jeudi 28 juillet 2011

L'islam européen, version anglaise..

L'islam européen, version anglaise..
par Xavier Ternisien

La scène était d'anthologie. Le soleil couchant illuminait la Corne d'or. Sur fond de musique ottomane, le gratin de la prédication islamique posait devant le belvédère du palais de Topkapi, le soir du 2 juillet à Istanbul. Le grand mufti de Bosnie, Mustafa Ceric, lisait d'une voix solennelle un texte intitulé "Déclaration de Topkapi". "Le terrorisme sous toutes ses formes est un affront à l'humanité, proclamait l'homme de foi. En aucune circonstance, l'islam ne peut admettre le terrorisme et le meurtre de civils."

Il y avait là le cheikh qatari Yussuf Al-Qaradawi, le grand mufti d'Egypte Ali Gomaa, l'intellectuel musulman suisse Tariq Ramadan, le chef de l'opposition islamiste tunisienne Rachid Ghannouchi et bien d'autres. Les grandes instances représentatives de l'islam dans les pays européens, telles que le Conseil français du culte musulman (CFCM), le Muslim Council of Britain, l'Islamrat et le Zentralrat allemands, étaient présentes. Les quelques jeunes musulmans présents se poussaient du coude pour être pris en photo devant les icônes de l'islam contemporain : Sami Yussuf, un chanteur de pop islamique azéri qui vend des millions d'albums à travers le monde, Amr Khalid, le "télécoraniste" égyptien, coqueluche des classes moyennes musulmanes, Yussuf Islam (alias Cat Stevens) ou encore Hamza Yusuf, un Américain converti qui prêche la réconciliation entre l'Islam et l'Occident...

Discrètement, quelques diplomates du Foreign Office veillaient au bon déroulement de l'opération. Car si cette "conférence des musulmans d'Europe" était officiellement préparée par un "comité d'organisation" composé de personnalités musulmanes, c'étaient bien les Anglais qui étaient à l'initiative de l'événement et le finançaient.

La diplomatie britannique a fait de l'islam un axe majeur de son action. Au Foreign Office, une section spéciale, créée après les attentats du 7 juillet 2005, a pour nom "Engaging with the Islamic World". "C'est un instrument de diplomatie publique en direction du monde musulman, explique un diplomate français. Les Britanniques sont soucieux d'améliorer leur image, après leur participation à la guerre en Irak." Cette communication s'adresse également à la communauté musulmane en Grande-Bretagne. Elle vise à montrer que la politique britannique à l'égard du monde musulman ne se résume pas à la question irakienne et que le gouvernement de Sa Majesté considère l'islam avec bienveillance. Le pragmatisme des Anglais les conduit même à entretenir des relations avec des personnalités influentes, mais jugées peu fréquentables en Occident, comme Youssouf Al-Qaradawi, qui soutient les attentats-suicides dans les territoires palestiniens.

La conférence d'Istanbul a été l'occasion de mettre en avant les vertus du modèle d'intégration anglais. Lors de la soirée d'ouverture, une série de photos de Peter Sanders a été projetée aux participants, sous le titre : "L'art de l'intégration. L'islam dans le doux et vert pays britannique." On pouvait y voir une jeune femme aux yeux bleus voilée dans le drapeau anglais, un imam officiant au prestigieux collège d'Eton, le prince Charles visitant une école coranique entre deux petites filles voilées, une église anglicane transformée en mosquée, une styliste dessinant des vêtements islamiques, un chirurgien musulman officiant, avec ce commentaire sous la photo : "Votre coeur est entre ses mains."

Au cours des débats qui ont précédé la déclaration finale, l'interdiction du voile dans les écoles en France a été souvent évoquée comme une forme de discrimination. Visiblement, la loi française n'a pas été suffisamment expliquée dans le monde musulman. Controversé en France, Tariq Ramadan n'en a pas moins défendu le modèle français : "Il ne faut pas comparer les modèles et dire que le britannique est supérieur au français, a-t-il lancé. Il faut juger chaque modèle selon ses propres principes et protester lorsqu'il y a un écart entre les principes et la pratique."

OPÉRATION DE SÉDUCTION

L'opération de séduction menée par la diplomatie britannique s'exerce aussi en France. En mai, une délégation de jeunes musulmans de Grande-Bretagne, qui comprenait la baronne Kishwer Faulkner, l'un des sept membres musulmans de la Chambre des Lords, est venue en France pour un voyage d'études organisé par le Foreign Office. Ils ont visité des mosquées, rencontré des imams, ont été reçus au lycée privé musulman Averroès à Lille.

L'ambassade de Grande-Bretagne multiplie les contacts avec les organisations musulmanes françaises. Lhaj Thami Brèze et Fouad Alaoui, les deux dirigeants de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), ont des relations régulières avec ses diplomates. Par comparaison, M. Brèze, qui est pourtant président du Conseil régional du culte musulman (CRCM) en Ile-de-France n'a jamais été reçu par le maire de Paris, Bertrand Delanoë.

La politique française de relations avec le monde musulman est plus frileuse. Le gouvernement semble privilégier les relations avec l'islam officiel, étroitement contrôlé par les Etats. Successivement, Jean-Pierre Chevènement, Nicolas Sarkozy, lorsqu'ils étaient ministres de l'intérieur, et Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, ont rendu visite à l'imam de l'université d'Al-Azhar, au Caire, Mohammed Sayed Tantaoui, dont la représentativité est très contestée par les musulmans. La France aurait pourtant besoin de faire des efforts de communication : d'après un sondage de l'institut américain Pew Research Center, publié en juin, son image s'est beaucoup dégradée dans les pays musulmans, avec par exemple 61 % d'opinions négatives en Turquie. La laïcité à la française n'exclut pas, pourtant, un dialogue avec des responsables religieux : Jacques Chirac a reçu à l'Elysée, le 15 mai, sept patriarches et chefs d'Eglises orientales. A cette occasion, le président de la République a vanté "l'ancienneté et l'étroitesse des liens qui unissent la France" aux communautés chrétiennes d'Orient.

Dans le cadre du "dialogue des civilisations" et de la lutte contre le terrorisme islamiste, plusieurs pays européens entament un dialogue volontariste avec le monde musulman. En avril, l'Autriche a organisé, à Vienne, une conférence européenne des imams. Les musulmans français étaient quasiment absents des débats. A Istanbul, sous l'impulsion des Britanniques, il a été décidé de créer un "forum des organisations musulmanes à l'échelon européen". Un islam d'Europe est en train de voir le jour. Le paradoxe veut que, bien que la France soit le premier pays musulman d'Europe, cet islam s'exprime pour le moment en anglais.


Par Aschkel - Publié dans : IDIOTS INUTILES - Communauté : L'Equipe J.A.G - TOP NEWS -

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