Aziz Miled, l'ami tunisien d'Alliot-Marie, victime ou complice du régime ?
LEMONDE.FR | 02.02.2011...
Accusée par Le Canard enchaîné d'avoir profité, à la fin 2010, alors que la Tunisie connaissait déjà d'importants troubles, de l'avion privé d'un proche du président déchu Ben Ali, Michèle Alliot-Marie se défend, mercredi 2 février
La ministre des affaires étrangères reconnaît qu'elle a profité, avec sa famille, de la générosité de l'homme d'affaires Aziz Miled, 71 ans. Mais elle assure qu'il n'est pas "du tout, mais alors pas du tout" un proche de M. Ben Ali.
Sur RTL, mercredi 2 février au matin, Patrick Ollier, compagnon à la ville de Mme Alliot-Marie et ministre des relations avec le Parlement, qui était, lui aussi, du voyage en Tunisie, a dressé un portrait d'Aziz Miled en otage des Ben Ali. Il serait "plus une victime qu'autre chose", selon le ministre, qui raconte comment l'homme d'affaires, qui avait "construit sa fortune de ses propres mains", s'est vu "spolié" par la famille Trabelsi, obligé de céder une partie des parts de sa compagnie d'aviation à Belhassen Trabelsi, gendre du président déchu (voir notre infographie sur le clan Trabelsi-Ben Ali).
Ce dernier "lui a, il y a quelques mois, pris 20 % de sa compagnie alors qu'il était propriétaire totalement, et il exigeait de devenir président de la société", assure même M. Ollier.
AZIZ MILED A SIGNÉ DEUX APPELS EN FAVEUR DE BEN ALI
Aziz Miled, "victime" du pouvoir benaliste ? Plusieurs éléments mettent en doute cette version : d'une part, les avoirs d'Aziz Miled ont été gelés par la Suisse, de même que tous ceux des proches du clan Ben Ali (la liste officielle en pdf).
Ensuite, l'homme figure dans pas moins de deux appels à une nouvelle candidature Ben Ali. Le premier, en août 2010, parmi une liste de 65 personnalités militant pour que le "sauveur de la patrie, le président Ben Ali", se représente en 2014. Le second, en septembre 2010, avec 54 autres personnalités, du secteur aérien et touristique .
Plus troublant encore, Aziz Miled figurait en 2009 sur la liste des 350 membres du comité central du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Zine El-Abidine Ben Ali. Autant de collusions que l'on pourrait mettre sur le compte de la nécessité pour un homme d'affaires de ne pas s'inscrire en opposition à un régime autoritiare. Mais les rapprochements ne s'arrêtent pas là.
En 2005, l'opposant Abdel Wahab Hani, chercheur en exil en France et membre fondateur du CPR, parti d'opposition tunisien, décrivait ainsi M. Miled : "homme d'affaires, membre des comités électoraux de l'actuel chef de l'Etat, son ami et confident, voire même associé disent les mauvaises langues". Un portrait sans doute exagéré. Mais qui rappelait que l'ascension d'Aziz Miled s'était faite dans le sillage de celle du clan Ben Ali.
ASSOCIÉ EN AFFAIRES À DEUX MEMBRES DU CLAN BEN ALI
Comme on peut le lire dans ce portrait réalisé en février 2010 par le magazine Les Afriques, Aziz Miled (son nom est parfois orthographié "Milad"), qui a débuté comme employé d'une société de tourisme, est avant tout l'un des grands patrons tunisiens. Fondateur de Tunisia Travels Service (TTS), agence de voyages leader en tunisie, qui assure à elle seule un cinquième de la capacité d'hébergement des hôtels du pays, l'homme est parfois présenté comme ayant été proche du pouvoir de Bourguiba.
Il a diversifié ses activités à la faveur de l'arrivée de M. Ben Ali au pouvoir, en 1987, en lançant notamment sa compagnie aérienne, Air Liberté Tunisie, rebaptisée Nouvel Air en 1989. En octobre 2008, cette compagnie fusionne avec Khartago Airlines, propriété de Belhassem Trabelsi, le gendre du président déchu Ben Ali, pour former Nouvel Air.
