vendredi 30 juillet 2010

L'urine, le nouvel or noir ?

L'urine, le nouvel or noir


Non, non, sous couvert de science et de technologie, pas question de verser ici dans l’urophilie. Néanmoins, comme le suggère humoristiquement le Manneken-Pis depuis des siècles, l’urine est source de bienfaits cachés… Le premier est évident : composée à 95% de cette fameuse molécule qui associe deux atomes d’hydrogène et un atome d’oxygène, l’urine constitue une réserve d’eau douce considérable, surtout si on la multiplie par les 7 milliards d’individus que va bientôt compter la population humaine mondiale (et je ne parle même pas des populations diverses d’animaux domestiques). Il y a un an, on s’est esbaudi sur le système de recyclage de la Station spatiale internationale, qui a enfin permis aux astronautes de l’ISS de savourer l’eau qui avait transité par eux-mêmes et à la NASA d’économiser la mise en orbite de bidons de flotte. En réalité, cela fait de nombreuses années que le traitement des eaux usées est capable de renvoyer dans nos robinets de l’eau parfaitement potable… provenant de nos toilettes. Certains l’acceptent, d’autres non, car il est difficile de surmonter le “facteur beurk”.


Le second atout de l’urine, en ces temps d’écologie obligatoire, est beaucoup moins évident : on pourrait fabriquer de l’électricité avec ! La NASA, encore elle, a déjà commencé à étudier le concept d’un recyclage électrico-excrémentiel il y a quelques années : le voyage pour Mars d’un équipage de six personnes produisant plus de 6 tonnes de déchets organiques solides, il y avait de quoi se poser la question. L’idée consistait à développer une pile à combustible microbienne (PaCMi) ultra-compacte, capable d’arracher des électrons à ces déchets et produisant ainsi du courant (cliquer ici pour voir comment marche une PaCMi). Etant donné que l’odyssée martienne a été repoussée au-delà de 2030 par l’administration Obama, le projet n’est plus trop d’actualité… Cela dit, les piles à combustible microbiennes n’intéressent pas que la NASA. Depuis quelques années, le domaine est exploré par un nombre croissant de laboratoires. Le projet le plus en vogue est le Geobacter Project (du nom du microbe utilisé par une équipe de l’université du Massachusetts à Amherst), qui a été retenu en 2009 dans la prestigieuse liste des 50 meilleures inventions de l’année du magazine Time.


Et parmi les fondus des PaCMi, on trouve les chercheurs du Laboratoire de robotique de Bristol (BRL, Royaume-Uni), qui vont se pencher sur le cas de l’urine, donc. Pourquoi des roboticiens ? Parce qu’ils veulent que leurs machines fabriquent leur propre électricité en digérant des déchets. Pendant trois ans et demi, cette équipe a déjà mené des tests avec d’assez rudimentaires bidons à roulettes et il faut bien reconnaître, en regardant la vidéo mise en ligne sur leur site, que le rendement de leurs PaCMi est loin d’être fantastique. Cela pourrait s’améliorer en changeant de matériau de base, comme l’explique Ioannis Ieropoulos : “Au cours de ces années, nous avons nourri nos PaCMi avec des fruits pourris, de l’herbe tondue, des carapaces de crevettes et des mouches mortes pour tester différents types de déchets. Nous nous sommes concentrés sur la recherche des meilleurs déchets, ceux qui créent le plus d’énergie. L’urine est très active chimiquement, riche en azote et a des composants comme l’urée, les ions chlorure, le potassium et la bilirubine qui la rendent excellente pour les piles à combustible microbiennes. Nous avons déjà effectué des tests préliminaires qui montrent qu’il s’agit d’un déchet très efficace.”


Alors, après l’or noir, l’or jaune (question stupide, l’or est déjà jaune…) ? Le docteur Ieropoulos vient en tout cas de recevoir une bourse de près de 700.000 euros pour développer ses pipiles au pipi. Et le BRL est déjà en contact avec Ecoprod Technique, une société fabriquant des urinoirs sans eau. A terme, le laboratoire britannique espère produire un prototype de vespasienne mobile “qui utiliserait l’urine pour créer de l’énergie à partir de ses piles à combustible, ajoute Ioannis Ieropoulos. Nous envisageons par exemple de l’utiliser lors de festivals de musique ou pour d’autres manifestations en plein air.” La fête de la bière à Munich ?


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