lundi 13 novembre 2017

CHAOS DANS LE MONDE MUSULMAN...La chronique de Guy Millière...


On sait ce qu’a été l’objectif de la doctrine Bush telle qu’énoncée après le 11 septembre 2001 : transformer le monde musulman, et le faire évoluer vers la modernité, la liberté et l’ouverture, quitte à ce que ce soit à marche forcée. On sait que cet objectif n’a pas été atteint. La démocratisation en Irak n’a pas vaincu les oppositions internes et les divisions que la dictature de Saddam Hussein cachait sous une poigne sanglante et les cadavres de dizaines de milliers de victimes. La démocratisation en Afghanistan n’a pas vaincu le tribalisme, l’obscurantisme et le pouvoir des chefs de guerre.    
Le régime iranien n’est pas tombé. Le Liban, après avoir un instant échappé à la poigne syrienne, est tombé sous la coupe du Hezbollah. George Bush avait dit qu’il y faudrait une génération, autrement dit, une vingtaine d’années. Il avait dit aussi qu’il y faudrait une alliance de tout le monde occidental. Il n’y a pas eu une vingtaine d’années. Il n’y a pas eu une alliance de tout le monde occidental.

On sait que lorsque Obama a été élu, des avancées cruciales avaient eu lieu, et que, entre autres, l’Irak commençait à se stabiliser et à avancer dans une direction 
féconde, l’Afghanistan commençait à se stabiliser. On sait que Barack Obama entendait défaire tout ce que Bush avait fait. Et on sait ce qu’était l’objectif de ce qu’on peut appeler la doctrine Obama : rendre le monde musulman plus sûr pour l’islam radical que Bush entendait éradiquer. On sait que Barack Obama pensait que l’arrivée au pouvoir des Frères musulmans dans le monde sunnite, le retrait total des troupes américaines d’Irak, la quête de talibans « modérés » en Afghanistan, une forme de « détente » avec le régime des mollahs en Iran, l’abandon du Liban, et, de surcroît, la réduction d’Israël à la portion congrue et un appui stratégique à l’islamisation de la Turquie, permettraient une avancée vers la paix régionale. Tout était dit dans le discours prononcé au Caire le 4 juin 2009.
On sait ce qui s’est passé depuis. Au moment même du discours du Caire, Barack Obama a commencé un rapprochement avec les dirigeants des Frères musulmans (invités à Al Ahzar pour assister au discours). 
Il a, un peu plus tard, effectivement donné une date de retrait total des troupes américaines d’Irak et envoyé un émissaire chercher des « talibans modérés » en Afghanistan. Il a tendu la main à Ahmadinejad et Khamenei, après les avoir laissé écraser le soulèvement du peuple iranien. Il a cherché un Hezbollah lui-même « modéré » au Liban, tenu des propos de plus en plus négatifs sur Israël, et donné des signaux montrant que le glissement de la Turquie vers une islamisation rapide sous l’égide de Recep Tayyip Erdogan lui convenait.
On sait qu’a suivi ce qu’on a appelé le « printemps arabe » : émeutes en Tunisie et renversement de Zine Ben Ali, et, en parallèle, soulèvement en Egypte et chute d’Hosni Moubarak au mois de février suivant, soulèvement à Benghazi et destruction du régime Kadhafi en Libye, accomplie huit mois plus tard, 
éviction d’Ali Abdoullah Saleh au Yémen en février 2012. On sait qu’un soulèvement a commencé en Syrie peu de temps après la chute d’Hosni Moubarak. On sait que le mouvement Ennahda, branche tunisienne des Frères musulmans, est arrivé au pouvoir en octobre 2011 peu de temps avant que le Parti de la Justice et du Développement, vitrine politique des Frères musulmans au Caire n’arrivent au pouvoir en Egypte, 
Mohamed Morsi ayant été élu Président sept mois plus tard, en juin2012. On sait que les derniers soldats américains ont quitté l’Irak en décembre 2011, que les derniers soldats américains devraient quitter l’Afghanistan en 2014 et laisser la place aux t’alita, que l’Iran a continué à avancer vers l’arme atomique, que le Liban a été effectivement abandonné au Hezbollah, qu’Israël a semblérégionalement de plus en plus isolé, et que Recep Tayyip Erdogan a fait ce qu’il avait été autorisé à  faire.
La décomposition
On sait ce qu’était la situation il y a quelques semaines à peine. La Tunisie était dans un naufrage économique ponctué de violences djihadistes, l’Egypte dans un désastre économique plus profond et plus intense encore, la Libye restait partagée entre groupes proches d’al Qaida et islamistes plus « modérés ». 
Le Yémen continuait à se décomposer, la guerre en Syrie devenait une guerre régionale entre djihadistes sunnites proches d’al Qaida et Frères musulmans d’un côté, et clan alaouite regroupé autour de Bachar El Assad, soutenu par le Hezbollah et l’Irand’un autre côté, l’Irak glissait vers la guerre civile. Bien qu’Obama ait décidé de leur redonner le pouvoir, les talibans continuaient à tuer en Afghanistan. L’Iran venait de se doter d’un nouveau Président, soi disant plus « ouvert », Hassan Rouhani : en fait, un proche d’Ali Khamenei. LeLiban semblait destiné à être touché par la contagion venue de Syrie. 
Israël devait plus que jamais veiller sur ses frontières, au Nord, côté Golan, comme au Sud, côté Sinaï. Recep Tayyip Erdogan semblait en train de parvenir à ses fins.
Ce n’était pas exactement ce qu’avait envisagé Barack Obama, car si le monde musulman sunnite avait largement glissé vers l’islam radical, c’était dans une atmosphère d’effondrement, et sous des monceaux de cadavres. Mais le glissement avait néanmoins eu lieu. Les talibansn’allaient pas revenir au pouvoir de manière calme, mais ils allaient revenir au pouvoir. La fin de la guerre en Syrie ne semblait pas approcher, l’Irak était secoué d’explosions, le Liban aussi, mais Obama pouvait espérer dialoguer avec Hassan Rouhani, exercer des pressions plus intenses sur Israël par l’intermédiaire « amical » de John  Kerry, continuer à faire de Recep Tayyip Erdogan son allié privilégié. Barack Obama ne pouvait se montrer entièrement satisfait, non, mais il pouvait avoir des motifs de satisfaction.

