dimanche 13 novembre 2016

Verdun-Bataclan, 100 ans de médecine de guerre....


Une affiche illustrée par la photo d'un blessé évacué dans la boue des tranchées et, en médaillon, celle des ambulances devant le Bataclan, le 13 novembre 2015. L'exposition temporaire « Les secours aux blessés et aux victimes » au mémorial de Verdun retrace l'évolution des pratiques de la médecine d'urgence depuis la Première Guerre mondiale jusqu'aux conflits et événements contemporains (*). 

C'est au lendemain d'août 1914 et d'un carnage auquel personne ne s'attendait que la prise en charge des blessés change radicalement. Les médecins étaient pourtant prêts à les accueillir, mais dans les hôpitaux de l'arrière où ils ne parviennent qu'après parfois plusieurs jours de voyage en train. 

Quand on ouvre leurs portes, c'est l'odeur putride de la mort qui saute au visage des infirmiers. La plupart des soldats sont décédés d'infection ou du tétanos durant le long trajet. Autant de victimes à ajouter au plus lourd bilan jamais enregistré par les armées françaises. 22 000 morts dans la seule journée du 22 août, dues aux ravages de l'artillerie lourde allemande et des mitrailleuses, largement employées.

Soigner le blessé sur le champ de bataille

Dès septembre, une nouvelle doctrine est établie. Il faudra soigner le blessé au plus près de l'endroit où il a été touché, sur le champ de bataille lui-même, avant de l'évacuer vers une série d'hôpitaux de campagne établis tout au long du trajet qu'il empruntera ensuite pour rejoindre un établissement de soins de l'arrière. Ce que les médecins sont en train d'inventer, c'est le « damage control », une prise en charge des blessés qui n'a pas cessé d'évoluer depuis et est employée aujourd'hui à chaque attentat. 
La différence ? Le peu de moyens dont disposent les médecins de l'époque. Si les premiers appareils de radiographie sont apparus dans quelques hôpitaux parisiens, ils fonctionnent le plus souvent sur groupe électrogène, peu d'établissements étant reliés au réseau électrique. Pas d'antibiotiques non plus. Ils ne seront utilisés que durant le deuxième conflit mondial. La plupart des blessés meurent donc encore d'infection, comme durant les guerres napoléoniennes. Mais les autorités sanitaires de l'époque croyaient aux « munitions humanitaires », des balles propres se contentant de traverser le corps de part en part sans salir les tissus. Lourde erreur. D'autant que, contrairement aux prévisions, neuf blessés sur dix le sont par des éclats d'obus.
 Il n’y avait rien pour déchoquer les malades 
Pour les jeunes médecins envoyés au plus près des blessés, soigner dans les abris de fortune relève de l'horreur comme le raconte l'un d'entre eux, Louis Maufrais, en décrivant le poste de Bagatelle durant la bataille d'Argonne en juillet 1915 : « À gauche de la porte, on voit deux morts en plein soleil recouverts d'une toile de tente. (…) En entrant, je ne distingue que quelques bougies et deux lampes à acétylène.(...) Ce n'est que plaintes interminables. Le plus difficile est de pouvoir mettre un pied entre les jambes d'un gars et un genou sous l'aisselle d'un autre pour en soigner un troisième. » Le lendemain, un obus tombe non loin « réduisant quatre hommes en morceaux ». Dans les hôpitaux proches du front, les médecins sont également désemparés. « Il n'y avait rien pour déchoquer les malades, on pouvait les réchauffer avec des rampes de lampes électriques, c'était tout. » 
Ambulances, postes de secours, chirurgie au plus près des lieux de bataille, tout est mis en œuvre pour sauver le maximum d'hommes, destinés à être renvoyés au combat au plus tôt. Marie Curie, déjà deux fois Prix Nobel, se rend dans les zones d'affrontements et crée des unités radiologiques mobiles, une vingtaine d'ambulances, surnommées « les petites Curies ». 
En 1916, un produit anglais, le Dakin, sera utilisé selon une méthode d'irrigation permanente des plaies inventée par le Prix Nobel Alexis Carel et, plus tard, ce seront les débuts de la transfusion, de la chirurgie maxillo-faciale pour les gueules cassées enfin de la psychiatrie de guerre.

