vendredi 27 janvier 2017

Pour un État kurde au Moyen Orient ? PAR MAGALI MARC....


Pendant qu’Hollande et certains leaders occidentaux cherchent à promouvoir la création d’un État palestinien qui serait une épine dans le pied d’Israël, les Kurdes ont tenté pendant tout le XXe siècle d’obtenir la création d’un État kurde indépendant comme le prévoyait le Traité de Sèvres en 1920 signé après la Première Guerre mondiale. Mais qui s’en soucie ?

Pour les lecteurs de Dreuz, j’ai traduit de l’anglais ce texte de Diliman Abdulkader, publié le 25 janvier sur le site du Gatestone Institute.
Plaidoyer pour la création d’un État kurde au Moyen-Orient
Par Diliman Abdulkader*
De nombreux organismes internationaux, dont les Nations Unies, l’Union européenne et la Ligue arabe, continuent de faire pression pour la création d’un État palestinien, tout en restant sourds aux appels en faveur de la création d’un État kurde.
Pendant trop longtemps, les peuples arabes, turcs et iraniens ont utilisé la question israélo-palestinienne afin de masquer leurs propres problèmes.
Sans la reconnaissance de la «question kurde», qui concerne quatre grands États – l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Turquie -, le Moyen-Orient aura du mal à atteindre la stabilité.
L’objectif de résoudre le conflit israélo-palestinien a longtemps été utilisé comme un paravent par les Arabes, les Turcs et les Iraniens afin de détourner l’attention de leur régimes autoritaires.
Les 22 États arabes existants, de même que la Turquie et l’Iran, pourraient facilement établir une patrie pour les Palestiniens, mais ils ne sont pas intéressés à le faire. Leur but n’est pas de créer un autre État arabe, mais d’éradiquer le seul État juif.
Créer un État pour les Palestiniens ne résoudra pas la guerre civile syrienne; les divisions sunnites-chiites en Irak demeureront; le président turc, Erdogan, persistera à promouvoir la domination destructrice de l’Islam ; l’agression iranienne contre Israël, les sunnites et les Kurdes continuera; et le contrôle de l’Iran et de l’Arabie saoudite sur l’Islam ne fera que se renforcer.
Les Kurdes sont nombreux (environ 40 à 50 millions) et ont une langue, une culture et une identité uniques qui diffèrent nettement de leurs voisins.
Les principaux problèmes de la région concernent l’islam contre l’islam (Arabe-Arabe, Arabe-Iran, Arabe-Turc, Iran-Turc) ou Islam contre les minorités, y compris Chrétiens, Yézidites, Chaldéens, Alévis, Juifs etc.
Les Kurdes ont adopté les valeurs occidentales telles que l’égalité des sexes, la liberté religieuse et les droits de l’homme.
Le peuple kurde a continuellement souffert au Moyen-Orient.
Les Turcs, sous les Ottomans, tuèrent des dizaines de milliers de Kurdes lors des massacres à Dersim et à Zilan. Dans les années 1990, plus de 3 000 villages kurdes ont été détruits.
Selon Human Rights Watch, 378 335 villageois kurdes ont été déplacés en Turquie.
Les Kurdes ont une langue distincte et, bien que musulmans sunnites, ils sont relativement laïques. Dans les régions où vivent la majorité des Kurdes, des Juifs kurdes, des Chiites, des Chrétiens et des Yézidis vivent aussi.
Cette diversité a façonné une nature tolérante au sein de leur société. Les Kurdes insistent pour séparer la religion et l’État et permettent aux églises, aux mosquées, aux synagogues et aux temples de se construire les uns à côté des autres – un respect pour «l’autre» rarement vu au Moyen-Orient.
Sous les dictatures en Irak, en Syrie, en Turquie et en Iran, les Kurdes souffrent encore de l’arabisation, de la turcification et de la tactique iranienne de confiscation forcée de terres.
Les Kurdes ne sont pas étrangers à la prise en charge par des régimes oppressifs de leurs territoires historiques; ils comprennent donc et respectent les droits des minorités.
Le gouvernement régional du Kurdistan (KRG) a adopté sa communauté juive et a sauvé plus de 3 000 Yézidis kurdes des griffes de l’ÉI alors qu’ils étaient pris au piège sur le mont Shingal à Mossoul.
Beaucoup de Chrétiens et de communautés minoritaires ont même demandé à faire partie de la région du Kurdistan après que l’État irakien les ait abandonnés.
Les Kurdes ont également accueilli 300 000 réfugiés syriens et 2,3 millions de déplacés internes (IDP) en provenance de l’Irak.
Le KRG ne fait pas de distinction entre sunnites-chiites et chrétiens-musulmans, mais les reconnaît tous comme des humains souffrant de la guerre. C’est très différent de ce que nous voyons dans les pays arabes.
De nombreux États du Golfe à ce jour n’ont toujours pas accueilli de réfugiés, bien qu’ils partagent une religion commune.
L’Arabie Saoudite, qui abrite des villes saintes de La Mecque et de Médine, a discrètement étouffé la possibilité de permettre aux réfugiés de lui demander asile, même si le royaume saoudien compte des centaines de milliers de tentes climatisées et vides alors que leurs frères arabes souffrent dans les États voisins.
Une situation similaire est observée au Qatar, aux Émirats Arabes Unis et au Koweït.
L’Iran, selon Human Rights Watch, a obligé des réfugiés afghans à aller combattre en Syrie, sous l’égide du Corps des Gardiens de la Révolution islamique (CGR), qui a déjà violé d’innombrables accords sur les droits humains.
