Article paru dans "Le Point" 21/12/2010
Le difficile retour à la réalité des 33 mineurs chiliens
C'est sans aucun doute l'un des évènements les plus marquants de 2010. Le magazine Time en a d'ailleurs intégré les acteurs dans son classement des personnalités de l'année. En octobre, devant les caméras du monde entier, 33 mineurs sortaient vivants de la mine San José après 70 jours de captivité. Aujourd'hui, ils peinent à faire un pas dans la rue sans qu'on les arrête pour une photo.
Une célébrité qu'ils savent monnayer. Interview ou acte de présence, l'engouement autour des "33", comme on les surnomme au Chili, n'est pas encore tout à fait retombé. Deux mois après leur incroyable sauvetage, les mineurs passent ainsi les fêtes de Noël en Israël, sur invitation du gouvernement. A l'instar de l'État hébreu, d'autres destinations touristiques comme Saint-Domingue et la Grèce espèrent les recevoir pour s'offrir un beau coup de publicité. Auparavant, cinq mineurs, dont leur chef Luis Urzua, ont voyagé en Chine, le fabricant d'une grue qui a participé à leur sauvetage les ayant conviés à un salon de l'industrie.
Jalousies
Sur les plateaux télé aussi, les nouveaux héros font encore leur show. Ce fut, par exemple, le cas en novembre pour Edison Pena. Celui qui du fond de la mine chantait Elvis Presley à ses compagnons de mésaventure a été reçu par David Letterman sur CBS, où il a repris un tube de son idole. Avant d'être reçu - tous frais payés - à Graceland, l'ancienne résidence d'Elvis située à Memphis.
Mais quelques bémols viennent troubler cette euphorie. D'abord parce que cette célébrité nouvelle suscite aussi la jalousie, au point de causer l'éclatement de certaines familles. Ainsi celle de Claudio Yáñez. Il s'est marié, comme promis au fond de la mine, avec sa compagne Cristina, mais il n'a pas invité sa propre mère à la fête. "Il nous a dit que, pour lui, nous étions comme morts", s'attriste-t-elle. Le petit frère de Claudio Yáñez a vengé sa mère : il a frappé l'ex-mineur sur la place du centre-ville de Copiapo, alors qu'il se faisait prendre en photo en échange de deux mille pesos (3 euros).
Coaching
Surtout, à l'exception notable de Carlos Mamani, la plupart des 33 se cherchent encore un futur professionnel. Le seul Bolivien du groupe des 33 s'est vu offrir dès sa sortie, par Evo Morales, un poste de chef de transports payé environ 750 euros. Les autres devront trouver d'autant plus vite qu'ils ne reçoivent aucun revenu régulier. Ils bénéficient jusqu'au mois de mars prochain de leurs congés maladie et peuvent compter sur les 7.500 euros que leur a offerts le milliardaire chilien Leonardo Farkas. Mais "ce pécule commence à s'épuiser", se plaint Mario Sepulveda, le plus extraverti des 33, à la télévision chilienne. Avec ses blagues, c'est lui qui a remonté le moral de ses collègues durant la longue attente à 700 mètres sous terre. Il rêve désormais d'être présentateur de télévision. Il s'est installé à Santiago, mais n'a encore reçu aucune offre ferme. "Si je ne retourne pas à la mine, je veux travailler dans la construction", se résigne-t-il
Mais c'est peut-être finalement en continuant d'exploiter leur mésaventure que "les 33" s'en sortiront. Mario Sepulveda et Omar Reygadas l'ont compris, qui, devant les étudiants de l'université Santo Tomas, à Santiago, ont donné une conférence sur le thème "Le pouvoir de la volonté pour atteindre de grands objectifs". Dans le même genre, Franklin Lobos, ancien joueur de football qui transportait les mineurs au moment de l'accident, a été invité par la Fédération internationale de football association (FIFA) à partager son expérience. Coach expert en motivation : ne serait-ce finalement pas le bon filon professionnel pour les 33 ?
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