vendredi 25 décembre 2015

Ce médecin palestinien formé par des Israéliens...


Le Dr Ibrahim Abu Zahira n’aime pas la politique mais là où il vit, elle le rattrapera toujours. Palestinien né à Hébron en Cisjordanie, formé à l’hôpital Necker à Paris dans l’un des meilleurs services de chirurgie cardiaque infantile, ce cardiologue travaille aujourd’hui à l’hôpital Hadassah de Jérusalem avec des Israéliens. Il a obtenu ce poste grâce au soutien du Professeur Jean-Jacques Rein, un chirurgien pédiatrique renommé. La mère d’Ibrahim Abu Zahira était ravie de le voir revenir auprès d’elle, lui qui avait passé le début de sa vie à voyager entre la Russie et la France.

“Ici, on ne fait pas de politique, raconte le médecin âgé de 38 ans, lors d’un entretien avec le HuffPost par Skype. Ma famille est heureuse de savoir que je travaille bien avec les Israéliens. Elle ne m’a jamais fait de remarques désobligeantes. Au contraire. L’un de mes frères connaît bien un de mes collègues. Et l’ambiance à l’hôpital est très bonne. Même dans les moments durs, le conflit n’influence pas nos décisions médicales. Je soigne des enfants palestiniens et israéliens sans voir de différence. L'hôpital, c’est comme la famille. Moi, je ne rêve que de libertés, ce travail m’en offre. Je suis reconnaissant aux médecins qui m’épaulent.”

un coeur pour la paix



























Vu depuis la France, ce discours détonne. Mais il est le reflet de la vie quotidienne en Israël. Le prisme du conflit qui déchire la région nous fait oublier que Palestiniens et Israéliens vivent ensemble, travaillent et échangent quotidiennement. 

Les tensions politiques sont connues de tous et le Dr Abu Zahira ne les occulte pas, mais il dit aussi qu’il existe des liens forts qui sont tissés le plus naturellement du monde, parce que les gens vivent côte-à-côte. L’optimisme de ce médecin semble taillé dans le roc, malgré lamultiplication récente des attaques au couteau.

Les fruits de son travail sont sans doute des moteurs puissants pour avoir la foi, surtout dans cet environnement particulier de l’hôpital Hadassah où les médecins, d’où qu’ils viennent, sauvent des vies ensemble. Le docteur Zahira soigne des bébés qui souffrent de malformations cardiaques. Lors de l’entretien sur Skype, il a fait balader son ordinateur dans l’hôpital pour montrer au HuffPost l’un des tout-petits qu’il venait d’opérer. Un sourire dans la voix, il a raconté: 

“Ce bébé est né à l’hôpital d’Hébron. Le chef de service m’a appelé, il le trouvait très bleu. Après avoir décrypté ses symptômes, je lui ai dit de commencer le traitement tout de suite, avant même que je ne vois l’enfant. Quand j’ai pu enfin le visiter, j’ai diagnostiqué une malformation cardiaque et trouvé un créneau pour qu’il soit opéré à Jérusalem. Sa famille a passé lecheckpoint sans problème. Je sors tout juste de son opération. Il a 23 jours. Il va bien.”

Un enfant sur cent naît avec une cardiopathie congénitale dans les territoires palestiniens. Un tiers de ces enfants nécessite une intervention. Ces chiffres élevés de prévalence sont liés aux nombreux mariages entre cousins germains. Dans les Territoires, un enfant sur deux est issu d’un mariage consanguin
Cette tradition est liée à la culture tribale qui prévaut encore dans de nombreuses familles. Or, seuls 4 médecins palestiniens sont formés à la cardiologie dans la région et il n’y a pas de service de chirurgie cardiaque infantile.

La force du Dr Zahira tient aussi au soutien sans faille que l’association Un coeur pour la paix lui témoigne. Sa fondatrice, le Docteur Muriel Haïm, explique que “depuis la signature des accords d’Oslo en 1993, les Israéliens ne sont plus responsables, aux yeux de la loi, de la santé des Palestiniens. Dès lors, le nombre d’enfants palestiniens opérés du coeur chute drastiquement, entraînant la mort des plus fragiles. Les enfants ne peuvent être opérés qu'en Israël mais les opérations sont coûteuses -entre 12 et 14.000 euros. 
Alors l’association également présidée par le Professeur Jean-Jacques Rein a commencé à lever des fonds en 2005.

un coeur pour la paix
Le professeur Jean-Jacques Azaria Rein à l'hôpital Hadassah avec un patient.


Depuis, au moins un enfant palestinien par semaine est opéré à Hadassah. Le taux de survie des petits opérés dépasse 97%. Et dans la plupart des cas, une seule intervention suffit. “Rapidement, notre association a compris qu'il fallait transférer le savoir, continue le Dr Haïm. Ainsi, une consultation à Ramallah a été soutenue partiellement pendant trois ans. Elle est autonome aujourd’hui. Et nous faisons de même avec celle du Dr Abu Zahira à Hébron. L’association lui finance 3 ans de loyer et lui fournit un appareil d’échocardiographie.

abu zahira
Dans le cabinet du Dr Abu Zahira à Hébron.


Afin de continuer sur cette lancée, Un coeur pour la paix est venu à Paris en octobre pour chercher de nouveaux financements. A Bruxelles également, mais l’accueil fut glacial. Muriel Haïm rapporte les propos d’un fonctionnaire: “Je ne vous aiderai pas, car vous travaillez avec des Israéliens”. Dur à entendre pour des gens qui répètent à l’envie “l’ennemi, c’est la maladie”.

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