jeudi 7 juin 2018

Israël, la paix est-elle pour demain ?


Michel Bar-Zohar a écrit une Histoire secrète de la guerre des six jours, Fayard © 1968/1978. « Cette offensive fulgurante, lancée il y a onze ans, a secoué le Moyen-Orient : la guerre entre Israël et les pays arabes, la Guerre des Six Jours. Cette guerre-éclair, bataille impitoyable, confrontation politique, a été une épreuve de force mondiale. Car si la guerre d’Indépendance d’Israël a tranché la question de l’existence de l’État juif, la guerre des Six Jours, et surtout ses résultats, ont paradoxalement tracé le chemin de la paix entre Juifs et Arabes. Il y a (70) ans, le 14 mai 1948, l’État d’Israël venait au monde.

La résolution de l’O.N.U. d’établir en Palestine un État juif fut rejetée par tous les pays arabes qui lancèrent une guerre de conquête et d’extermination contre la jeune nation d’Israël. Mais les 650 000 Juifs, petite poignée d’hommes face aux millions d’Égyptiens, Syriens, Irakiens, Jordaniens et Libanais, arrivèrent à défendre et même à agrandir sensiblement le territoire de leur État, bien qu’ils aient dû payer un lourd tribut : la perte de 1% de la population. La défaite cuisante des armées régulières arabes devant la petite force mal-organisée et mal-équipée d’Israël, laissa dans le monde arabe un amer sentiment de frustration.
Elle alluma le rêve de la vengeance. La tragédie de centaines de milliers d’Arabes palestiniens, réfugiés dans des misérables camps au Liban, en Jordanie, dans la bande de Gaza, ajouta à cette soif de vengeance. Ainsi, à la fin de la Guerre d’Indépendance d’Israël, les États arabes se refusèrent à faire la paix avec l’État juif. Leurs dirigeants promettaient aux foules surchauffées au Caire, à Damas, à Bagdad et à Amman, la libération imminente de « la Palestine usurpée », la fin prochaine des sionistes, la reconquête totale du pays. Israël, pour sa part, plongeait dans une grave inquiétude pour son avenir.
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Pourrait-il tenir toujours en face d’un monde arabe vaste, riche et puissant ? David Ben Gourion, le fondateur d’Israël, craignait une « guerre sacrée » pour la reconquête de la Palestine. Il essaya de conclure une alliance avec une grande puissance occidentale, l’Angleterre ou les États-Unis, pour pouvoir assurer la survie de son pays. À défaut, il chercha à obtenir des armes pour garantir la suprématie militaire d’Israël. Or, l’Occident était réticent. L’alliance fut refusée tour à tour par Londres et par Washington. Les armes vendues aux juifs étaient vétustes, démodées et livrées au compte-gouttes. Par contre, Gamal Abd-el Nasser, l’homme fort de la révolution égyptienne, se confirmait le champion du monde arabe, le leader radical d’une tendance anti-occidentale, le démagogue qui promettait la destruction d’Israël. Sa bouillante activité semait dans les capitales occidentales une profonde inquiétude. Par contre, Nasser faisait naître un nouvel espoir dans une grande puissance qui jusqu’à présent avait été tenue à l’écart du Moyen-Orient : l’U.R.S.S.
Au courant de l’été 1955, des émissaires secrets soviétiques conclurent un accord avec Nasser pour la fourniture de grosses quantités d’armement moderne : des chasseurs et des bombardiers à réaction, des centaines de canons et de tanks lourds, des navires de guerre, des sous-marins…
En livrant à l’Égypte ce matériel de guerre, l’Union soviétique put acquérir le droit d’entrée dans cette région, qui avait été jusqu’à ce jour (le domaine de) chasse privé de l’Occident.
Israël cherchait en vain des solutions à la crise. Par l’intermédiaire d’un homme d’affaires américain et proche ami du président Eisenhower, Robert Anderson, des pourparlers secrets furent engagés entre Israël et l’Égypte. Or, Israël n’avait rien à offrir à l’Égypte et au monde arabe en échange d’un traité de paix. Israël ne pouvait accepter le retour des réfugiés palestiniens qui par leur seule puissance numérique auraient bientôt submergé Israël, créé une majorité arabe et conduit à la disparition de l’État juif. Israël ne pouvait accepter la mutilation de son territoire, proposée par certains, ni l’abandon de son seul port sur la mer Rouge, Eilat, afin de permettre à Nasser de réaliser son rêve de créer une continuité territoriale entre l’Égypte et la Jordanie.
Gamal Abd-el Nasser, sûr de lui et de la nouvelle puissance acquise par le flot d’armements soviétiques, adopta une position intransigeante. Il annonça la fermeture des détroits de la mer Rouge à la navigation israélienne, ce qui signifiait la rapide strangulation du port d’Eilat. En désespoir de cause, Israël demanda aux États-Unis des armes pour contrebalancer la nouvelle puissance égyptienne. Mais la réponse de Washington était un « Non » catégorique. Israël n’avait qu’une seule solution : la guerre préventive !
