mardi 6 février 2018

Goldnadel : «Le premier devoir de l’homme est de protéger ses enfants innocents»


Gilles-William Goldnadel s’insurge contre la condamnation de la France par la CEDH, qui reproche aux autorités d’avoir expulsé un terroriste sans se soucier suffisamment de ses droits. Au nom de quelle morale le droit des ennemis supplante-t-il le devoir de protéger ses proches ?

Ainsi, la France vient d’être condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour avoir précipité en 2015 l’expulsion vers son pays d’un Algérien condamné pour terrorisme afin de l’empêcher d’exercer pleinement son droit de recours à résider en France.
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Pour motiver cette décision, la juridiction strasbourgeoise indique que les rapports du Comité des Nations Unies contre la torture et plusieurs ONG décrivent une situation «préoccupante» en Algérie concernant le sort réservé aux personnes liées au «terrorisme international».
Cette situation «préoccupante» documentée par l’impartiale ONU et les ONG révérées, nous fait déjà trembler.
Concernant le requérant triomphant, celui-ci avait été impliqué dans des mouvements islamistes en Algérie durant les années 90, avant de rejoindre la France où il a été condamné à sept ans de prison en 2006 pour son implication dans un réseau de recrutement de combattants islamistes qui avaient préparé un attentat à Paris. La condamnation de cet individu était assortie d’une interdiction du territoire français contre laquelle celui-ci a introduit un recours, rejeté pour des raisons de procédure par la Cour de Strasbourg, puis une demande d’asile en France également rejetée en février 2015.
La CEDH semble moins préoccupée par la difficulté pour les autorités françaises de relever le défi terroriste.
C’est donc dans ces conditions parfaitement légales que les autorités françaises, en période d’attentats, l’ont placé sans désemparer dans un avion sept heures après la notification du rejet sans que la Cour, qu’il avait de nouveau saisie, ait le temps d’inviter éventuellement la France à surseoir à son expulsion dans l’attente d’un examen de son cas. La Cour européenne, décidément très sensible, est irritée par le fait que la décision de refus de demande d’asile du 17 février n’a été notifiée au requérant que le 20 février, alors que les modalités de son transport avaient déjà été retenues et qu’un laissez-passer avait été délivré par les autorités algériennes. Pour les juges européens «les autorités françaises ont créé des conditions dans lesquelles le requérant ne pouvait que «très difficilement» saisir la Cour d’une seconde demande de mesures provisoires. Elles ont délibérément et de manière irréversible, «amoindri» le niveau de protection des droits énoncés par la Convention Européenne des Droits de l’Homme». Vous avez bien lu: les juges européens n’écrivent pas que la France a commis des actes illégaux mais qu’elle a rendu plus difficiles les recours du terroriste avéré à vouloir rester en France en dépit de décisions de justice. Il faut reconnaître qu’une telle personne méritait une sollicitude particulière, et l’on comprend l’attention de la Cour pour sa situation «préoccupante» en Algérie. Quant à la difficulté pour les autorités françaises de relever le défi terroriste, la Cour européenne semble moins préoccupée.
Dans le même temps, nous apprenions qu’à Calais, des migrants afghans (dont certains, à en croire Yann Moix déclamant Victor Hugo dans la langue de l’auteur des Châtiments) tirent à balles réelles sur des migrants érythréens.
Toujours dans le même temps, le Guardian du 31 janvier rapportait qu’Interpol se préoccupe de ce que 50 personnes suspectées d’être des combattants de l’État islamique, toutes de nationalité tunisienne, soient arrivées en Italie par la mer. Selon Interpol, ces Tunisiens avaient accosté en Sicile entre juillet et octobre 2017 à bord de bateaux de pêche ou d’embarcations abandonnées. Toujours selon Interpol, «l’un d’entre eux aurait pu déjà traverser la frontière italo-française, pour atteindre le Gard»…
Dans le même temps, une bataille médiatique est en train d’être menée progressivement pour tenter de persuader une partie de l’opinion publique française que la France serait bien inspirée, pour des raisons juridiques et morales, de juger sur son sol ses djihadistes partis combattre en Syrie plutôt que d’en laisser le soin aux autorités locales dont le Code pénal prévoit la peine capitale.
La lecture de ce qui précède devrait susciter à tout homme de raison une déclinaison de sentiments colorés allant de la blanche sidération à la colère noire.
Commençons par quelques considérations juridiques. La France n’a en rien attenté à la loi interne ou internationale. Les juges européens, dans leur extrême sollicitude pour le terroriste, considèrent seulement que sa célérité à l’expulser a rendu plus malaisés ses nouveaux recours éventuels.
Les juges européens se sont basés sur l’ONU ou sur les ONG pour considérer que la situation des terroristes en Algérie était «préoccupante». Il est dommage qu’ils n’aient pas demandé un rapport sur la situation de la population civile en France en 2015.
Il est certain que la clé de voûte d’une société civilisée repose sur le respect de la règle de droit.
Mais le respect n’est pas la dévotion mystique et encore moins la bigoterie à géométrie variable.
Rien n’est plus étranger à la morale humaine que la morale artificielle.
Les faux dévots légalistes acquis à la religion des droits de l’homme qui applaudissent onctueusement les décisions à la mode de Strasbourg sont les mêmes qui ne voient pas d’inconvénients à ce que les lois républicaines sur l’entrée et le séjour sur le territoire de la République soient foulées aux pieds. Idem quant au respect de la légalité des frontières-gruyères européennes. Et c’est la même Cour européenne dévouée aux droits de l’homme qui rend pratiquement impossible l’exercice étatique de leur respect en multipliant les obstacles juridiques.
Les faux dévots qui craignent pour la vie des djihadistes détenus en Syrie en raison de la possibilité de les voir encourir légalement la peine de mort siègent dans le même camp idéologique que ceux qui regardent avec une infinie compréhension les grands massacres commis par les régimes révolutionnaires de 1793 jusqu’à Che Guevara. Ces pervers paradoxaux n’acceptent la peine de mort que lorsqu’elle frappe les innocents.
Et je ne crains à présent pas d’écrire que le sort d’un djihadiste français en Syrie – que je peine à prendre pour un compatriote puisque j’aurais souhaité qu’il soit déchu de sa nationalité – ne me préoccupe pas davantage que celui d’un trafiquant de drogue en Iran menacé lui aussi par la peine capitale.
Rien n’est plus étranger à la morale humaine que la morale artificielle. Rien n’est plus étranger à l’humanité vraie que de réserver sa sollicitude première pour la méchante altérité au nom de principes dont on a oublié jusqu’au sens.
Le premier devoir de l’homme est de protéger ses enfants innocents. Lorsque la prétendue Cour européenne «des droits de l’homme» met en danger nos propres enfants en oubliant jusqu’au principe de réalité, elle bafoue ceux-ci plutôt que de les honorer.
Il est du droit de l’homme de se rebeller contre l’ordre devenu injuste.
Il est aussi du devoir du citoyen français de s’interroger sur la conformité de la Cour européenne avec le droit des hommes.
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Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation du Figaro Vox.

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