

LES UNITES PIFOMETRIQUES
La pifomètre est une science très ancienne et
universelle. La preuve en est que les enfants naissent
avec leur propre pifomètre, ce qui est d'ailleurs la
preuve de la transmissibilité des caractères acquis.
Dans ces conditions, il est surprenant qu'elle ait
suscité très peu de travaux. Il n'existe pas au
pavillon de Breteuil ou ailleurs, d'étalons d'unités
pifométriques, quoique celles-ci soient d'usage
courant. Rares sont d'autre part, les auteurs qui ont
cherché à déterminer les lois qui régissent cette
science.
A ma connaissance, seul Jacques Perret dans "Rôle de
plaisance" a consacré quelques pages, d'ailleurs très
profondes, à ce sujet. C'est lui qui a, le premier,
établi quelques principes:
1 - Le pifomètre est strictement personnel, inaliénable, consubstantiel à l'individu et inutilisable par autrui.
2 – Deux pifômes de sens contraire ne s'annulent pas.
3 – Il n'y a rien d'intéressant a tirer d'une moyenne pifométrique.
Cette porte ouverte sur un champ de recherche immense et inexploré eut dû attirer les chercheurs.
Au moment où les systèmes s'organisent, où le CGS a vécu, où le MTS n'est plus qu'un souvenir et ou le MKS (Avec ou sans A) triomphe dans les recommandations ISO ou AFNOR consacre trois normes x 02 002, x 02 003 et x 02 004 aux unités, il est stupéfiant que rien n'ait paru sur les unités pifométriques. Il m'a paru essentiel de combler cette lacune. Quelques observations liminaires s'imposent:
Le pifomètre, instrument personnel, n'est en vente nulle part bien entendu. Mais sa précision est inégalable. Jamais personne n'a eu besoin d'utiliser n'a eu besoin d'utiliser un pifomètre à vernier, encore moins un pifomètre à vis micrométrique.
L'instrument banal incorporé suffit en toute occasion. Il faut délibérément mettre de côté la pifométrie spécialisée pour diverses raisons: Elle est souvent discutable. Par exemple, la pifomètrie gastronomique utilise des unités compliquées. Il est souvent
question d'une noix de beurre. Mais Jamais un cuisinier n'a sculpté de beurre en forme de noix.
Les règles de la pifomètrie n'ont pas été rédigées mais chacun les applique d'instinct et vous conviendrez du respect que vous leur témoignez. Je n'ai pas l'ambition de les citer toutes. Mais seulement les principales:
- 1) La multiplication d'une unité pifométrique par un scalaire quelconque égale l'unité pifométrique initiale. Exemple "Deux minutes d'attente' ou "Trois minutes d'attente s'il vous plaît" représentent exactement le même temps que "une minute".
- 2) Deux longueurs pifométriques égales ne sont pas superposables. Exemple: "La longueur d'un poisson manqué et on expression en unités non dénommées par l'écartement des mains du pêcheur.
- 3) Une unité pifométrique peut représenter des grandeurs différentes pour des individus différents. Cela n'a aucune importance. Exemple La "Giclée d'huile" ordonnée à l'apprenti mécanicien par son contremaître conserve son efficacité quelle que soit l'interprétation donnée.
Les unités de temps
A tout seigneur, tout honneur: Le temps, grandeur subjective a bien entendu intéressé au premier chef la pifomètrie et les unités sont nombreuses. A noter que du point de vue du sablier, du cadran solaire et du calendrier, toutes ces unités sont équivalentes mais leur personnalité s'affine par les circonstances de leur utilisation.
Le bout de temps est une unité classique employée aussi bien pour le passé que pour l'avenir. On peut avoir à attendre un bout de temps ou évoquer un événement qui s'est produit il y a un bout de temps.
Il y a un sous-multiple: le petit bout de temps et un
multiple: un bon bout de temps. Le temps semblait jadis réservé à une élite. Cette unité tend à se démocratiser et c'est justice car elle a une essence de certitude et d'évidence pour l'esprit scientifique. Elle possède cette qualité à un point tel qu'on la lui applique comme un
qualificatif homérique. Comme on dit "L'artificieux Ulysse", on dit "Un certain laps de temps". L'éternité est équivalente au bout de temps mais ne s'applique que si l'intervalle a été difficilement supporté. On remarque ici que la que la pifomètrie ne se borne pas à mesurer une grandeur mais en précise la qualité.
L'Instant est équivalent, strictement, au bout de temps et à l'éternité mais accorde à intervalle mesuré un préjugé d'aisance et de légèreté.
Le Bail par contre laisse entrevoir l'intervention de puissances occultes et de tendance formaliste.
La Paye ne s'applique qu'au temps passé: On dit "Il y a une Paye que …" mais jamais "Dans une Paye".