Sauver des vies sur les lieux des attentats

Le 13 novembre 2015, à Paris, les moyens sont démesurés à côté de la misère que connaissaient médecins et blessés de la Grande Guerre. Ce que pratiquent les secours ce vendredi porte le nom de damage control préhospitalier, concept de soins permettant de sauver des vies sur les lieux des attentats et d'améliorer la survie finale des blessés. 
L'analyse systématique des causes de décès survenus chez des militaires américains en Irak et en Afghanistan a montré que près de 90 % des décès au combat surviennent dans la première heure après la blessure et qu'un quart d'entre eux sont dus à des causes potentiellement curables : neuf fois sur dix, la mort est liée à une hémorragie, une fois sur dix à une insuffisance respiratoire. 
Les secours médicaux pratiquent donc, sur le terrain, avant l'hospitalisation, des soins précis sur les blessés d'une fusillade. Ils sont le prolongement d'une mise en œuvre aujourd'hui éprouvée, depuis plusieurs années, dans les murs d'un hôpital, avec son plateau technique et son personnel spécialisé, des procédures dites de damage control en réanimation et en chirurgie. Elles consistent pour les réanimateurs à arrêter les hémorragies en garrottant et en maintenant la pression artérielle à un niveau peu élevé, à lutter contre les troubles de la coagulation en utilisant des médicaments et en réchauffant le blessé, enfin, à le transfuser précocement. 
Pour le chirurgien, il s'agit de sauver le blessé en contrôlant les foyers hémorragiques, en prévenant les infections et en fermant les brèches aériennes. L'opération peut être menée parfaitement et complètement, comme en temps de paix, ou de façon plus succincte, quitte à réintervenir dans un deuxième temps, si l'état général du patient est trop critique pour supporter une longue opération ou s'il faut libérer le bloc opératoire pour traiter des blessés en série.

Les médecins du Raid doivent pénétrer dans la zone de combat

Mais pour mettre en œuvre le damage control préhospitalier, encore faut-il accéder aux soldats blessés sur les théâtres de conflits ou aux otages et aux victimes des actes terroristes menées avec des armes et des explosifs de guerre. C'est ce qui est enseigné sous les noms de « médecine sous le feu tactique » ou « sauvetage au combat ». 
Les secours doivent alors se coordonner avec les forces de l'ordre civiles ou militaires. On ne soigne pas en zone de tirs ou d'explosion, tout juste est-il possible de procéder à quelques gestes de sauvetage, se cacher, se ou être garrotté, se poser ou se faire poser un pansement pour stopper une hémorragie. 
Les médecins militaires, ou ceux des unités antiterroristes spécialisées comme le Raid ou la BRI qui sont intervenus au Bataclan s'entraînent à pénétrer dans la zone de combat interdite à tout autre force de secours. Ces médecins de pénétration, protégés par des équipements balistiques lourds, aidés par des policiers eux-mêmes formés à cette tâche, casqués et vêtus de gilets pare-balles extraient les blessés, vers un deuxième point un peu plus sûr, mais toujours interdit aux secours civils, un nid de blessés. 
Un médecin de reprise peut y procéder à des gestes médicaux beaucoup plus évolués, intuber, exsuffler un pneumothorax qui asphyxie un blessé, perfuser, administrer des drogues anti-hémorragiques, antalgiques, etc. 
À partir de là, des routes d'évacuation les plus expresses possible, terrestres ou aériennes, vers un centre de polytraumatologie, sont organisées. Le 13 novembre, les pompiers et les Samu ont alors pris le relais des médecins des Robot-Cop. 
Ils ont été exemplaires. Mais du temps peut encore être gagné pour peut-être sauver une ou quelques vies de plus.
(*) Mémorial de Verdun, www.memorial-verdun.fr, jusqu'au 31 mars 2017

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