mercredi 1 août 2018

Israël imperturbable face à un éventuel sommet USA-Iran ? Par RAPHAEL AHREN !


Un ministre voit une "opportunité" dans la proposition de Trump. D'autres se disent mal à l'aise après l'issue du sommet avec la Corée du nord...


La semaine dernière, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a salué Donald Trump pour un tweet rédigé en lettres capitales dans lequel le président américain menaçait son homologue iranien de « conséquences les plus dures telles que peu au cours de l’histoire en ont connues auparavant » si Rouhani devait oser une fois encore menacer les Etats-Unis.
« Au fil des années, ce régime a été gâté par les puissances majeures et il est bon de voir que les Etats-Unis sont en train de modifier cette équation inacceptable », s’est extasié Netanyahu.
Cette semaine, alors que Trump semble changer de ton dans un revirement spectaculaire – offrant au président iranien Hassan Rouhani de le rencontrer sans conditions préalables – Netanyahu est resté silencieux.
Presque vingt-quatre heures après que Trump a déclaré que les Iraniens « finiront probablement par désirer un entretien et je suis personnellement prêt à les rencontrer quand ils le voudront » parce que c’est « la chose qu’il convient de faire », le Premier ministre n’a pas encore fait de commentaire public à ce sujet.
Presque tous ses ministres les plus éminents se sont, eux aussi, retenus de peser sur ce développement inattendu – et, de manière plus notable, ceux qui avaient dans le passé salué l’administration américaine pour son positionnement agressif envers Téhéran.
Tandis qu’Israël a, sans équivoque possible, soutenu toutes les initiatives de l’administration américaine concernant l’Iran, ce silence radio pourrait être révélateur d’un malaise ou d’une confusion sur ce que pourrait signifier un éventuel sommet entre Rouhani et Trump, dont le caractère versatile est connu.
Mardi dans la soirée, une source du bureau du Premier ministre a finalement fait une brève déclaration sur le sujet, suggérant que Jérusalem ne s’inquiétait guère d’un rapprochement possible entre les Etats-Unis et la République islamique.
« De hauts responsables américains ont fait savoir à Israël qu’il n’y a pas de changement dans la politique dure adoptée envers l’Iran », a déclaré le responsable israélien aux journalistes, insistant pour conserver son anonymat.
Ce responsable n’a pas précisé si Jérusalem était informé des suites de l’offre faite par Trump. Il n’a pas non plus indiqué quelle était la position de l’Etat Juif face à un possible sommet américano-iranien dans un avenir proche.
Toutefois, un autre responsable, qui s’est également entretenu sous couvert d’anonymat avec le Times of Israel, n’a pas dissimulé un certain malaise concernant l’invitation lancée par le président au leader de la République islamique.
Il a cité le sommet du 12 juin à Singapour avec le dictateur de Pyongyang, Kim Jong-un, comme étant l’illustration de la rapidité avec laquelle Trump pouvait passer des insultes et des menaces contre un pays-voyou à l’éloge de son dirigeant, dont il avait estimé à l’issue du sommet qu’il était un homme d’Etat respectable digne de gestes amicaux et de négociations honnêtes.
Le président Donald Trump, à droite, et le leader nord-coréen Kim Jong Un, à gauche, au début de leur sommet historique Etats-Unis-Corée du Nord, au Capella Hotel, sur l’île de Sentosa de Singapour, le 12 juin 2018 (Crédit :AFP PHOTO / SAUL LOEB)
Le responsable a noté néanmoins que le secrétaire d’Etat Mike Pompeo s’était donné la peine, lundi, de relativiser les propos de Trump, disant que le président américain ne rencontrerait Rouhani que si les Iraniens « font la démonstration de leur engagement à effectuer des changements fondamentaux dans la manière dont ils traitent leur propre population et qu’ils adoptent un comportement moins pernicieux ».
Dan Shapiro, ancien ambassadeur américain en Israël, a indiqué que la volte-face de l’administration était un problème en soi.