Toutes les unités qui viennent d'être nommées ne s'appliquent qu'au singulier. Je tiens à le signaler avant de passer à la suivante.
La minute ou minute du coiffeur n'a strictement aucune relation linéaire ou autre avec le jour solaire moyen. Il est ici fâcheux qu'une homonymie purement accidentelle ait pu amener quelques ignorants à faire des comparaisons avec la minute sottement mesurée à un grossier chronomètre ou à une horloge atomique dont l'exactitude est, on le sait, sujette à varier suivant l'évolution des théories vont vite par le temps qui court. La minute a deux sous-multiples: la petite minute, la
seconde La minute peut être utilisée au pluriel, mais cette
opération relève plus de la poésie que de l'arithmétique et ne change rien à l'affaire.
Les unités de longueur
Le mètre est une unité qui, accompagnée de ses
nombreux multiples et sous-multiples, devrait
s'appliquer à tout. On voit immédiatement le caractère
artificiel et imprécis de cette rigidité injustifiée.
Dés qu'on en arrive aux grandes dimensions on est
obligé d'abandonner les multiples du mètre pour parler
en années-lumière ou en parsecs. A l'autre bout de
l'échelle, nous voyons apparaître le micron et
l'Angström.
La pifomètrie est beaucoup plus riche et a
délibérément adopté une judicieuse série d'unités:
Le bout de chemin s'emploie pour les distances
parcourues ou à parcourir et a bien sûr un multiple
"le bon bout de chemin ". Mais on préfère en général
utiliser "La trotte" dont l'usage ne présuppose pas
d'ailleurs le moyen de transport à utilise.
Mais les pifomètriciens ont depuis longtemps, et avant
que la topologie n'ait fait son apparition dans les
facultés, senti l'importance des relations de
proximité et l'unité topologico-pifomètrique employée
universellement est le poil. On mesure ou on passe à
un poil près. Un seul sous-multiple, le Micro-poil
suffit à apporter le maximum de précision.
Le pifomètricien dispose en outre d'une unité qui n'a
son équivalent dans aucun autre système. C'est :
l'unité non dénommée qui s'exprime en étendant les
bras à l'horizontale, les paumes parallèles et se
faisant face. Ce geste est obligatoirement accompagné
de l'expression: "Comme ça". L'unité non dénommée est
surtout employée par les pêcheurs. Mais elle est
d'usage courant dans beaucoup d'autres domaines.
L'unité de vitesse
Pour déblayer le terrain, je précise qu'il convient
d'éliminer quelques termes en lesquels des esprits
confus ont cru reconnaître des étalons de vitesse,
alors qu'ils ne sont que des éléments de comparaison
respectables, certes, mais sans valeur d'unité.
Ce sont le "Tout Berzingue", le "Toutes pompes", le
"Tonnerre" et autres de la même farine.
Il n'y a qu'une unité de vitesse, mais elle est
beaucoup plus élaborée que celle des systèmes
classiques. Dans ceux-ci en effet, la vitesse a pour
équation aux dimensions LT-1. Dans le système
pifométrique, on envisage la vitesse du temps.
D'aucuns objecteront que TT-1, cela donne une grandeur
sans dimensions. Mais il y a T et T, Temps et Temps,
le temps qui passe et le temps pour tout, de sorte que
bien avant Einstein, la pifomètrie a reconnu la
relativité du temps et a mesuré la vitesse de son
écoulement. L'unité de temps est donc unique; C'est la
" De ces vitesse". On l'emploie toujours seule. Une
voiture roule à une "De ces vitesses". Tout le monde a
senti le temps passer vite ou lentement mais le
pifomètricien seul a songé à évaluer la vélocité de la
variation du temps. C'est là un de ses titres
d'honneur et non le moindre.
Les unités de volume
La plupart des unités de volume usitées en
pifomètrie: le Pot, le Godet, le Setier et autre
Boujorons relèvent de la gastronomie. Ils n'entrent
pas dans mon propos. Reste la Giclée et son multiple
la "vieille Giclée" appelée dans certains lieux la
"Sacrée Giclée" qui représentent avec précision
l'étalon utilisable en toute occasion. C'est donc une
question toute simple.
Les unités de quantité
Le problème est plus complexe et des unités
différentes sont d'ordinaire usitées suivant
l'importance qualitative ou quantitative des grandeurs
et le fait qu'elles ont ou non une nature concrète.
Par exemple, l'idée et le fifrelin (1) s'appliquent au
tangible seul tandis que "La bonne dose" est d'un
emploi beaucoup plus vaste. Qui n'a jamais entendu
d'une bonne dose de patience ou de philosophie ?
