jeudi 21 juillet 2016

État d'urgence : les Français se ruent-ils sur les armes à feu ?


Face à la vague d'attentats, des Français cherchent à s'armer. Mais la législation reste très dissuasive et elle n'est pas près de changer.


La Chambre syndicale des armuriers et la Fédération française de tir enregistrent une augmentation du nombre de tireurs licenciés en France, qu'elles estiment à 200 000 aujourd'hui, contre 150 000 il y a deux ans. Les 1 600 clubs de tir en France font même face à un phénomène nouveau de saturation. 

Et, même si le gestionnaire des inscriptions de la FFTir nous rappelle à toutes fins utiles qu'il s'agit de « tir sportif », Yves Gollety, qui préside la Chambre syndicale des armuriers, assure qu'« une part des tireurs acquiert la licence afin de pouvoir détenir légalement une arme chez soi ».

Les armuriers sont débordés

Dans un pays où la culture des armes n'existe pas, les armureries ont rarement connu pareille fréquentation. « Depuis Charlie Hebdo, les gens s'inquiètent. Les armuriers reçoivent beaucoup d'appels de personnes qui veulent savoir quelles armes ils peuvent se procurer », détaille Yves Gollety, normalement habitué à ne voir que les chasseurs pousser la porte de son commerce, près de la Bourse àParis. Seulement, la réalité juridique rattrape très vite ces particuliers. 
« La législation française est faite pour décourager d'acquérir une arme à feu », explique Yves Gollety. Et la plupart des candidats à la détention d'armes finissent par renoncer, si bien que la hausse des ventes chez les armuriers de France après l'attaque de Nice n'excède pas 4 %, selon la Chambre syndicale des armuriers.
À en croire Laurent-Franck Lienard, avocat spécialisé dans le droit des armes à feu, le nombre de détenteurs légaux d'armes à feu n'a pas augmenté avec les derniers attentats, car les « amateurs d'armes et d'autodéfense sont déjà armés ». 
L'augmentation des ventes chez les armuriers concerne surtout les armes non létales d'autodéfense, accessibles à tous les particuliers. L'armurerie de la Bourse, dans le 2e arrondissement de Paris, et l'armurerie Alex, dans le 8e, ont ainsi doublé leurs ventes de bombes lacrymogènes et de pistolets en caoutchouc lors des jours qui ont suivi chaque attentat.
L'attentat de Nice le 14 juillet, perpétré par Mohamed Lahouaiej Bouhlel au moyen d'un camion de 19 tonnes, a montré les limites de la protection avec une arme à feu. « Que voulez-vous faire face à un camion qui cherche à vous écraser ? » demande Yves Gollety. C'est sans doute pour cela qu'une semaine après le carnage niçois les candidats à la détention d'armes sont moins nombreux qu'au lendemain des attentats de janvier 2015 à la kalachnikov contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes.

Les catégories d'armes à feu

Depuis 2013, les armes sont classées en 4 catégories en fonction de leur dangerosité. La dangerosité d'une arme à feu s'apprécie en fonction des modalités de répétition du tir et du nombre de coups tirés. À chaque catégorie correspond un régime administratif d'acquisition et de détention. Les armes de catégorie A, considérées comme les plus dangereuses et parmi lesquelles figure notamment la kalachnikov, sont strictement interdites. 
Les catégories B, C et D, regroupant principalement les pistolets et les fusils, sont respectivement soumises au régime d'autorisation et de déclaration. Les armes de catégorie B nécessitent une autorisation spécifique du ministère de l'Intérieur, sans quoi elles sont inaccessibles aux particuliers, tandis que les armes de catégorie C et D requièrent l'obtention d'une licence de tir agréée par le ministère des Sports ou d'un permis de chasse. 
Dans tous les cas, le demandeur doit justifier d'un besoin réel pour acquérir et détenir une de ces armes.
Selon le site de l'Union française des amateurs d'armes (UFA), la France compterait légalement 762 331 armes soumises à autorisation (actuelle catégorie B) et 2 039 726 armes soumises à déclaration (actuelles catégories C et D). Un nombre important qui ne prend en compte que les armes détenues à titre civil, et s'explique par l'importance de la chasse en France. L'État recense 1,2 million de chasseurs en 2016, soit le contingent le plus important d'Europe devant l'Allemagne puis la Finlande.

Une législation dissuasive

L'ancien ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux regrettait en 2009 une législation sur les armes « inefficace, car trop tatillonne pour les honnêtes gens, et impuissante face aux trafiquants » au lendemain d'un règlement de comptes à la kalachnikov. En effet, l'obtention d'une licence de tir, nécessaire pour acquérir une arme, découle d'un processus administratif long et dissuasif, assorti de trois séances de tir contrôlées sur l'année avant validation par la fédération concernée. 
La détention d'armes à feu est scrupuleusement contrôlée, le port d'arme est rigoureusement interdit, sauf exception accordée par le ministère de l'Intérieur, et le transport d'armes fait l'objet d'une réglementation drastique qui empêche le détenteur de s'en servir en cas de nécessité. L'arme doit être démontée, déchargée et transportée dans une mallette close, de sorte que son utilisation immédiate est rendue impossible. 
Selon Laurent-Franck Lienard, les attentats n'y changeront rien : « La France n'a pas l'état d'esprit adapté ni la culture », juge-t-il.
Favorable à ce que tous les représentants de l'ordre (policiers, gendarmes, douaniers et surveillants pénitentiaires) puissent porter une arme en dehors de leurs heures de service, il déplore « une fracture entre un besoin de sécurité du peuple et les réponses de l'État ». Et d'ajouter : 
« Les particuliers sont totalement démunis sur le plan juridique. » Ainsi, Me Lienard rappelle que la loi n'autorise pas un particulier à renverser avec sa voiture un terroriste armé d'une kalachnikov et faisant feu sur la foule.

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