vendredi 27 avril 2018

Le ghetto de Varsovie se soulevait il y a 75 ans ! Par Marc Crapez...


« Les femmes aussi sont torturées pour les inciter à trahir leurs camarades », note, en 1939, l’antinazie Emily Overend Lorimer. La Gestapo torturait notamment les sœurs où les bonnes des suspects. En Russie bolchévique, même les membres du parti socialiste-révolutionnaire sont réprimés et les femmes juives, nombreuses à militer dans ce parti,  payent un lourd tribut à la répression. Ainsi Aleksandra Izmailovitch, Zenzl Mühsam, Khava Vladimirovna Volovitch se retrouvent dans des camps ou des hôpitaux psychiatriques, baptisés « centres de cure ». Fanny Kaplan, accusée d’attentat contre Lénine, est brûlée dans la cour de la Tchéka, après avoir été battue à mort.
Sous le nazisme, des jeunes femmes d’une vingtaine d’années (à l’instar de Sophie Scholl) analysent la situation : journal de Hélène Berr, témoignage de Inge Deutschkron, geste de Mala Zimetbaum, héroïne d’Auschwitz « morte en insultant ses assassins ». Parfois, il s’agit même d’adolescentes de 13 à 16 ans, telle la Résistante française Annie Kriegel qui, d’une formule semblable à celle de Mélinée Manouchian, raconte que son air d’innocence juvénile lui permit de transporter des armes sans encombre.

SOUS LE COMMUNISME COMME SOUS LE NAZISME, LA PERSÉCUTION

À l’instar de Nina Lougovskaïa, qui tient un journal sous le stalinisme, Mary Berg, Rywka Lipszyc et Léna Rozenberg-Jedwab rédigent des cahiers intimes sous le nazisme. Comme Ženi Lebl, juive serbe qui, elle, témoignera dans des mémoires, toutes sont « des jeunes filles à peine sorties de l’enfance ». Réchappée des griffes de la Gestapo, la dernière sera condamnée, sous Tito, pour « calomnie contre le peuple et l’État ». Les chefs d’inculpation communistes et nazis sont quasi identiques : malgré ses « efforts » pour s’adapter à la ligne, untel est un « esprit instable », qui doit être « rééduqué », car ses « commérages » nuisent à « l’État ».
Plus enclines à l’introspection que les garçons, des jeunes filles eurent ainsi un regard acéré. Leur description du ghetto de Varsovie est aussi précieuse que les mémoires de leur aîné combattante Zivia Lubetkin. Rywka Lipszyc évoque davantage le ghetto de Lodz, et son apport porte sur la psychologie d’une adolescente taraudée par l’amour, et la turbulence des garçons, aussi bien que sur la vie quotidienne dans un ghetto, qui fourmille d’efforts et d’initiatives pour survivre. Cette jeune fille juive entend chérir dieu par l’étude et confie : « Le seul fait qui me donne un peu de forces, c’est l’espoir que tout ne se déroulera pas toujours comme aujourd’hui… Je suis juive afin de croire et de garder espoir ».
Chez Mary Berg, l’analyse est plus politique. Lors du siège de la ville de Varsovie : « Ceux qui n’avaient pas d’armes creusaient les tranchées, les jeunes filles organisaient des postes de secours sous les voûtes d’entrée des maisons ». S’ensuit un crescendo de violence nazie. En septembre 1940, le jour du Grand pardon, ils bombardent le quartier juif.
Le mois suivant, ils incendient la grande synagogue : « Ils ont interdit aux juifs d’emporter les livres sacrés et le ‘shames’ ou bedeau a été enfermé dans le temple et brûlé vif ». En se soulevant, et en résistant un mois, avant d’être rayé de la carte, le ghetto de Varsovie accomplit un geste magnifique, qui l’immortalise aux yeux de la postérité, en une sorte de parabole de David et Goliath.
Marc Crapez, avec la participation de Biljana Vucetic, Veronica Vives et Delphine Denuit, Elles l’ont combattu. Femmes contre le Totalitarisme au 20ème siècle, éditions du Cerf, 2018.

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