Quant à la ration, elle évoque étymologiquement
parlant la raison et la perfection. Pourquoi certaines
personnes éprouvent elles alors le besoin de parler de
bonne ration, ce qui est à proprement parler un
pléonasme. On peut par contre utiliser la sacrée
ration qui implique un dangereux voisinage de l'excès.
Mais l'unité la plus usuelle, celle qui revient dans
toutes les énumérations et dans toutes les bouches, si
j'ose toutefois m'exprimer ainsi, étant donné son
étymologie scatologique, je n'éprouve même pas le
besoin de la nommer tant elle est connue. Seule, elle
évoque déjà des multitudes. Accompagnée de soin
préfixe Méga elle accède à l'ampleur galactique.
(1) Le fifrelin est appelé Chouia en Afrique du nord.
Les unités de température
Dans ce domaine la pifomètrie se rapproche des autres
systèmes: En effet, d'une part, le pifomètricien,
homme de bon sens, se gardera d'appliquer son
pifomètre et par voie de conséquence son épiderme sur
un corps pour en apprécier la température. D'autre
part, les systèmes classiques ne répugnent pas à
sortir des systèmes MKS: Le rouge cerise et la glace
fondante, par exemple sont d'un usage courant..
S'il s'agit d'une température ambiante, l'objection
disparaît puisque puisque le pifomètre est
automatiquement en fonction, mais, pour des raisons
d'uniformité, on continue à se référer à des éléments
connus: le froid de loup, le froid de canard ou
polaire sont balancés harmonieusement par des chaleurs
de fournaise ou tropicales.
La fièvre peut être de cheval, mais cette expression
doit être utilisée avec la plus grande circonspection
en raison du fait que le cheval est lui-même une unité
pifométrique comme nous allons le voir.
Les unités spécifiques
La pifomètrie est une science qui, en raison de son
caractère subjectif, ne souffre pas d'imprécision.
Elle a donc dû adapter pour corriger ce que les
systèmes classiques ont d'approximatif, des unités de
caractère très particulier que le lecteur reconnaîtra
au passage car elles lui sont familières.
Unités d'imprécision
- Le cheval sert à indiquer que la grandeur dont on
vient de donner la mesure eût mérité d'être réalisée
avec plus d'acuité. Exemples 30 Kilogrammes à un
cheval près. 25 mètres à un cheval près.
Unité d'addition
- Le pouce sert à indiquer que la mesure effectuée
était par défaut et qu'il convient d'y apporter plus
de précision si on veut être plus sérieux.
Exemples: 400 grammes et le pouce, 300 mètres et le
pouce.
Unités d'ajustage:
Les poussières. Le pifomètre, instrument de précision,
peut aisément évaluer la poussière, mais le
pifomètricien averti sait que cette sensibilité est
inaccessible à la majorité des physiciens et emploie
toujours le pluriel pour ajuster la mesure d'une
grandeur à l'expression vulgaire qui vient d'en être
donnée dans un système classique. Exemples: un tuyau
de 35 millimètres de diamètre et des poussières.
Unités diverses
Un certain nombre d'unités ne soulèvent pas de
difficultés et il suffit d'en faire mention très
brièvement:
Unité de force: Le coup. Exemple: "Pousse un coup".
Unité de travail: le peu, quoi. Exemple: "Travaille un
peu, quoi".
Unité d'énergie cinétique: la raclée.
Unité d'électricité: La châtaigne.
Unité d'intensité lumineuse: La chandelle (par 36).
Certaines grandeurs n'ont pas d'unité de mesure car
leur existence même est mise un doute. Ce sont
La surface: On parle sans cesse de la surface
corrigée.
L'angle plat: La pifomètrie considérait bien
l'existence du coin mais compte tenu du fait que nul
n'hésite à placer quelque chose sur le coin de son
assiette, il est apparu que l'angle n'est qu'une
grandeur légendaire utilisée seulement pour la
commodité de la conversation.
Il existe bien d'autres unités, mais je suis obligé de
les éliminer car elles sont d'usage local ou leur
théorie n'est pas encore suffisamment au point pour
que la pifomètrie normalisée leur accorde droit de
cité. Par exemple: Le micro Machin, employé comme
unité de stupidité ne peut avoir cours que dans un
milieu où le dénommé Machin est connu. Elle n'a pas
donc les caractères d'ancienneté et d'universalité que
j'ai décrit et qu'exige le pifomètricien.
L'étude qui précède n'a nullement la prétention d'être
exhaustive et les progrès continus de la pifomètre
risquent de lui conférer rapidement une apparence
désuète. Mais il était cependant indispensable qu'elle
fût faite pour marquer une étape.
EXTRAITS DE
LA REVUE "L'HYDROCARBURE" N° 191
Humour et métrologie
Le système pifométrique
Par Jean Blanchard
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