On sait ce qui s’est passé depuis : un soulèvement a eu lieu en Turquie, et Recep Tayyip Erdogan, déstabilisé, a montré son visage brutal, autoritaire. Un autre soulèvement a eu lieu en Egypte, et Mohamed Morsi n’a pu montrer un visage brutal et autoritaire, car il a été renversé par l’armée égyptienne. Si Erdogan semble avoir purgé l’armée turque de ses éléments occidentalisés, Morsi n’a, très visiblement pas réussi à faire la même chose.

Un acteur dont je n’ai pas parlé encore, et qui semblait en retrait, sur la défensive a, surtout, joué un rôle essentiel et a décidé qu’il était temps que les choses prennent une autre tournure : l’Arabie Saoudite. Et les dirigeants saoudiens ont décidé de peser de tout leur poids, qui, dans la région, est financièrement considérable. La donne est dès lors en train de changer.

Les Saoudiens ont signifié à Obama que la partie était finie pour les Frères musulmans en Egypte, et quand bien même les violences dureraient, l’armée égyptienne reprend le contrôle du pays, et on peut penser que l’Arabie Saoudite est en quête d’un équivalent d’Hosni Moubarak. Elle va, en coordination avec les émirats du Golfe, renflouer l’Egypte pour la ramener au niveau de la survie, ce qui sera un début. Elle entend reprendre en main les factions sunnites en Syrie, aux fins de marginaliser les factions proches d’al Qaida.
L’islam radical au bord de la déroute
Elle entend tout faire pour trouver un compromis avec un autre acteur dont je n’ai pas parlé encore, mais sans qui le régime Assad serait tombé, Vladimir Poutine, ce qui pourrait permettre d’avancer vers une issue en Syrie, voire au Liban. Elle dispose des moyens de contrôlerErdogan, car la Turquie dépend des prêts financiers saoudiens, et Erdogan sait aussi qu’il ne peut contrevenir outre mesure à ce que Vladimir Poutine veut. Elle entend trouver un statu quo avec le régime iranien, en comptant pour cela sur Poutine encore, et depuis là, trouver un statu quo aussi en Irak. Elle entend contrôler la situation en Afghanistan en s’appuyant sur le Pakistan, qui dépend largement de l’argent saoudien. 
Elle a fait comprendre à un acteur, le Qatar, que le vent était en train de changer car l’émir a abdiqué en faveur de son fils. Si Hamad binKhalifa Al Thani, le père, soutenait massivement les Frères Musulmans, Tamim bin Khalifa Al Thani, le fils est, lui, en train de chasser les Frères Musulmans.
Le chaos régional n’est pas du tout achevé. Et Barack Obama, là, n’a aucun motif de satisfaction. L’islam radical sur lequel il a misé est au bord de la déroute. Les saoudiens se défient de lui, et font ce qu’ils jugent bon, sans tenir compte de l’avis de la Maison Blanche.

Les dirigeants saoudiens ne sont pas des démocrates libéraux, sans aucun doute, mais ils sont adeptes de la stabilité, et la stabilité pourrait être un moindre mal dans une situation où il n’y a le choix qu’entre un pire mal et un moindre mal. Ils ne sont pas des alliés d’Israël, mais ils sont plus prévisibles que les Frères musulmans, et savent où se situe leur intérêt bien compris.

Barack Obama peut au moins se dire qu’il a défait ce que Bush avait fait, et il a éliminé les Etats Unis de toute influence sur la région, ce qui, en cinq années, est quand même un résultat notable. Il peut renvoyer John Kerry vers Israël : les dirigeants israéliens voient ce qui est en train de se passer, et je ne doute pas qu’ils discernent qu’il est urgent d’attendre, même si Obama a obtenu, juste au moment de la dernière visite de Kerry, une décision de l’Union Européenne destinée au boycott des produits israéliens, aux fins d’accentuer encore l’intensité des pressions sur Israël, et une acceptation de la part de Mahmoud Abbas, de revenir à la table des négociations.

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