mardi 19 juillet 2016

Le fonds d'aide aux victimes bientôt à sec ?


Créé en 1986, le Fonds de garantie, qui dispose de 1,3 milliard d'euros, a de moins en moins les moyens de faire face à l'inflation des dossiers.


Charlie Hebdo, HyperCacher, Bataclan, Nice… Les vagues d'attentats se suivent et les victimes se multiplient ces derniers mois en France. Créé en 1986 alors que les attentats de la rue Copernic et de la rue Marbeuf ont endeuillé le territoire français quelques années plus tôt, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) fait aujourd'hui face à une inflation inédite des dossiers liés au terrorisme. 

4 200 ont été déposés sur la seule année 2015, soit presque autant que sur les 28 années qui ont suivi sa création, observe Françoise Rudetzki, membre du conseil d'administration de l'institution et présidente de SOS attentats. Après la vague de 2015, le fonds a-t-il aujourd'hui les moyens financiers de faire face à l'attentat de Nice ? « Oui », répond catégoriquement son porte-parole Guillaume Clerc au Point.fr : « C'est un peu tôt pour communiquer sur les chiffres, mais il n'y a aucune inquiétude à avoir concernant l'indemnisation des victimes. Nous disposons d'un budget de 1,3 milliard d'euros. » Une somme importante mais qui doit être relativisée au regard des coûts faramineux des indemnisations liées au terrorisme.

Plus d'un million d'euros par blessé

Dédommager une personne blessée peut parfois coûter plus d'un million d'euros lorsqu'il faut adapter son habitation ou son véhicule à son handicap et prendre ses soins en charge. Réparer le préjudice des victimes psychologiques (qui se comptent par milliers à chaque attentat), ou les ayants droit de personnes décédées (conjoint, enfants, parents, grands-parents, petits-enfants, frères et sœurs) coûte à chaque fois plusieurs dizaines de milliers d'euros. 

Les étrangers touchés par une attaque en France, ils étaient nombreux à Nice, peuvent aussi en bénéficier, ainsi que les Français victimes d'un attentat à l'étranger. Pour les personnes tuées, le FGTI prend en charge les obsèques et indemnise les ayants droit pour leurs préjudices moraux et économiques. À titre d'exemple, pour les seuls attentats du 13 novembre 2015 au Bataclan et dans le quartier de la salle de concert, le FGTI anticipe un coût de 350 millions d'euros pour plus de 2 800 demandes, selon Les Échos . Aujourd'hui, le fonds est provisionné grâce à une taxe de 4,30 euros prélevée sur chacune des 80 millions de contrats d'assurance de biens.
 À l'heure des attentats de masse, la question du financement du dispositif se pose donc de nouveau et une deuxième hausse pourrait s'imposer pour maintenir à flot les réserves du FGTI, malgré les réticences des assureurs. « S'il y avait un jour un souci de financement, l'État prendrait des mesures pour y remédier », affirme Guillaume Clerc.
 Tu viens de vivre un attentat et on te demande de faire de la paperasse. 
Outre les interrogations sur les moyens financiers dont il dispose, le système du FGTI, unique au monde, est également de plus en plus remis en cause par les victimes d'attentats. 
Certaines préconisent une solution judiciaire classique. En outre, le caractère complexe et inhumain de la procédure est notamment pointé du doigt. « Le FGTI est inadapté, car il s'agit d'une administration avec des critères très figés qui fait face à des gens traumatisés. 
Tu viens de vivre un attentat et on te demande de faire de la paperasse », déplore une victime des attentats du Bataclan. La victime doit déjà se rendre compte elle-même qu'elle en est une, ce qui n'est pas toujours évident pour les « victimes psychiques, qui subissent parfois des retours de bâton très violents quelques mois après les événements ; elle doit se battre elle-même pour prétendre à une indemnisation, alors qu'elle ne sait même pas si elle aura le droit à ce statut dans le cas des « victimes psychiques » ; elle doit prouver qu'elle était bien sur les lieux de l'attaque, ce qui paraît particulièrement difficile dans le cas de l'attentat de Nice. Et elle doit négocier en personne le montant de son indemnisation. 
« C'est terrible pour une victime de devoir elle-même fixer le prix d'une jambe ou d'un enfant perdu. Dans le cadre d'une procédure juridictionnelle, elle pourrait confier cette tâche à un avocat », explique un membre de l'association des victimes 13 novembre : Fraternité et Vérité.

Plus adapté au terrorisme de masse

La lenteur de la procédure est également critiquée. Le FGTI calcule l'indemnisation par une expertise au cas par cas. Et il faut attendre que le dommage soit consolidé, ce qui peut prendre des années pour un blessé ou une « victime psychique ». « Ils sont une dizaine pour traiter des dizaines de milliers de demandes », déplore-t-on encore à l'association 13 novembre : Fraternité et Vérité. 
Contacté, le FGTI n'a, pour l'heure, pas donné le nombre exact de ses équipes au Point.fr. Par ailleurs, pour contester le montant de son indemnisation, il faut avoir les moyens financiers de supporter son préjudice jusqu'à la décision finale du juge, qui peut prendre deux ou trois ans. 
Si Maryse Wolinski, la veuve de l'ancien dessinateur de Charlie HebdoGeorges Wolinski, a pu se le permettre, ce n'est pas le cas d'autres personnes. « Pour éviter cette inégalité devant la loi, il faudrait que le fond de garantie indemnise a priori, puis que le préjudice soit recalculé par un juge », propose un membre de « l'association 13 novembre : Fraternité et Vérité. 
Et ce dernier de conclure : « Le FGTI suffisait lorsqu'il y avait une quinzaine de victimes par an à indemniser. Il n'est plus du tout adapté au terrorisme de masse. »

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