Le Point.fr - Publié le 22/05/2011: De notre envoyée spéciale à New York, Hélène Vissière
Les images de DSK abondent. Son accusatrice, elle, est invisible depuis le début de l'affaire. Direction le Bronx, son quartier.
C'est la femme sans visage. Où est Nafissatou Diallo, alias Ophelia, la jeune femme que DSK est accusé d'avoir agressée sexuellement ? Alors que, depuis une semaine, les images sous toutes les coutures de l'ex-patron du FMI, de son épouse, de sa fille (sur)abondent, aucune photo "officielle" de la victime présumée ne circule. On sait qu'elle a 32 ans, serait musulmane et originaire de Guinée et a une fille adolescente.
Le Sofitel où elle est employée depuis trois ans assure qu'elle donnait "toute satisfaction" et son avocat a expliqué à la télévision que c'était une femme qui travaillait dur et qu'elle "a(vait) peur", qu'elle était "perdue". Le reste, ce sont des rumeurs. Un jour, elle est mère célibataire, le lendemain, divorcée, le troisième, veuve. Elle a un frère qui n'est pas son frère, une soeur qui l'aurait fait venir aux États-Unis il y a 7 ou 15 ans. Elle est très grande, a le visage grêlé par l'acné...
Bouche cousue
Alors, après la traque DSK, tous les médias se sont lancés sur la piste de la jeune femme. Une piste qui commence dans le Bronx. Le coeur de la communauté guinéenne se trouve sur la 3e avenue et la 166e rue, un quartier pauvre avec des garages, un petit restaurant qui propose des plats traditionnels, une épicerie, un boucher qui vend des chèvres et des moutons vivants... et une mosquée, le centre islamique Fouta, un petit bâtiment de briques avec deux gros rideaux de fer au rez-de-chaussée. En ce samedi, la salle de prière au premier étage, une grande pièce moquettée, est occupée par l'école coranique pour les enfants.
Visiblement, l'imam a donné comme consigne de se taire, car, subitement, personne ne sait rien. "Je ne la connais pas", dit Abdoullaye Diallo (aucun rapport avec la victime présumée), un des enseignants bénévoles, qui a vécu dans l'Hexagone et parle très bien français. "La communauté est grande, je ne connais pas tout le monde", ajoute-t-il, fuyant le regard de son interlocuteur. Et l'imam ? "Il viendra peut-être." Le président de la communauté ? "Je ne peux pas vous donner son contact." L'imam affirmait encore il y a quelques jours que la jeune femme fréquentait la mosquée. Mais entre-temps, outre l'armada de journalistes, la communauté a dû aussi recevoir la visite des détectives engagés par les avocats de DSK pour fouiller dans le passé de la victime.
Dérobades
Pas plus de succès dans la rue. "Êtes-vous guinéenne ?" demande-t-on. "Non, je suis du Burkina", affirme une jeune femme. "Moi, du Niger", répond un vieux monsieur qui sort de la bibliothèque. "Les Guinéens, ce sont des gens pas recommandables", clame une grande Noire. On bat vite en retraite avant de déclencher une guerre tribale ! Et quand, enfin, on tombe sur une Guinéenne en boubou, elle prend un air évasif et déclare qu'elle n'est pas au courant.
Grâce à une source, nous voilà partis vers un immeuble où Nafissatou aurait vécu. On s'enfonce un peu plus dans le Bronx, direction la 176e rue. Le building a connu des jours meilleurs. Une odeur de frichti flotte dans la cage d'escalier et une musique cubaine s'échappe à plein tube d'un appartement du rez-de-chaussée. Pour un peu, on se croirait dans une série télé. On tape au 4C, le prétendu ex-logement de Nafissatou. Personne ne répond ; dans l'immeuble, on ne se rappelle pas la jeune femme. Chou blanc.
"Une locataire sans histoire"
On repart vers une autre adresse, Ogden Avenue. Les portes rouges viennent d'être repeintes. Toujours la musique à tue-tête. L'appartement 2D. Par un trou dans la porte, on peut voir que l'endroit est vide. Mais le gérant de l'immeuble se souvient bien de Nafissatou. Vraiment ? "Oui, c'était une locataire sans histoire qui a vécu ici deux ans. Elle est partie il y a un an. Elle était logée dans un appartement loué par une association d'aide sociale. Elle était très discrète. Avec sa fille, elles n'ont causé aucun problème. Elles respectaient les règles et elles ont laissé l'appartement en parfait état." À quoi ressemblait-elle ? Jim Cocher ne sait plus très bien. Les locataires non plus. Elle portait un fichu, dit-on. Seul le concierge doit savoir. Mais il est parti en vacances la veille dans sa famille à Puerto Rico.
Reste son adresse actuelle, 1 040 Gerard Avenue, un grand immeuble où plusieurs appartements sont là aussi loués par des organisations d'aide sociale pour les femmes battues, les malades du sida... Là, ce n'est pas la peine d'essayer. Les habitants se barricadent et refusent de parler. L'après-midi dans le Bronx s'achève. Nafissatou n'a toujours pas de visage............
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