mardi 1 novembre 2016

Comment arrêter de se comparer aux autres?


C'est un travers que nous sommes nombreux à avoir: regarder chez le voisin pour vérifier que l'herbe n'est pas plus verte ailleurs. Autrement dit, nous comparer et jauger notre bonheur en fonction de celui d'autrui. Une manie qui loin de nous rendre heureux a tendance à nous dévaloriser. Comment y mettre fin?

D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, Clarisse, 43 ans, a toujours eu tendance à se comparer aux autres. "Ça a commencé à l'école. Il fallait toujours que je sache combien avait eu ma meilleure amie à son contrôle. Si j'avais eu un 16 et elle un 18, alors je considérais ma note comme mauvaise. Alors que ça n'était évidemment pas si mal en soi. Mais le 'en soi', je ne l'envisageais pas."  
"Ensuite, il y a eu les premières histoires d'amour. Là encore, j'essayais toujours d'avoir une relation qui se rapproche de celles de mes copines. Je ne me posais pas la question de mon bonheur. Je me demandais surtout si ma situation était plus enviable que la leur. Cela a continué quand j'ai eu des enfants. J'étais paniquée à l'idée que ma fille soit propre plus tard que celle de ma soeur, qu'elle apprenne à lire après, etc. Je réalise aujourd'hui la pression que j'ai fait peser sur ses petites épaules. Idem pour ma situation professionnelle. J'ai sans cesse l'impression que j'ai un boulot moins épanouissant que celui de ma meilleure amie -toujours la même-, que j'ai moins 'réussi.'" 
Cette façon de concevoir les choses, en se comparant systématiquement aux autres, Clarisse en souffre. "Forcément, il y a toujours mieux que moi, d'autant que je suis très forte pour me dévaloriser. Du coup, je dépense une énergie considérable à essayer d'être 'comme les autres' plutôt que de savourer ce que j'ai. Je n'arrive pas à changer. C'est plus fort que moi." 

Un écart entre le "moi réel" et le "moi idéal"

"Notre société est marquée par le culte de la performance, souligne Marie Quentin-Peltant, psychologue clinicienne. Il suffit d'ouvrir un magazine. Vous n'y serez pas surpris d'y trouver des corps aux courbes parfaites et des visages frôlant la perfection. Les médias multiplient les conseils aux futurs parents pour bien élever leur enfant ou aux amants batifolant pour accomplir des prouesses sexuelles. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que l'on se sente nul ou incapable."  
Plus généralement, la société propose des modèles à atteindre "et ce, dans les champs les plus intimes de notre vie, de l'hygiène bucco-dentaire à l'alimentation en passant par le comportement à avoir pour être le meilleur patron possible", ajoute la psychologue. Pour cette dernière, pas étonnant qu'à force de voir encourager un tel écart entre le "moi réel" et le "moi idéal", l'être humain réagisse à la pression en se comparant aux autres.  

Un phénomène potentiellement dévastateur

"Cette tendance est caractéristique du répertoire infantile. Tout petit déjà, l'enfant cherche à accéder aux mêmes plaisirs que ses parents, en tentant de chiper le verre d'apéro que son père ou sa mère tient dans la main. Cette tendance ne disparaît pas totalement à l'âge adulte", constate encore Marie Quentin-Peltant. Problème: cela amène parfois à des sentiments de jalousie et de rivalité.  
Si encore une fois la comparaison est un processus naturel, tout dépend du degré de contrainte qu'elle exerce chez celui qui l'héberge, de son niveau de toxicité. "Ce phénomène est d'autant plus dévastateur lorsqu'il se produit chez des personnes 'sous-narcissisées', qui se maintiennent de ce fait dans une image d'eux-mêmes dévalorisée", insiste la psychologue. 

"Apprendre à identifier ses forces"

Première étape pour se défaire de cette obsession de "l'autre qui réussit mieux": Prendre conscience des effets délétères de ce comportement sur soi. "Apprendre à identifier ses forces, ses qualités, ses succès, ses propres ressources personnelles, est un autre point essentiel. Il n'y a pas de petite réussite", insiste la psychologue. 
Egalement très important, se rappeler que chaque être humain est unique. De quoi apprendre à revendiquer ses goûts et ses désirs profonds, sans être dans une compétition anxiogène avec les autres. "J'ai compris un jour que si je n'étais pas cadre supérieur comme mon amie, c'était avant-tout parce que je n'avais jamais eu envie de me défoncer comme elle au travail, que j'accordais plus d'importance à mes loisirs, à mon couple, etc. En gros, je jalousais sa vie alors que si je suis honnête, je ne pense pas qu'en j'en voudrais vraiment", souligne Clarisse.  

Agir plutôt que se comparer

"Prendre conscience de cette unicité est plus douloureux, plus complexe que de se comparer éternellement aux autres", prévient la psychologue. Difficile parfois en effet d'accepter ses limites, son passé, "son sac à dos de la vie".  
Il est alors plus facile de ruminer un sort que l'on juge moins glorieux que celui d'untel que de mettre en oeuvre une véritable stratégiepour atteindre ses objectifs. Souvent, derrière cette comparaison permanente se cache un sentiment d'impuissance, voire une dépression latente. Et si pour arrêter de se comparer, il fallait enfin se mettre à ce projet que l'on mûrit depuis longtemps? Ouvrir ce blog que l'on voudrait avoir, changer de travail, préparer enfin cette course d'endurance ou prendre ces cours de cuisine qui nous font de l'oeil? 

Apprendre à prendre de la distance

Clarisse va également beaucoup mieux depuis qu'elle écrit un "journal de gratitude", sur les conseils de sa thérapeute. "Je note tous les jours tout ce qui m'a procuré du bonheur. Parfois ce n'est qu'une ligne, parfois plus. Je me concentre aussi sur mes beaux souvenirs, sur ce qui remplit ma vie. Ça semble un peu idiot mais voir cela couché sur le papier m'a petit-à-petit fait réaliser que je n'avais pas tant de raisons d'envier mon entourage et cette fameuse amie."  
Sacha a pour sa part "décroché" de certains médias comme Instagramou Pinterest. "J'ai pris conscience que voir ces clichés de vies qui me semblaient parfaites me faisaient plus de bien que de mal. Je me suis mise à avoir des envies d'intérieurs scandinaves alors que je n'ai jamais aimé ces ambiances, à dénigrer mon style ou mes vacances trop banales, etc. Depuis que je me suis désabonnée des comptes qui me fascinaient autant qu'ils me minaient, je me sens comme délestée d'un poids. Je détestais celle que j'étais en train de devenir, envieuse et aigrie. Alors qu'en réalité, jusque là, j'adorais mon salon bordélique!" 
Enfin, conclut Marie Quentin-Peltan, tout n'est pas à jeter dans la comparaison. "Elle vise aussi souvent à trouver du semblable chez l'autre. Parce que c'est rassurant de trouver du 'moi' chez l'autre, cela renforce le sentiment d'appartenance -à un groupe, à une famille-. En résumé, se comparer aux autres est une tendance innée, elle est la fille d'un sentiment ambivalent propre à l'homme: la recherche de la conformité et de la différenciation, c'est un paradoxe humain." Seulement, suggère-t-elle, quand la voix de la comparaison se fait trop insistante, il faut "se rappeler que lorsqu'une musique nous agace à la radio, on est capable de changer de station. Il faut tâcher de faire pareil avec ceux qui nous entourent."  

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