Philippe Bouvard
Actualité Juive : Humoriste, journaliste, homme de radio et de télévision, écrivain, découvreur de talents...
Philippe Bouvard : Il manque abonné au gaz ! Je préfèrerais que l’on use d’un néologisme que j’ai forgé à mon propre usage et qui est celui «d’humoraliste», sachant que je suis avant tout journaliste. Je suis devenu humoriste parce que les spectacles que j’étais amené à voir appelaient une distanciation humoristique. L’âge venant, je suis devenu moraliste car il fallait bien tirer la morale de tout cela !
A.J. : Quelle est votre plus grande fierté ?
P.B. : «Fierté» me semble un peu outré pour les petites performances dont on peut me créditer. Je dirais qu’il y a de quoi être satisfait d’autant que ma vie avait commencé par des études poursuivies sans jamais être rattrapées. Je n’ai rien fichu jusqu’à ma vingtième année et je suis depuis aux travaux forcés, peine librement acceptée parce que j’exerce des métiers qui sont aussi des passions.
A.J. : Pourquoi, dans ce livre, avoir choisi de vous enterrer ?
P.B. : Je me suis réveillé une nuit avec une idée, dans le droit-fil d’une angoisse métaphysique déjà ancienne : que devient-on lorsque l’on disparaît et à quelle vie, même végétative, peut-on prétendre ? C’est alors que j’ai décidé de raconter ma survie, à travers un roman d’anticipation, un essai sur la mort. J’imaginais que, dans la solitude du tombeau et nonobstant les précautions que j’avais prises d’avoir emporté un Dictaphone et un micro branché sur l’extérieur, j’avais oublié la télévision. J’avais le sentiment de ne pouvoir tromper ma solitude qu’en me «repassant» les vidéos de ma vie ! Par ailleurs, la vie du défunt m’est apparue très répétitive, quand bien même j’y introduisais un brin de fantaisie, d’où la nécessité de prévoir des plans de coupe sous la forme de la vie d’avant dans la vie d’après.
A.J. : Les femmes, l’amour du jeu et du luxe... N’eût été votre «agnosticisme de mécréant», ce livre pourrait passer pour un acte de contrition...
P.B. : Je vous suis reconnaissant de ne pas parler d’athéisme. Je vais vous raconter une histoire, véritable leçon de judéité. L’été dernier, à Cannes, j’aperçois un vieux rabbin devant la gare. Il vient vers moi et n’y voit pas très bien. «Je cherche la Croisette». Je lui indique le chemin. «Ne seriez-vous pas Monsieur Bouvard ?». Ce qui tend à prouver qu’il n’était pas totalement aveugle. «Oui, Monsieur le rabbin». «Savez-vous» me dit-il, «que notre communauté vous aime beaucoup ?» «Monsieur le rabbin, si elle m’aime beaucoup, c’est qu’elle doit sentir que j’ai certaines attaches familiales avec elle. Mais je m’empresse de vous dire que je ne crois pas en D’ieu». Et là, cette réponse fabuleuse : «Vous avez tort, Monsieur Bouvard, car c’est D’ieu qui a permis qu’un juif demande par hasard son chemin à un autre juif». J’ai été très ému, à la fois par la spontanéité et l’esprit de la réplique, et par ce côté mystérieux qui peut établir des liens entre des gens qui ont des origines communes.
A.J. : L’évocation de votre judéité est presque un scoop...
P.B. : Je me suis interrogé sur cette discrétion. Je ne suis pas du tout honteux d’être juif mais je ne vois pas de raison de le clamer. Mon attitude s’explique par le fait que durant l’Occupation, je m’étais plutôt caché de l’être et que j’avais très mal vécu ces quatre années de déménagements incessants et de déportation de ma famille. J’avais aussi très peur des remontées périodiques de l’antisémitisme. Je ne suis d’ailleurs pas entièrement rassuré. À l’âge du bilan, j’ai décidé de ne plus me cacher derrière un baptême catholique qui n’a pas fait de moi un pratiquant.
A.J. : Quelles sont vos origines ?
P.B. : Ma mère s’appelait Gensburger et était d’origine alsacienne. Elle s’est remariée avec un juif, petit-fils de rabbin, d’origine lorraine par sa mère et italienne par son père. Il était tailleur. Enfant, j’avais des pantalons sur mesure. Plus tard, j’ai habillé mes contemporains à ma façon !
A.J. : Avez-vous reçu une éducation religieuse ?
P.B. : Aucune. Mes parents m’ont dit : «Tu choisiras quand tu seras plus grand». On ne choisit rien. J’ai épousé une jeune fille catholique et je me suis marié à l’église.
A.J. : Quel est votre lien à la communauté ?
P.B. : Il me semble que les juifs partagent la disposition d’une certaine forme d’intelligence que j’appelle «l’intelligence sémite» et que je juge différente des autres. Pas forcément supérieure -encore que !- mais une intelligence qui ne cesse d’aller de l’abstrait au concret et qui a des facultés d’adaptation. Mais quand on appartient à un peuple voué à l’exil, mieux vaut avoir ces capacités d’adaptation !
Propos recueillis par Carol Binder
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