait varier du jour au lendemain compte-tenu de l'imprévisibilité de la fréquentation de l'établissement. Une seule certitude : en été, les hôtels sont relativement bien remplis les fins de semaine.

Les « recouches », la petite joie du valet de chambre que j'étais

Je me rendais à l'hôtel assez tôt le matin, vers 7 heures. Là, la gouvernante me remettait ma feuille de route. A savoir un papier sur lequel figuraient les numéros des chambres que je devais nettoyer, et surtout s'il s'agissait de « recouches ».

Les recouches, c'était la petite joie, trop rare, du valet de chambre que j'étais. Il n'est pas nécessaire de changer les draps dans ces chambres. Refaire le lit suffit puisque ce sont les mêmes clients qui y dorment le soir.

A part changer les draps et/ou refaire le lit, en quoi consistait mon job de valet de chambre ? Eh bien, tout simplement à astiquer les chambres. C'est-à-dire faire briller les glaces, enlever toute la poussière, laver la salle de bain et, bien sûr, les WC. Sans oublier de passer l'aspirateur à la fin.

Le travail demande un minimum d'organisation. D'abord, tous les clients ne quittent pas l'hôtel à 7 heures du matin. Surtout le dimanche ! Afin d'optimiser l'ordre de passage dans les chambres, il faut repérer, au niveau de la réception au rez-de-chaussée, celles qui sont libres, et récupérer les badges nécessaires pour y entrer – seule la gouvernante dispose d'un pass pour toutes les chambres.

Ensuite, naviguer entre les deux ou trois étages en poussant son lourd chariot de ménage, comprenant tout le matériel nécessaire : chiffons, éponges, produits d'entretien, draps et serviettes de rechange. Et en prenant l'ascenseur, heureusement.

Je n'ai jamais trouvé quelque occupante nue…

Geste rituel : on frappe avant d'entrer dans une chambre – pour ceux qui pourraient fantasmer à cet instant, je confesse que je n'ai jamais trouvé quelque occupante nue à l'intérieur d'une chambre. Puis, on défait le lit et on se sert des draps, jetés en boule à même le sol, afin de laisser la porte de la chambre entrouverte. L'encombrant chariot restant sagement dans le couloir, où il est rare de croiser des clients.

J'avais quatre heures pour nettoyer treize chambres. Soit un peu moins d'une vingtaine de minutes par chambre. Sur cette base, j'étais payé 6,92 euros net de l'heure (puis 7,10 euros de l'heure à partir du 1er juillet), l'équivalent du smic à l'époque. C'était le tarif en extra, évidemment pas doublé les dimanches ni les jours fériés. Et si je dépassais le temps imparti – ce qui était toujours le cas –, il n'était pas question de réclamer un supplément…

Certains matins, généralement en semaine, je venais pour nettoyer seulement six chambres – donc pour gagner moins de 15 euros. D'autres fois, souvent le weekend, on m'en demandait au moins le triple. Et de finir si possible avant midi, afin que les clients puissent rapidement accéder aux chambres.

Un poil pubien égaré dans le lavabo ? !

Le pire, dans mon souvenir, c'étaient les chambres dites familiales. Je pouvais avoir jusqu'à quatre lits à refaire, au lieu d'un seul la plupart du temps. Heureusement, il y en avait peu, mais il était inutile d'espérer les finir en moins de vingt minutes.

Je repartais rarement de l'hôtel avant 13 heures. L'après-midi, je n'avais la force de rien faire. Une jeune fille très maigre à peine plus âgée que moi faisait ce métier toute l'année dans le même hôtel. Elle paraissait dix ans de plus.

La gouvernante inspectait toutes les chambres après notre passage. Il pouvait arriver, le lendemain, qu'elle reprochât tantôt un lit mal fait – il faut le faire d'une certaine façon –, tantôt un poil pubien égaré dans le lavabo de la salle de bain. Mais jamais méchamment.

Lorsque j'ai quitté l'hôtel à la fin de l'été, elle m'a laissé ce petit mot :

« Merci pour votre sérieux et votre courage. »

Les friandises non-consommées, une récompense dérisoire

Après son inspection, la gouvernante déposait dans les chambres des petites friandises à l'intention des clients. Certains ne les consommaient pas. Elles s'offraient donc à moi quand je pénétrais dans la chambre qu'ils venaient tout juste de libérer… Récompense agréable, mais dérisoire.

En deux mois et demi passés dans cet hôtel, j'ai touché au total 585,54 euros, indemnités compensatoires de nourriture et congés payés inclus, pour l'équivalent de 86 heures – plus sûrement le double. Une nuit en chambre double coûtait au minimum 45 euros.

J'ai eu par la suite la chance d'effectuer des jobs d'été beaucoup moins pénibles et plus rémunérateurs. Et quand il m'arrive de séjourner dans un hôtel, je pense systématiquement aux difficiles conditions de travail du personnel quasi-invisible qui remettra la chambre en état après mon passage. Sans condescendance aucune.

Photo : la chambre Renaissance d'un hôtel britannique (extravigator/Flickr/CC).

1 commentaire:

  1. Bonsoir Gérard, Merci pour le partage de cette expérience hôtelière.Les conditions de travail dans ce métier étaient déjà bien plus difficiles que de nos jours et très bien organisées. J'ai moi-même séjourné dans différents hôtels et je dois dire que je n'ai jamais vu une femme de chambre se présenter seule pour faire la propreté lors de ma sortie de la chambre. Chaque jour c'est une équipe de deux personnes qui s'affaire et jamais une personne seule. Cette histoire pour DSK n'est pas du tout clair. Quoi qu'il en soit, je me garderai bien de juger des faits dont je n'ai connaissance que par bribes et dans les journaux. Ce qui s'est passé dans cette chambre entre DSK et cette employée d'hôtel est l'affaire de la justice. Mais je n'admets absolument pas la façon dont DSK a été traité ! Les droits de la présomption d'innocence ne sont pas respectés comme en France et je dois dire qu'il faut faire attention où l'on se pose quand on voit la descente aux enfers qui peut nous attendre. Sur le plan humain, je ne suis pas d'accord du tout avec les Américains. Bien sûr je suis pour la protection des présumés victimes, et dans cette affaire, qui est vraiment la victime? Alors, dans le doute et l'ignorance, chacun devrait s'abstenir de juger à outrance de son blabla. Je souhaite que DSK puisse se défendre dans les règles de l'art et que les passions déchaînées par cette affaire soient plus raisonnables. Ayons confiance en une justice impartiale, mais nous ne sommes tous et à tous les niveaux que des êtres humains. Avoir la meilleur conduite possible est bien entendu l'idéal pour tous et d'autant plus lorsque l'on est investi d'un poste à responsabilité. Espérons de meilleurs jours pour demain. Merci Gérard pour tes partages toujours très intéressants. Bonne soirée et bonne continuation. Armand ZOLA

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