Plusieurs articles de presse évoquent effectivement une forme de "coup de force" de M. Trabelsi, qui prend la direction du nouveau groupe issu de cette fusion, réalisée sous l'œil des experts de la Compagnie financière Edmond de Rothschild. M. Miled, qui possède la majorité des parts, le récupère trois ans plus tard, début 2011, à la faveur de la fuite de Belhassen Trabelsi.
Ce "coup de force" n'a pas cependant empêché les affaires d'Aziz Miled de prospérer, notamment le tourisme. Il a aussi continué de racheter des entreprises, et en particulier pris le contrôle de Tunisavia, co-entreprise fournissant des services aéroportuaires, dont il devient PDG.
Sorte de "parrain" du capitalisme tunisien, Aziz Miled est également actionnaire ou partie prenante de nombre de projets dans le pays, où il côtoie les membres du clan Ben Ali. Il est ainsi au conseil d'administration de la Banque internationale arabe de Tunisie, aux côtés de Marouane Mabrouk, autre gendre du président déchu.
Aziz Miled est également le partenaire privilégié de Slim Chiboub, un ancien champion de volley, devenu un riche homme d'affaires, et surtout le mari de la fille cadette de Ben Ali, Dorsaf. Les deux hommes achètent ensemble des terrains agricoles en 1994. Plus récemment, le groupe TTS de M. Miled a lancé la construction d'un immense complexe touristique, la Baie de Gammarth, où Slim Chiboub siège au conseil d'administration.
UN PROCHE DES MILIEUX D'AFFAIRES FRANÇAIS ?
Aziz Miled est également depuis 2009 vice-président du conseil de surveillance d'un institut de réflexions et d'études économique franco-tunisien de prestige, l'Ipemed (Institut de prospective économique du monde méditerranéen). Ce cercle de réflexion soutenu par une trentaine de grandes entreprises françaises (dont Suez, Air France, Alstom, le Crédit agricole et la Caisse des dépôts) a longtemps fait l'éloge du président tunisien déchu.
Dans le communiqué annonçant la nomination de M. Miled, il est ainsi précisé que celle-ci "constitue un hommage significatif au rôle que joue la Tunisie, sous la conduite du président Ben Ali, dans la construction de l'espace méditerranéen et l'approfondissement des liens euro-méditerranéens". Les derniers "Entretiens de la Méditerranée" de l'institut, en mai 2010, étaient d'ailleurs placés sous son patronage.
Plutôt qu'un militant actif du régime ou un "membre du clan" Ben Ali, Aziz Miled apparaît donc comme un entrepreneur puissant, qui a su se ménager la sympathie du clan Ben Ali-Trabelsi, tout en montant un empire touristique parmi les plus importants de la région. De quoi expliquer que, malgré le gel de ses avoirs, M. Miled ait récupéré la direction de sa compagnie aérienne. Affirmer, à l'instar de Patrick Ollier, qu'il s'agit d'une "victime" du régime mis à bas par le peuple tunisien s'apparente en revanche, au mieux, à de l'outrance.
Samuel Laurent
La gauche demande la démission de Mme Alliot-Marie
D'abord prudente - "si c'est vrai, c'est grave", se contentait de dire Martine Aubry mardi - la gauche a haussé le ton, mercredi 2 février, contre la ministre des affaires étrangères. Jean-Marc Ayrault, chef de file des députés PS, a estimé que Michèle Alliot-Marie "n'a plus sa place au gouvernement et doit donc démissionner".Questionnée à ce sujet à l'Assemblée, la ministre a exclu toute démission, se bornant à rappeler qu'elle avait payé son séjour, même si le Canard Enchaîné affirme qu'elle n'a pas été en meusre d'indiquer précisément qui avait réglé la note d'hôtel.
A droite, le soutien à Mme Alliot-Marie s'avère tiède. Le patron de l'UMP, Jean-François Copé, a préféré éviter tout commentaire car il n'avait "pas d'éléments" sur la question, tout en affirmant qu'il lui apportait son "soutien". Jean-Pierre Raffarin, également interrogé, a jugé que la ministre avait "toujours été professionnelle" et avait "toujours respecté l'éthique". ""Tant que je n'ai pas d'informations contraires, je la respecte", a-t-il ajouté.
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