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En 1956, l’État juif découvrit un véritable allié : la France. Suite à l’inquiétude que suscitait en France l’appui massif de Nasser au FLN en Algérie, la France se rapprocha d’Israël. Nasser était l’ennemi commun aux deux États. La France se mit à fournir à Israël des quantités importantes d’armement et à encourager Jérusalem dans ses desseins de frapper l’Égypte, avant que son armée ne devienne la plus forte et n’assène à Israël le coup fatal que Nasser promettait. Le 29 octobre 1956, Israël lançait une guerre-éclair dans le Sinaï.
La guerre d’Israël dura sept jours et se termina en une victoire totale, plus écrasante encore que celle de 1948 : l’armée égyptienne, en débâcle, fuyait devant les colonnes israéliennes, abandonnant son matériel lourd. La campagne de Suez des Franco-Britanniques, par contre, s’achevait par un fiasco, suite à l’indécision du haut commandement britannique et aux pressions des Nations-Unies regroupées derrière l’alliance de Moscou et Washington. Les Français et les Anglais furent forcés d’évacuer en hâte leurs positions en Égypte.
La campagne de Suez entrait dans l’histoire comme la dernière des guerres coloniales et symbolisait la métamorphose de la France et de la Grande-Bretagne en puissances de deuxième rang. Israël fut obligé de retirer ses forces. Mais pour Israël, la victoire du Sinaï eut des résultats différents. Les détroits de la mer Rouge furent rouverts à sa navigation et la paix sur sa frontière avec l’Égypte fut assurée. Sa puissance militaire fut réaffirmée d’une façon éclatante : sa victoire rapide sur l’armée égyptienne était la preuve que l’écart entre l’armée d’Israël et celle de son ennemi n’avait fait que croître pendant les huit années qui s’étaient écoulées depuis sa fondation. Une paix de fait s’instaura sur les frontières d’Israël, une paix qui dura onze ans. Gamal Abd-el Nasser aurait dû tirer des conclusions de la campagne du Sinaï. Il aurait dû comprendre qu’Israël était fort, qu’il ne succomberait pas à une nouvelle attaque, que mieux valait rechercher la paix.
Mais il ne le fit pas. Et en 1967, Gamal Abd-el Nasser, une fois de plus enivré par ses propres propos, commit à nouveau son erreur de 1956, (provoquant) l’explosion qui secoua le Moyen-Orient.
Ce fut la Guerre des Six Jours qui modifia radicalement les réalités du Moyen-Orient.
À l’issue des combats, au soir du 10 juin 1967, Israël avait occupé des larges portions des États arabes avoisinants : Israël avait pris le plateau du Golan à la Syrie, la totalité de la Cisjordanie au royaume du roi Hussein, le Sinaï et la bande de Gaza à l’Égypte. À la suite de la guerre, pour la première fois dans son existence, Israël croyait tenir des atouts majeurs qui permettraient d’ouvrir la négociation et de conclure un marché avec les Arabes : la restitution de la majorité des territoires occupés contre la signature d’un traité de paix. Mais le monde arabe ne songeait qu’à sa revanche. À la conférence de Khartoum, tenue peu de temps après la guerre des Six Jours, les chefs d’État arabes adoptèrent des résolutions intransigeantes appelées « les trois Non de Khartoum » : Non à la reconnaissance d’Israël, Non à la négociation avec Israël, Non à la paix avec Israël. Nasser a déclaré devant son peuple : « Ce qui a été pris par la force ne sera rendu que par la force ». On devait se rendre à l’évidence : la guerre des Six Jours ne serait pas la dernière au Moyen-Orient !
La reconnaissance par les Arabes (et l’U.R.S.S.) de l’existence d’Israël sera un processus très long.
Il est à craindre qu’ils ne se lancent dans de nouvelles guerres avant de (devoir reconnaître que) :
« Israël est là, parmi nous. Nous ne pouvons le détruire. Trouvons le moyen de coexister. »
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En 1968, Nasser lançait « la guerre d’usure » contre Israël le long du canal de Suez. Simultanément, le « Fatah », l’arme militaire de l’organisation pour la Libération de la Palestine, dirigée par Yasser Arafat, lançait des actes terroristes à travers le monde et embrasait la vallée du Jourdain, région par où ses commandos essayaient de s’infiltrer en Israël. « La guerre d’usure » dura deux ans, et eut des résultats désastreux pour le monde arabe. En août 1970, l’Égypte signait un cessez-le-feu avec Israël, et la guerre d’usure prenait fin.
Sur le front oriental d’Israël, Israël scellait sa frontière, bloquait les incursions des commandos du « Fatah » et contre-attaquait les concentrations de terroristes à l’intérieur de la Jordanie.
