La fortune du clan en France serait essentiellement immobilière. Elle comprend deux hôtels particuliers parisiens, acquis l'an dernier, un chalet à Courchevel et des villas sur la Côte d'Azur.
C'est bien le président Ben Ali qui était attendu au Bourget vendredi 14 janvier. Une demi-compagnie de CRS, le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, la patronne de la police de l'air et des frontières et son adjoint avaient été dépêchés sur place, initialement pour accueillir le Président en fuite et son épouse. Après une longue attente, l'accès au sol français leur est refusé (sur ordre de l'Elysée?) alors qu'ils survolent la Sardaigne. Cap sur l'Arabie saoudite. Un peu plus tôt dans l'après-midi, Cyrine, une des trois filles de l'ex-président, était arrivée au Bourget à bord d'un jet privé flanquée de son mari, Marouane Mabrouk, de deux petites filles et de leur suite. Nasrine, 24 ans, la fille de Ben Ali et de sa seconde épouse, était arrivée à Paris la veille. Tout le monde prend la direction de Disneyland Paris pour un week-end discret. Mais la nouvelle de leur présence se répand comme une traînée de poudre, forçant les autorités à réagir: la famille est priée de plier bagage et de quitter la France avant samedi 14 heures. Le départ se fera finalement dans la soirée et à destination d'un pays arabe, probablement le Qatar. Les rêves de retraite dorée à Paris des Ben Ali se sont évanouis en quelques heures.
Le clan pensait pourtant avoir tout prévu. Ces derniers mois, l'épouse du Président et sa famille avaient effectué plusieurs opérations immobilières d'envergure comme si elle et les siens préparaient déjà l'après-Ben Ali sur le sol français. La révolution de jasmin aura été plus rapide que la maladie du Président.
En septembre dernier, Leïla s'est offert un somptueux hôtel particulier avenue Foch, dans le XVIe arrondissement, acheté au nom de Mohamed, presque 6 ans, son unique fils, le petit empereur choyé du clan. Deux mois plus tôt, le mari de Nesrine, Mohamed Sakhr el-Materi, 30 ans, avait dépensé 37 millions d'euros pour un prestigieux hôtel particulier du Marais. Les Trabelsi détiendraient en outre plusieurs appartements haussmanniens à Paris. La famille serait également propriétaire d'un chalet à Courchevel et d'une, voire deux villas, sur la Côte d'Azur. A l'été 2008, tout le clan s'était retrouvé à Saint-Tropez pour les vacances.
Si l'essentiel des placements semble concerner des biens immobiliers, les Ben Ali disposeraient aussi d'une solide fortune répartie sur divers comptes en banque à Paris, soit dans des banques françaises, soit dans des succursales parisiennes de banques tunisiennes et suisses.
Pour l'heure, malgré les déclarations de Christine Lagarde sur la volonté de Paris de faire preuve de la plus extrême vigilance sur d'éventuels mouvements financiers autour des Ben Ali, rien n'empêche juridiquement les titulaires des comptes de disposer de leur argent. Dès la fin de la semaine dernière, Tracfin, la cellule antiblanchiment de Bercy, a demandé aux banques de signaler tous les mouvements sur les comptes identifiés des deux familles. En cas de nécessité, Tracfin pourrait prendre des mesures de blocage sur ces comptes pendant quarante-huit heures maximum. En outre, la ministre de l'Economie déclarait mardi à l'Assemblée nationale avoir demandé à Tracfin de «saisir les notaires et les avocats pour qu'ils exercent une vigilance absolue sur les actifs appartenant de près ou de loin à la famille Ben Ali». En d'autres termes, que la famille ne puisse pas vendre des biens en toute discrétion.
L'affaire risque de se déplacer rapidement sur le front judiciaire. Trois ONG, Transparency International, Sherpa et la Commission arabe des droits humains ont déposé plainte lundi soir auprès du parquet de Paris pour détournement de fonds publics. «Notre objectif, explique Daniel Lebègue, de Transparency, est triple: identifier de manière précise les actifs et l'état des comptes des Ben Ali, obtenir un gel durable de ces biens grâce à une décision de justice, et enfin, restituer ces biens détournés à l'Etat tunisien.»
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