Peter Bouckaert, directeur des urgences de HRW, déclare que « L’Iran ne s’est pas contenté d’offrir aux réfugiés afghans et aux migrants des mesures incitatives pour combattre en Syrie. Plusieurs ont déclaré qu’ils étaient menacés de renvoi en Afghanistan, à moins qu’ils ne le fassent ».
L’Iran a emprisonné et exécuté publiquement des Kurdes jusqu’à tout récemment.
Des États comme la Jordanie et le Liban ont du accueillir des réfugiés en grande partie parce qu’ils partagent une frontière avec l’Irak et la Syrie; le feraient-ils s’ils n’y étaient pas obligés
?
La Turquie s’est servi de la crise des réfugiés de la guerre civile syrienne pour faire pression sur l’Union Européenne afin qu’elle accepte son adhésion au bloc de 28 pays et qu’elle lui verse une aide financière ($3 milliards par an); et pour se donner les moyens de modifier la situation démographique des régions kurdes dans le sud-est.
Selon certains rapports, le régime d’Erdogan obligerait des réfugiés masculins en Turquie à retourner en Syrie pour se battre aux côtés de l’armée turque en échange de l’aide à leurs familles.
Les femmes dans la société kurde n’ont pas toujours été libres. Les Kurdes sont principalement tribaux et beaucoup vivent dans les régions montagneuses rurales. Les femmes kurdes ont historiquement été victimes de meurtres d’honneur et de mariages d’enfants.
Ces pratiques ont cessé lorsque les groupes de résistance kurdes ont commencé à se former après les mesures de répression de la Turquie lors des coups de force militaires des années 1980. Le fondateur du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), Abdullah Ocalan, croit fermement en la libération des femmes et a même écrit un livre intitulé: Liberating Life: Women’s Revolution.
Ocalan croit qu’«un pays ne peut être libre que si les femmes sont libres».
Le Kurdistan a récemment accueilli la Conférence internationale sur les femmes et les droits de l’homme, où elle a encouragé un plus grand soutien au leadership des femmes dans le KRG.
L’accent mis sur les droits des femmes et les droits ethniques et nationaux est une forme de démocratie qu’on ne voit jamais au Moyen-Orient.
Des États comme les Émirats Arabes Unis (ÉAU) nomment des femmes à des postes tels que «Ministre du bonheur», ce qui non seulement déprécie les femmes, mais continue de les empêcher de donner leur plein potentiel à l’ensemble de la société.
En Irak, Saddam Hussein a attaqué les Kurdes avec des armes chimiques en 1988. Il a assassiné 5 000 civils et détruit 4 000 villages.
Hussein s’est attaqué à des minorités comme les Kurdes, en dépit du fait qu’ils sont sunnites. Entre 1988-1991, son régime a tué des milliers de personnes, commettant effectivement un génocide.
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Sous Saddam Hussein, des milliers de Kurdes ont été forcés de quitter leurs maisons lorsque l’armée irakienne a détruit des villages et des villes entières.
Selon Human Rights Watch :
« Les familles arabes ont reçu des incitations financières pour se déplacer vers le nord, et le gouvernement irakien a entrepris des projets de construction de logements pour amener plus de familles arabes vers le nord afin de changer la composition démographique du Nord ».
Les régimes syrien et turc ont fait la même chose.
En Syrie, Hafez Assad, le père de Bachar Assad, a réprimé la majorité sunnite et a refusé aux Kurdes leur droit de parler kurde ou d’ouvrir des écoles kurdes. Les Kurdes étaient considérés comme un peuple apatride car ils se voyaient refuser la citoyenneté syrienne.
Ironiquement, Hafez Assad a ratifié en 1969 le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Son fils, Bashar, a également accepté le Pacte international sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 2003. Ça leur fait une belle jambe.
La Turquie est pratiquement en guerre avec ses Kurdes et continue de nier les droits de toutes les minorités. Les Grecs, les Arméniens et les Alevis sont opprimés et ont été chassés de leurs terres historiques.
Du génocide arménien à la négation du peuple kurde, le nationalisme turc a été la principale cause d’instabilité au sein de l’État.
Fondée sur la notion de laïcité occidentale par Mustafa Kamal Ataturk, la nation turque sous le président Recep Tayyip Erdogan a subi le rétablissement de la primauté de l’islam.
Erdogan considère les Kurdes comme des séparatistes et comme une menace.
La Turquie craint aussi le succès des Kurdes en Syrie dans leur lutte contre l’ÉI et craint qu’ils en viennent à se considérer comme une «région autonome». Erdogan semble préoccupé par le fait que sa population kurde demandera son autonomie, comme elle l’a déjà fait.
Rojhalat (Est) pour la reconnaissance de leur identité et de leurs droits politiques.
Saddam Hussein a poussé à la révolte les Kurdes d’Iran et l’Iran a donné des armes aux Kurdes en Irak pour lutter contre le régime ba’athiste, tout en massacrant leurs propres populations kurdes.
Aujourd’hui, les Kurdes qui cherchent à être reconnus comme une minorité légitime au sein de l’Iran disparaissent, sont emprisonnés ou exécutés publiquement.
Beaucoup de Kurdes affectés par ces puissances dirigeantes ne voulaient pas se séparer, mais souhaitaient simplement vivre une vie paisible et stable.