Les terroristes s’étant rendus maîtres quasi absolus du Royaume hachémite, et ayant mis en danger le trône du roi Hussein, il se décidait à agir à son tour. En septembre 1970, l’armée jordanienne attaquait les camps terroristes, (fait de guerre qui) entra dans l’histoire du « Fatah » sous le nom de « Septembre noir ».
Peu après, Nasser mourait. Il avait entraîné son pays dans des aventures insensées contre Israël, dans le Yémen et à travers le monde arabe. Il avait perdu une grande partie de son territoire. Il avait asservi sa nation à l’U.R.S.S. Anouar el-Sadate, le nouveau leader égyptien, se rapprocha de l’Occident, et dans un coup de théâtre, expulsa de son territoire les experts soviétiques. Il prépara, dans le plus grand secret, une attaque surprise contre Israël : celle du Kippour, le 6 octobre 1973. Le début de la guerre fut un coup dur pour Israël : les attaques des armées d’Égypte et de Syrie lui infligèrent des lourdes pertes. Les Syriens arrivèrent à occuper la quasi-totalité du plateau du Golan et menacèrent d’envahir la vallée vulnérable de Tibériade.
Les Égyptiens anéantissaient la ligne Bar-Lev et avançaient sur une profondeur de huit kilomètres du côté est du canal de Suez. Or, à partir du 8 octobre, aux prix de combats sanglants et de nombreux sacrifices, Israël se ressaisissait : son armée chassait les Syriens du Golan et arrivait à portée de canon de Damas.
Dans le sud, une partie de ses blindés bloquait l’avance égyptienne.
Des unités de choc de l’armée israélienne, sous le commandement du général Sharon, perçaient les lignes ennemies, traversaient le canal de Suez, et pénétraient profondément en Égypte, pour s’arrêter à cent-un kilomètres du Caire. L’Égypte et la Syrie étaient forcées de demander d’urgence un cessez-le-feu.
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Israël fut traumatisé par la guerre du Kippour. Pour la première fois dans son histoire, Israël avait été pris par surprise et avait subi des défaites amères pendant les premiers jours des combats. Israël devait se rendre à l’évidence qu’il avait été bercé par l’excès de confiance que lui avait inspiré la victoire des Six Jours.
L’État juif avait perdu près de trois mille hommes dans une guerre qu’il aurait pu (et dû) éviter.
Mais le fait que son armée ait pu reprendre le dessus, après l’effet de surprise, des gains initiaux des Arabes, et de leur supériorité numérique, ne put dissiper la pénible atmosphère de défaite qui s’instaura dans le pays. Et la (presse), cherchant des responsables, les trouva au sein du gouvernement de Mme Golda Meïr qui tomba sous la pression d’une (presse hostile et d’une) opinion publique indignée.
Or, les sentiments de défaite et de victoire créaient, paradoxalement, les conditions nécessaires pour entamer le processus de paix. Israël se débarrassait de l’orgueil exagéré du vainqueur. Israël était prêt à des concessions importantes pour obtenir un traité de paix. Israël acceptait à se retirer de plusieurs dizaines de kilomètres dans le Sinaï par la suite de deux accords intermédiaires de séparation de forces avec l’Égypte.
L’Égypte, maintenant, était prête à négocier. Sadate s’était rendu compte d’un fait primordial : il avait attaqué Israël dans des conditions idéales : sur deux fronts, avec un million de soldats, exploitant l’effet de surprise, ne trouvant face à lui que des unités peu importantes. Mais Israël avait pu se relever et se réorganiser avec une rapidité sans précédent. Deux jours après la guerre de 1973, Israël reprenait l’offensive.
Sadate comprit que s’il n’avait pas pu briser la force militaire d’Israël, il n’aurait aucune chance de réussir dans l’avenir. Quand il s’aperçut que ni l’embargo sur le pétrole, ni la pression américaine, n’avaient pu forcer Israël à abandonner les territoires occupés en 1967, il dut aboutir à la conclusion : le seul moyen pour les Arabes de récupérer leurs territoires conquis était d’accepter le fait accompli et de faire la paix avec Israël.
Anouar el-Sadate, au risque de dresser contre lui la majorité de monde arabe, au risque de se faire assassiner par les fanatiques du « Fatah », partit pour « sa mission à Jérusalem ». Ainsi était entamé le processus de paix qui aurait dû commencer dès après la guerre des Six Jours. L’ironie du sort a voulu que ce soit la guerre de 1967, avec les gains réels qu’elle a apportés à Israël, qui déclenche ce processus !
« Shalom ! » Paix ! La paix est-elle pour demain ? Dans l’atmosphère passionnée, enflammée et parfois insensée du Moyen-Orient, nul ne peut le prédire. » (Jérusalem, avril 1978, 30ème  anniversaire de l’État d’Israël)
(adapté de Michel Bar-Zohar, Histoire secrète de la guerre des six jours, Fayard © 1968/1978)
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Thierry-Ferjeux Michaud-Nérard pour Dreuz.info

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