mardi 19 juillet 2016

Le distrait – pas le film – le vrai : moi...PAR JEAN-PATRICK GRUMBERG !


Ces quelques jours ont été éprouvants pour nous autres journalistes, aussi j’ai décidé, pour changer d’air, de vous livrer quelques-uns de mes petits secrets : je suis un grand distrait, un étourdi, le tout avec une mémoire de poisson rouge.

Le café

Il y a trois semaines, manquant de café, je décide d’aller rendre visite à un petit magasin Segafredo que j’ai repéré depuis longtemps.
Manque de chance, c’était une veille de fête, le magasin était fermé. Deux jours plus tard, j’y retourne, nouveau manque de chance, il n’ouvre qu’à 13 heures — étrange, mais ça arrive.
Le lendemain après midi, certain de mon coup, je refais le trajet. J’arrive devant le magasin : youpi il est ouvert !
Je descends de ma Vespa, enlève mon casque, range mon casque dans le coffre sous la selle, ferme le scooter à clef, et je marche vers l’entrée…
C’est à ce moment-là que je me suis souvenu que j’ai une machine à café Lavazza qui n’accepte que les capsules de la marque.

L’aéroport

Cela se passe il y a une trentaine d’années. A ce moment, je vivais en France, et ma mère, qui vivait en Israël, nous rendait visite. J’allais la chercher à l’aéroport de Roissy.
Je suis en voiture, et je me dirige vers Roissy Charles de Gaulle. Bd des Maréchaux — Roissy —porte de Paris —Roissy —Bd Périphérique —Roissy —Autoroute — Roissy : je répète constamment Roissy dans ma tête et je fais attention à mon chemin, car je suis étourdi et je le sais.
Sortie de l’autoroute — Roissy — bretelle de sortie — terminal. Terminal ?
J’arrive devant le bâtiment : je regarde, je suis à Orly.
J’ai tout ce temps suivi la route « sans me tromper » et les panneaux pour aller à Orly, tout en pensant Roissy, et je ne m’en suis rendu compte que devant le bâtiment tout plat, dont je ne reconnaissais pas la rondeur.
Ma mère m’appelle d’une cabine, je lui explique, elle grogne un peu, mais elle me connaît : j’ai commencé tôt…

Le citron

J’ai 6 ans. Ma mère me confie une lourde responsabilité, une forte marque de confiance : aller acheter un citron. C’est la première fois que je vais seul faire des courses. Elle me donne des sous, et je descends. L’épicier est sur le même trottoir.
4e étage — acheter un citron — 2e étage – acheter un citron – rez-de-chaussée, je sors de l’immeuble, je tourne à droite — acheter un citron — je longe le trottoir, avance dans la rue — acheter un citron. J’arrive au magasin. Je me suis répété 20 fois « acheter un citron » pour ne pas oublier.
« Bonjour monsieur, je voudrais une pomme s’il vous plaît »
Je paye la pomme, il me rend la monnaie, je prends la pomme, je rebrousse chemin, je rentre dans l’immeuble, 1er étage, 2eme… ma tête est vide, je suis content. J’arrive à la maison, je tends la pomme à ma mère, elle la regarde, elle me regarde souriant, et reste muette d’impuissance…

La pharmacie

Ma femme me demande de l’arrêter à la pharmacie CVS, au coin de la 3rd et Fairfax, à West Hollywood. Je me gare, elle descend.
Le temps passe, mais je suis dans mes pensées, je ne fais pas trop attention.
Tout de même, le temps me semble un peu long, « qu’est-ce qu’elle fait ? » me traverse l’esprit, mais je suis tellement absorbé dans mes pensées que je n’ai pas le temps de m’arrêter pour répondre à la question.
Coup de fil. C’est ma femme : « où tu es, qu’est ce que tu fais ? »
« Ben je t’attends ! Tu m’as dit que tu allais à la pharmacie, alors j’attends que tu reviennes ».
« Mais je t’ai dit que je vais à la pharmacie et ensuite je prends ma voiture qui est garée devant et je rentre à la maison. Ca fait quatre heures que je suis rentrée ! »
« Quatre heures ? (incrédule je regarde l’heure au tableau de bord pour vérifier, et en effet, je suis là depuis quatre heures à attendre – il faut dire que j’ai une énorme patience) Ah c’est pour ça que ça m’a paru long ! »

Les lunettes, le casque, le casque les lunettes, les clefs..

Je sors d’un rendez-vous. J’arrive à mon scooter. Je retire mes lunettes de vision de près, j’ouvre le coffre arrière de la Vespa, je range les lunettes, je monte sur le scooter, je démarre. Je fais 300 mètres, je m’arrête, j’ai oublié quelque chose, je le sens, mais je ne sais pas quoi.
Ah si, j’ai oublié de mettre mes lunettes pour voir de loin !
Je cherche dans ma poche, elles n’y sont pas. Je descends du scooter, soulève le siège, elles n’y sont pas. Je cherche mes clefs pour ouvrir le coffre arrière, je ne trouve pas mes clefs.
Je fais le tour : les clefs pendent, je les ai oubliées dans la serrure du coffre quand j’ai rangé mes lunettes — un miracle qu’elles ne sont pas tombées. J’ouvre, je trouve mes lunettes pour voir de loin. Je les mets, je referme, je reprends les clefs, je les range dans ma poche, je monte sur le scooter, et je m’apprête à démarrer.
Non, je ne démarre pas : j’ai oublié quelque chose, je le sens, mais je ne sais pas quoi.
J’ai mes lunettes, j’ai mes clefs… soudain je trouve : mon casque.
J’avais oublié de mettre mon casque, j’ai roulé jusque là sans ! Je soulève le siège, je mets mon casque, je remets mes lunettes.
Mais je ne démarre pas : il me faut 2 minutes pour me souvenir où je dois aller…
Je m’arrête là : c’est moi, Jean Patrick Grumberg.
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Non, une petite dernière, car j’ai aussi une mémoire de poisson rouge.

Le cocktail

Je suis invité à un cocktail, une inauguration. Je parle avec les gens, je dis bonjour, on me présente, et une dame m’approche et me dit :
– j’ai entendu que vous êtes monsieur Grumberg, j’aime beaucoup ce que vous écrivez.
– Merci, c’est très aimable à vous.
– Et je vous lis presque tous les jours. J’aime beaucoup Dreuz. Je n’ai pas encore regardé, de quoi avez-vous parlé aujourd’hui ?
Grand blanc… un ange passe… « madame, je ne me souviens plus »
– Vous ne vous souvenez pas ce que vous avez écrit aujourd’hui ?
– Non.
Elle a tourné les talons et elle est partie. Elle a dû se dire que je la prenais pour une imbécile, ou que j’étais un usurpateur.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Jean-Patrick Grumberg pourDreuz.info.

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