vendredi 1 août 2014

Israël/Gaza - Le journal de guerre de Danièle Kriegel (12) : Espoirs déçus...


Le cessez-le-feu de trois jours n'aura finalement duré dans les faits que trois heures. En attendant, mieux vaut ne pas être un pacifiste en Israël.

Jérusalem, vendredi matin, 25e jour de la guerre
La nouvelle est tombée dans la nuit. C'est donc en se réveillant que les Israéliens l'ont apprise vendredi matin : les deux parties sont tombées d'accord pour un cessez-le-feu humanitaire de 72 heures, et ce à partir de 8 heures vendredi. 
Tiendra, tiendra pas ? Ils ne sont pas nombreux ceux qui y croient et le disent. L'incrédulité comme façon de ne pas tenter le diable ? Ou plutôt peur que tout s'effondre rapidement ? En une semaine, on a vu tellement de trêves qui n'en étaient pas...
Est-ce déjà l'effet des premières senteurs d'une paix qui s'approche ? À la télévision et à la radio, personnalités politiques et culturelles connues pour leur combat en faveur de la création d'un État palestinien au côté d'Israël font leur réapparition. Zehava Galon, la présidente de Meretz, le parti à la gauche des travaillistes. 
Un dramaturge connu, Yeoshua Sobol. À ses côtés, un musicien metteur en scène de spectacles pour enfants. Au-delà de l'espoir ténu que fait naître l'annonce du cessez-le-feu, tous trois sont d'accord pour définir la tâche la plus urgente de l'après-guerre : que la société israélienne réapprenne le pluralisme. "Ce qui s'est passé, disent-ils, pendant ces quatre semaines de guerre, est inouï. 
Des créateurs et artistes de premier plan contraints de se promener désormais avec des gardes du corps après des menaces de mort. Tout simplement parce qu'ils avaient dans telle interview évoqué aussi la situation à Gaza ou qu'ils étaient connus pour leur engagement envers la paix."
Ils pourraient aussi raconter ce qui s'est passé il y a trois jours. 200 personnes se sont réunies devant les locaux de la deuxième chaîne de la télévision israélienne. Elles scandaient : "Traitre !" ; "Dehors !" L'objet de ce courroux ? Un commentateur politique du nom d'Amnon Abramovitch, qui est aussi un héros de la guerre d'octobre 1973. 
Au troisième jour du conflit, sur le canal de Suez, il a été gravement brûlé. En dépit de ses blessures, il a continué de se battre aux commandes de son char. Ce qui lui a valu une citation du chef d'état-major pour son courage. Transporté à l'hôpital, il subira pas moins de 60 opérations. 
Encore aujourd'hui, il porte sur le visage les cicatrices qui témoignent de la gravité de ses blessures. Dans la manifestation contre lui, on a même entendu : "Dommage que tu ne sois pas mort à Kippour." Que lui reprochaient-ils ? Rien de particulier sinon son impartialité et le fait qu'il est partisan de négociations avec le président palestinien, Mahmoud Abbas. Ce qui l'amène à critiquer régulièrement la politique gouvernementale. 

"Une minorité de parias" qui souhaite la paix

Encore jeudi, une chanteuse réputée a annulé le concert qu'elle devait donner le soir même à Haïfa, le grand port du nord du pays. Elle était la cible de menaces de mort sur les réseaux sociaux. Et cette liste est loin d'être exhaustive. Dans le quotidien indépendant Haaretz, vendredi matin, un éditorialiste évoque ce père, durant l'enterrement de son fils, mort à Gaza lors d'un accrochage avec le Hamas. 
D'une voix brisée, il lance un appel pour une solution pacifique et espère l'arrêt des morts et des souffrances, en Israël et dans la bande de Gaza. "Des gens comme le père de Guilad et sa mère, tous deux de Meretz, écrit l'éditorialiste, sont aujourd'hui, chez nous, une minorité dénoncée, ostracisée. Une minorité de parias."
9 h 45 heure française. Je reçois un message sur mon portable : les échanges de tirs ont repris à Gaza. Ils ont lieu à Rafah et à Khan Younès. Les Palestiniens annoncent quatre morts. Plus tôt, un obus de mortier tiré de Gaza a explosé en territoire israélien. Et maintenant, à Keren Shalom, un kibboutz où se trouve également un point de passage vers Gaza, les sirènes retentissent. Israël accuse le Hamas d'avoir enfreint la trêve. Il y a fort à parier qu'ensuite l'organisation islamiste rejettera sur Israël la responsabilité de l'effondrement de cet énième cessez-le-feu. Il a tenu à peine trois heures. 
Robert Serry, le médiateur de l'ONU, parviendra-t-il à ramener le calme ?

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