« Le célèbre caractère imprévisible de Trump a dorénavant fait son apparition dans sa politique iranienne », a dit Shapiro au Times of Israel. « Il dit vouloir rencontre Rouhani sans conditions préalables. Pompeo émet alors une liste de conditions. Le problème, si vous êtes un allié des Etats-Unis, est le suivant : Qui croire ? »
Si Jérusalem nourrit des états d’âme suite à la proposition de Trump, le ministre des Infrastructures nationales Yuval Steinitz – seul haut-responsable israélien ayant souhaité s’exprimer publiquement sur le sujet – a pris grand soin de ne pas les révéler.
L’invitation de Trump à s’entretenir avec l’Iran est finalement une « opportunité », a-t-il déclaré au site Ynet.
« Si de tels contacts devaient entraîner un démantèlement complet, et non partiel, du programme nucléaire de l’Iran, sur une base permanente et non plus temporaire… Et permettre peut-être de maîtriser le comportement agressif de l’Iran dans la région et ses activités en Syrie alors il faudrait, bien sûr, les saluer », a-t-il dit mardi.
Si un tel scénario est susceptible de découler d’un possible sommet entre Trump et Rouhani, cela reste encore à être déterminé, a-t-il ajouté.
Mais si une telle rencontre devait avoir lieu, cela prouverait que « les Iraniens comprennent qu’ils se dirigent vers une catastrophe financière et, par conséquent, vers une crise intérieure gravissime », a poursuivi Steinitz.
Les nouvelles sanctions américaines, dont le premier round sera lancé au début du mois prochain, montrent aux Iraniens qu’ils « n’ont pas d’autre choix », a-t-il affirmé.
Yuval Steinitz à une session de la commission de la sécurité et des affaires étrangères de la Knesset le 16 octobre 2014 (Crédit Flash90)
Steinitz, qui a servi de contact en Israël dans le dossier iranien dans les mois qui avaient précédé l’accord sur le nucléaire de 2015, a refusé de dire si la Maison Blanche avait informé Jérusalem des suites de cette proposition faite par Trump à l’Iran.
« Généralement », a-t-il dit, « quand on entend un président américain dire qu’il est prêt à rencontrer, à mener un dialogue ou à conclure un accord, cela veut dire qu’en coulisses, des contacts initiaux ont déjà eu lieu« .
Mais cela s’applique aux « présidents ordinaires », a-t-il ajouté, notant que l’occupant actuel du Bureau ovale n’entre pas dans cette catégorie.
« Avec Trump, il est impossible de savoir avec certitude », a expliqué Steinitz.
Yaakov Amidror, ancien conseiller à la Sécurité nationale, a plaisanté, disant que les Israéliens devaient toujours s’inquiéter de tout – ajoutant de façon plus sérieuse que les propos de Trump ne signalaient pas encore un changement significatif de son approche agressive du régime de Téhéran.
« Trump a dit qu’il souhaitait une rencontre sans conditions préalables mais il n’a changé aucune de ses politiques. Et, plus important, il n’a pas dit qu’il reverrait les sanctions à la baisse », a noté l’ancien général lors d’un entretien téléphonique accordé au Times of Israel.
Tant que les Etats-Unis mettent en oeuvre, le 6 août, les nouvelles sanctions telles qu’elles ont été prévues et une deuxième série de 4 novembre, Israël n’a pas de raison de s’inquiéter, a-t-il estimé.
Amidror, qui est membre de l’Institut Juif pour la sécurité nationale d’Amérique, a ajouté qu’il ne pensait pas que l’Iran accepterait de négocier un nouvel accord sur le nucléaire avec Trump sans conditions préalables.
Mais même si un sommet entre les deux hommes devait effectivement avoir lieu, Israël ne doit pas s’inquiéter tant que les sanctions décidées resteront en place, a-t-il répété.
Yaakov Amidror, ancien conseiller à la sécurité nationale, en octobre 2013. (Crédit : Flash90)
« Ce qui est important, ce n’est pas qu’il y ait une rencontre ou non, c’est de voir comment l’Iran va parvenir à gérer les sanctions. Et actuellement, les responsables iraniens sont défaillants », a-t-il dit.
Amidror a également évoqué l’économie chancelante de la république islamique, qui s’est écroulée avant même que les sanctions ne soient mises en vigueur.
C’est une raison pour Jérusalem de se montrer optimiste, a-t-il poursuivi.
Mais il a admis un malaise devant le fait que les sanctions réimposées par Trump n’aient bénéficié d’aucun soutien international. Il est encore difficile d’avoir la certitude que les sanctions américaines seules seront suffisantes pour forcer Téhéran à faire les concessions nécessaires, a-t-il précisé.
Une chance de plus pour la diplomatie ?
Dore Gold, ancien directeur-général du ministère des Affaires étrangères et proche confident de Netanyahu, a déclaré que le gouffre entre les positions américaines et iraniennes sur la question du nucléaire est tellement grand qu’Israël ne doit pas redouter un autre mauvais accord. Mais, a-t-il ajouté, l’Etat juif ne doit pas non plus forcément espérer la conclusion d’un bon pacte.
« Il est extrêmement improbable que les Iraniens soient sur le point d’accepter le genre de changement spectaculaire auquel pensent les Etats-Unis », a-t-il confié au Times of Israel.
L’ouverture de Trump pourrait s’avérer être tactique, a continué Gold.
« Ce n’est pas rare pour une partie engagée dans une diplomatie conflictuelle d’accorder une chance de plus à la diplomatie », a-t-il dit, citant l’entretien entre le secrétaire d’Etat américain aux Affaires étrangères James Baker et son homologue irakien peu avant le commencement de la première guerre du Golfe.
« Le fait de se rencontrer n’implique pas la résolution de tous les problèmes », a noté Gold.
Interrogé sur la possibilité que Trump, qui avait menacé la Corée du nord du feu de l’enfer avant de rapidement reconnaître en Kim Jong Un un homme d’Etat respectable digne qu’on lui accorde le bénéfice du doute, puisse de manière similaire accepter le président de la République islamique, Gold a répondu qu’il y avait « une énorme différence » entre les deux hommes.
Contrairement à la République islamique, la Corée du nord ne nourrit pas d’ambitions d’hégémonie, a-t-il expliqué.
Dore Gold, directeur général du ministère des Affaires étrangères, arrive à la réunion de cabinet hebdomadaire dans les bureaux du Premier ministre, à Jérusalem, le 26 juin 2016. (Crédit : Miriam Alster/Flash90)
« Je n’imagine pas le président Trump et son équipe adopter une attitude bienveillante envers les Iraniens qui continuent à saper la sécurité au Moyen-Orient », a dit Gold. « Tant que l’Iran trouve sa motivation dans le genre d’idéologie expansionniste qui est en son coeur, il n’y aura pas d’opportunité diplomatique formidable ».
Shapiro a néanmoins indiqué que le comportement de Trump, lors de sommets antérieurs, justifiait l’inquiétude.
Dan Shapiro, ancien ambassadeur américain, lors d’un évènement organisé par le Times of Israël, à Jérusalem, le 2 juillet 2017. (Crédit : Luke Tress/Times of Israel)
« A Singapour, il a fait l’éloge de Kim Jong Un et il a spontanément abandonné des exercices militaires organisés avec la Corée du Sud. Puis il a clamé avoir mis un terme à la menace nucléaire nord-coréenne tandis que les services de renseignement américain établissent clairement que ce n’est pas le cas », a commenté l’ancien ambassadeur, qui est dorénavant chercheur à l’Institut d’études de sécurité nationale à Tel Aviv.
La rencontre de Trump avec le président russe Poutine, qui a eu lieu à Helsinki, n’incite pas à la confiance dans ses talents diplomatiques, a ajouté Shapiro.
« C’est donc difficile de savoir ce qui sortirait d’un sommet entre Trump et Rouhani. Si la politique est de construire un maximum de pressions par le biais de sanctions, il vaut mieux accorder plus de temps pour que la crise économique en Iran s’approfondisse », a-t-il estimé.
Et cela a également été probablement le conseil transmis par Israël à l’administration, a présumé Shapiro.
« Parce que si Trump devait se trouver effectivement dans une pièce avec les Iraniens, Dieu seul sait ce qui peut arriver. Ce qui est certain, c’est que ses conseillers et les alliés de l’Amérique l’ignorent ».

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