La revendication d’un État vient de ce que les États eux-mêmes, ont opprimé les Kurdes.

Tout État nouvellement établi doit être prêt à vivre en paix avec ses voisins. C’est particulièrement vrai pour les Kurdes qui devront établir des relations amicales avec tous les États dont ils se séparent, car le Kurdistan sera enclavé.

La création d’un État kurde permettrait surtout la reconnaissance du fait que les Kurdes existent en tant qu’entité distincte, par leur langue, leur respect de l’égalité des droits et leur culture laïque.

Malgré l’instabilité des Kurdes dans le nord de l’Irak depuis la chute de Saddam Hussein et l’avancement des Kurdes à Rojava deux ans après avoir repoussé l’ÉI, ils se sont montrés capables de diriger un État et de respecter tous ceux qui l’habitent.

Le gouvernement régional du Kurdistan (KRG) et le territoire récemment déclaré autonome à Rojava (ouest du Kurdistan syrien) ont servi de modèle à tous les États de la région.

Aussi libéral qu’est devenu le Kurdistan en ce qui concerne les libertés sociales, il continue d’être entouré par des États qui ne partagent pas les mêmes valeurs.

Les États qui entourent les territoires kurdes, y compris l’Iran, l’Irak, la Syrie et la Turquie sont actuellement soit en situation d’échec, soit sous la férule de régimes autoritaires.

Parce que les Kurdes sont des modérés, religieusement diversifiés qui donnent la priorité à leur identité ethnolinguistique plutôt qu’à la religion, le Kurdistan offre à tous ses citoyens la possibilité d’envisager une société inclusive et pluraliste où la liberté religieuse ne sera pas seulement tolérée mais encouragée.

Les Kurdes respectent à la fois les Sunnites et les Chiites sur leur territoire et ont des liens étroits avec le seul État juif au Moyen-Orient. Un État kurde pourrait contribuer à la bonne entente dans une région autrement instable.

*Diliman Abdulkader est candidat à la maîtrise à la School of International Service, une université américaine à Washington DC. Il est aussi chroniqueur pour Nalia Radio and Television (NRT).

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Magali Marc (@magalimarc15) pour Dreuz.info.  

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