lundi 27 juillet 2015

Lettre ouverte à S.M. Salman ben Abdelaziz Al Saoud, roi d’Arabie....


Monsieur,
Votre argent a une odeur. Celle du naphte dont vous tirez, sans que votre front en soit couvert de sueur, les revenus qui ont fait passer en deux générations votre père, sa nombreuse famille et vous-même de l’humble et austère condition de nomades gardiens de chèvres à une opulence sans équivalent dans le monde. Vous êtes à proprement parler ce que l’on appelle, pour reprendre une expression française qui dit bien ce qu’elle veut dire, le roi du pétrole.
Privilégié de la fortune, à l’instar de quelques autres émirs de la péninsule Arabe, d’une poignée d’oligarques russes, d’une bande de mafieux siciliens, de plusieurs vedettes du spectacle ou du football et de certains patrons du CAC 40, vous avez acquis et vous possédez sur notre Côte d’Azur, dont le paysage vous plaît, dont le climat vous convient et dont les commodités de toutes sortes vous attirent, une assez luxueuse résidence secondaire qui s’étend en bordure de la plage bien connue de Vallauris sur près d’un kilomètre, s’il faut en croire les médias. Dans l’état actuel de notre législation et de notre société, il n’y a là rien que de très banal.
Milliardaire mais aussi chef d’État et, paraît-il, non seulement notre allié mais notre ami, il est également normal, lorsque vous honorez notre pays de votre visite, que toutes les précautions soient prises pour assurer votre sécurité, le dispositif mis en place pour assurer votre sécurité dût-il entraîner quelque gêne et notamment quelques entraves à la liberté d’aller et de venir de nos compatriotes. 
Il ne serait pas de bon exemple que vous-même ou d’ailleurs tout autre de vos collègues alliez subir sur notre territoire le sort qu’y connut à Marseille l’infortuné roi Alexandre de Yougoslavie, assassiné en compagnie de Louis Barthou par un oustachi croate.
Si le séjour de quelques semaines que vous comptez faire à Vallauris en compagnie d’environ un millier de vos sujets, ministres, policiers, épouses, domestiques, enfants, familiers, cuisiniers, diplomates, esclaves et princes suscite de violents remous, c’est parce que, pour répondre à votre demande – on pourrait dire à vos exigences -, il a été décidé de privatiser l’ensemble de la zone qui s’étend devant votre demeure, en d’autres termes d’en interdire l’accès et la jouissance aux gens de peu, aux gens de rien que sont à vos yeux les naturels de la contrée et les touristes de passage, bref le vulgum pecus
Seuls vous-même et votre suite serez autorisés à prendre l’ascenseur social qui vous permettra de fouler le sol de cette plage ordinairement publique.
Une telle mesure n’est pas seulement dérogatoire à la loi qui garantit normalement l’accès du littoral au tout-venant. Elle ressuscite en votre faveur le privilège de la naissance aboli il y a plus de deux siècles par notre Révolution. 
Pourtant, si formels que soient les textes et les principes, les usages de notre République nous ont tellement habitués aux passe-droits en tout genre qu’il faut chercher ailleurs les raisons de l’exceptionnelle levée de boucliers qui vous accueille. 
Lecteurs de magazines glamour et secrètement amoureux des« royals » comme le sont tant de Français, nul doute qu’une grande majorité d’entre eux ne trouveraient rien à redire si l’on réservait semblable faveur, par exemple, au prince William, à Mme Kate née Middleton et au petit prince George dont l’adorable sourire fait chavirer les cœurs hexagonaux. Il se trouve qu’ils n’ont pas le mauvais goût de formuler ce genre de souhaits.
La vérité, il importe que vous le sachiez, Monsieur, est que les lois et les mœurs qui ont cours dans le pays dont vous êtes le monarque absolu ne nous conviennent pas. Vous et votre régime, en dépit des considérations économiques et des circonstances politiques qui nous ont amenés à nous accommoder les uns des autres, représentez ce qu’il y a sur cette terre de plus haïssable, de plus rétrograde, de plus incompatible avec nos valeurs et avec notre civilisation. 
Despotisme, fanatisme, discrimination, intolérance, obscurantisme sont les mamelles de vos chèvres. Pour un oui pour un non, pour une parole pour un silence, vous coupez la main, le pied ou la tête de supposés coupables qui, chez nous, ne seraient même pas justiciables des tribunaux. Quand on cherche ce qui vous différencie de Daech, on ne trouve guère que la corruption.
On ne peut pas attendre de vous, que les spécialistes disent un prince libéral, que du jour au lendemain vous libériez vous-même les hommes et les femmes de votre royaume des traditions inhumaines et de l’oppression dont vous êtes le gardien, le garant et le pilier. 
Mais il suffirait d’un geste de votre part, d’un simple geste pour faire disparaître l’hostilité dont vous êtes à juste titre l’objet. Un jeune homme, qui n’est coupable que d’être un jeune homme libre, croupit actuellement dans vos prisons après avoir été condamné par votre justice à dix ans de prison et à mille coups de fouet qui le dispenseront définitivement d’aller jusqu’au bout de sa peine. 
Graciez Raif Badaoui, Monsieur, et nous sommes prêts à vous dire « Bienvenue en France », « Bon séjour à Vallauris » et « Dieu vous bénisse » par-dessus le marché.

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