Il existe autant de types de barbecues que de cultures. Ils se dégustent dans les plus carnivores des restaurants parisiens.
Si c’est bon cuit au four, frit, sauté ou en ragoût, c’est probablement encore meilleur grillé. » Cette maxime de Steven Raichlen, gourou du barbecue américain, n’est jamais aussi vraie que l’été venu. S’il aiguise la convivialité, l’art de la braise est aussi une science qui, sur tous les continents, a ses spécificités. Dans la pampa argentine, les gauchos organisent encore l’asado, cette rôtisserie à ciel ouvert où des pièces de viandes sont embrochées à la verticale autour d’un grand foyer.
Plus modestement, les parrillas perpétuent cette culture nationale. Ouvert à Paris en 1965, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève (5e), El Palenque a été le pionnier du bœuf argentin grillé à la braise, accompagné de l’indispensable chimichurri, ce condiment composé de persil, origan, poivron rouge, ail, aji molido (le piment local), huile d’olive et vinaigre. L’établissement continue vaillamment de servir sa parrillada completa (44 euros pour deux), proposant ris de veau et rognons, saucisses, boudin et noix d’entrecôte
D’autres restaurants argentins se sont, depuis, implantés dans la capitale, en particulier Unico, rue Paul-Bert (11e), de l’architecte franco argentin Marcelo Joulia. Au vu de son succès, il a ouvert une deuxième adresse rue Amélie (7e). « Les fers en forme de V du gril évacuent la graisse avant qu’elle ne dégage trop de fumée », explique le chef historique d’Unico, Atahual Flores. Autre élément essentiel : « Nous utilisons du charbon de quebracho blanco, un bois très dur, qui se consume longtemps. »
En réglant la hauteur du gril avec une crémaillère, l’asador (le rôtisseur) privilégie une cuisson douce. La perfection de ce bœuf black angus importé d’Argentine a un coût : asado de tira (travers), 30 euros, bife de lomo (filet), 39 euros, entrecôte, 34 euros.
« En France, on arrive au barbecue pour manger, en Afrique du Sud, pour allumer le feu. Sa fonction sociale est essentielle pour toutes les communautés. » On n’osera pas contredire Kobus Botha, colosse gargantuesque, quand il vante la supériorité du braai (le barbecue sud-africain) sur les autres formes de gril party.
Ancien producteur de cinéma, installé en France dans les années 2000, le barbu s’est fait ambassadeur de la cuisine de la nation arc-en-ciel chez My Food, son restaurant de Montreuil aux spécialités métissées : bobotie (bœuf haché au curry), poulet peri peri…
AVEC OU SANS ÉPICES
Il milite aussi pour ce fameux braai grâce à un imposant barbecue en forme de locomotive à vapeur qu’il transporte, en plein air, à travers la France (comme tous les mercredis, à Paris, jusqu’au 16 septembre, Au Trinquet, quai Saint-Exupéry (16e).
Dans la machine, trois portes s’ouvrent sur des lits de victuailles. Plus la porte est proche du foyer, plus la température est vive. On y trouve ainsi poitrine de porc ou de veau, longues saucisses boerewoers (mélange de bœuf, porc, graines de coriandre, muscade, girofle…) jusqu’aux saumons entiers cuits longuement à 90 °C.
L’assiette mérite largement ses 15 euros. « On ne batifole pas avec la viande, juste salée et poivrée, précise Kobus Botha, au contraire du barbecue américain qui force sur les épices, le fumage et les sauces. »
Jusque récemment, les Français auraient eu du mal à vérifier cette comparaison. Aucune adresse n’exportait l’American BBQ – où les viandes cuisent lentement au fumoir et non directement sur le gril –, auquel le sud des Etats-Unis voue un véritable culte.
LE TEXAS À DOMICILE
En moins d’un an, les choses ont changé à la vitesse d’un cow-boy au galop. Cette version américaine est même devenue une tendance parisienne avec l’ouverture de restaurants comme Flesh (rue de Douai, 9e), Blues Bar-B-Q (rue Sedaine, 11e). Aucun pourtant n’égale en purisme The Beast, créé rue Meslay (Paris 3e) par Thomas Abramowicz.
Cet ancien employé de LVMH a connu la révélation au Texas, il y a sept ans. En stage au Louie Mueller BBQ, à Taylor (Texas), il a percé les secrets de classiques comme le brisket (poitrine de bœuf) ou les baby rack ribs (travers de porc). Il a commandé un four à bois sur mesure au Texas, dans la fabrique de fumoirs J & R, la Rolls du genre, pour le restaurant qu’il a ouvert près de la place de la République.
Thomas Abramowicz, patron de The Beast dans le 3e arrondissement de Paris.
The Beast accueille avec une odeur de fumaison digne des meilleurs barbecues d’Austin.
Le client commande au comptoir son choix de viandes découpées devant lui et posées sur du papier de boucher, à même le plateau.
Comme le veut la tradition texane, le bœuf est juste assaisonné de sel et poivre, mais les longues heures de cuisson à 90 °C lui donnent une croûte croustillant au-dessus d’une viande ultra-moelleuse, laquée au dernier moment d’une sauce BBQ.
La sélection de viandes (de 9 à 24 euros la part, ou 38 euros le copieux plateau dégustation), s’accorde parfaitement avec l’un des 75 bourbons ou ryes whisky proposés au bar. Et là, on s’y croit. The Beast n’a-t-il pas été adoubé, en février, par une page dans le quotidien texan Houston Chronicle ?
ADRESSES
Restaurants argentins :
Restaurants argentins :
Unico, 10, rue Amélie, Paris 7e, tél. : 01-45-51-83-65, ou 15, rue Paul-Bert, Paris 11e, tél. : 01-43-67-68-08. 40-60 euros
El Palenque, 5, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, Paris 5e. Tél. : 01-43-54-08-99. 40-60 euros
La Cueva del Diablo, 13, rue du Cardinal-Lemoine, Paris 5e. Tél. : 01-43-26-37-01. 40-60 euros
Restaurant sud-africain : My Food, 22, rue Robespierre, Montreuil (93). Tél. : 01-48-57-99-68. 25-45 euros. (Tous les mercredis soir, jusqu’au 16 septembre, Kobus Botha organise un braai au Trinquet, 8 quai Saint-Exupéry, Paris 16e)
BBQ américains :
The Beast, 27, rue Meslay, Paris 3e. Tél. : 07-81-02-99-77. 20-40 euros.
Flesh, 25, rue de Douai, Paris 9e. Tél. : 01-42-81-21-93. 15-30 euros
Frog Revolution, 9, rue de la Bastille, Paris 4e. Tél. : 01-42-74-34-41. 15-25 euros
Blues Bar-B-Q, 1, rue Sedaine, Paris 11e. Tél. : 01-48-06-79-53. 20-30 euros.
Floyd’s, 11, rue d’Enghien, Paris 10e. Tél. : 01-44-79-05-52. 30-50 euros.
- Stéphane Davet
Journaliste au Monde
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire