jeudi 15 novembre 2018

”On ne sait pas comment se projeter” Yves Bounan....


Yves Bounan est le président de la communauté de Toulouse. Avec ses 18000 Juifs, Toulouse fait tristement office de symbole de l'antisémitisme depuis le terrible attentat à l'école Otzar Hatorah dans lequel, les enfants Myriam Monsonégo, Arié, Gabriel Sandler et leur père Yonathan H'yd, ont été assassinés.

Le P’tit Hebdo: Vous sentez-vous libre en tant que Juif à Toulouse aujourd’hui?
Yves Bounan: Oui, on peut tout à fait mener une vie normale en tant que Juif à Toulouse en 2018. Nous avons de nombreuses synagogues, qui fonctionnent toutes, des écoles, des commerces. La communauté vit convenablement.
Ceci étant dit, on ne peut nier le fait que la situation est différente de celle des années 70 ou 80. Nous devons maintenant faire plus attention à notre intégrité physique. Il est peu recommandé de se promener seul lorsque l’on porte une kippa sur la tête, nos Rabbins se font régulièrement apostrophés.

Lph: Cela veut-il dire que vous vivez convenablement, mais que pour cela, il faut mieux rester discret?
Y.B.: Nous n’en sommes pas encore à devoir nous cacher. Mais il est très difficile de se résigner à voir des militaires devant nos écoles et nos synagogues. En réalité, nous sommes aussi les victimes d’une société de plus en plus violente. Aujourd’hui une personne peut se faire poignarder parce qu’elle n’a pas de cigarette à donner. On le voit à travers toute la France, les agressions en général et antisémites en particulier, sont devenues plus violentes.
Lph: Votre communauté a été violemment frappée avec l’attentat à Ozar Hatorah. Est-elle parvenue à panser ses plaies?
Y.B.: Les cinq années qui ont suivi l’attentat ont été très difficiles pour la communauté toulousaine. Notre sensibilité a été exacerbée. Lorsque l’on entend des nouvelles comme l’attentat à Pittsburgh, cela ravive nos plaies. Nous avons mis du temps à nous en remettre, et aujourd’hui encore ce n’est pas évident.
Mais la communauté toulousaine est dynamique, les gens se déplacent pour les manifestations communautaires. Nous faisons en sorte que le noyau de fidèles puisse s’épanouir, être rassuré. Nous proposons des activités, des conférences, nous avons ouvert un nouveau mikvé et restaurer l’ancien, nos synagogues sont bien entretenues. Nous avançons.
Lph: La communauté toulousaine est-elle, comme beaucoup en France, en déclin numériquement?
Y.B.: Nous avons des couples qui se marient, des naissances. Mais pas suffisamment pour compenser les décès et nos jeunes sont nombreux à partir vers Paris notamment. La plupart le font pour des raisons professionnelles et économiques, mais ces dernières années, l’aspect sécuritaire rentre aussi en compte.
A cela s’ajoute les départs vers Israël qui sont souvent le fait de piliers de la communauté. Nous comprenons leur envie de vivre leur judaïsme pleinement dans cette démarche d’alya. Après l’attentat, beaucoup de familles avec des jeunes enfants ont fait leur alya: ils étaient 700 à avoir quitté Toulouse. Aujourd’hui, certes les chiffres sont retombés au niveau que l’on connaissait avant 2013, mais ils sont encore beaucoup à préparer leur alya. L’argument que l’on retrouve est celui de garantir un avenir à leurs enfants et bien entendu, le sentiment d’insécurité ressenti en France ces dernières années, pèse dans la balance.

                                                                                              Lph: Comment voyez-vous la communauté toulousaine dans les dix prochaines années?
Y.B.: Je ne sais pas quelle serait notre capacité de résilience si nous devions revivre un drame comme celui d’Ozar Hatorah. Et malheureusement, nous savons que cela peut se produire. A vrai dire, on ne sait pas, aujourd’hui, comment se projeter.

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