lundi 10 octobre 2016

Pourquoi parle-t-on de sexualité à Kippour ? ©


La sainteté du corps
Pour ma bar-mitzwah, j’ai reçu en cadeau le livre de prière de la fête de kippour (ashkénaze), avec traduction en français. La personne qui me fit ce présent avait eu une louable initiative. En effet, pour quelqu’un qui ne comprend pas l’hébreu (c’était mon cas à l’époque), être à même de suivre et de comprendre ce qui se passe à la synagogue ce jour saint entre tous est très important. Les décisionnaires ont même précisé que la confession (vidouï), que nous disons au total 26 fois au cours de ces 25 heures de kippour, doit être prononcée dans une langue que l’on comprend. Si le jour de kippour est un dialogue entre l’individu et Dieu, comment établir une conversation véritable si l’on ânonne des textes qui restent obscurs ?
Assez rapidement, je me suis aperçu que le seul passage des cinq prières qui n’était pas traduit était celui de la lecture de la Torah de l’office de l’après-midi (minha). Voilà qui semble assez étrange. Le principe de la lecture publique de la Torah consiste à faire connaître le contenu de la loi d’Israël à tout à chacun. Pourquoi donc priver les « ignorants » dont je faisais partie d’une découverte d’un passage de la parole divine ? Il se trouve que l’extrait qui est lu concerne les interdits sexuels (Lévitique, chapitre 18 dans son intégralité). Les responsables de l’édition française ont donc considéré qu’il y avait quelque chose de gênant, voir d’honteux, dans ce passage, et ils ont préféré le censurer afin de ne pas choquer les âmes innocentes !
Ce fait n’est pas isolé dans le Judaïsme d’aujourd’hui. Souvent, le sujet de la sexualité est escamoté, camouflé, parfois dans les milieux les plus pieux. Prenons un autre exemple francophone : dans la traduction de Rashipar le rabbinat, certains commentaires « sexuels » du maître du moyen-âge ont été purement et simplement « oubliés ». Mais si ce sujet est scabreux, voire honteux, pourquoi occupe-t-il une place centrale dans la liturgie du jour de Kippour ?
Abordons la réponse à travers un texte très intéressant du Maharal de Prague, dans son livre fameux « le puits de l’exil ». Rapportant un texte du Talmud parlant des relations sexuels des maîtres d’Israël, il écrit : « Beaucoup de philosophes, parmi ceux qui, à partir de leur seule intelligence poursuivent des investigations au sujet des créatures, soutiennent que tout ce qui touche aux relations entre les sexes est une chose honteuse et dégradante pour l’homme ; ils en viennent à conclure, avec une belle unanimité, que l’instinct sexuel est, pour nous, une chose honteuse.
C’est cette opinion que les Sages ont voulu réfuter, car elle est inconcevable pour la raison ; il est inconcevable que ce fondement de tout ce qui assure la perpétuation du monde, par le moyen de la reproduction, ait pour base un fait ignominieux. Plus encore, il ne serait pas digne de la Gloire de Dieu que ce qui est la base du monde fût fondé sur un instinct qui serait une honte ; car lorsque la base est viciée, tout ce qui est fondé sur elle s’écroule. C’est pourquoi il faut réfuter une telle opinion. Car il n’y a, dans le fait de l’union de l’homme avec son épouse, aucun aspect dégradant » (cinquième puits, traduction d’Edouard Gourévitch).
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Le Maharal, et avant lui tout une série de maîtres de la tradition juive, considérerait sans doute que nous vivons une période étrange. Tandis que la sexualité est devenue objet de consommation et d’abandon des principes moraux les plus élémentaires, ceux qui devraient combattre ce phénomène d’inversion des valeurs refusent de se mesurer avec le sujet, ou bien se contentent d’en parler par allusions discrètes comme s’il s’agissait là d’un sujet opposé aux principes du Judaïsme ! Mais la journée de kippour est justement là pour nous rappeler qu’il n’y a pas de sainteté de l’âme sans sainteté du corps. Nous nous abstenons de manger pour nous rappeler l’importance fondamentale de la nourriture, et que nous avons l’obligation de sanctifier notre manière de manger. De même, nous nous abstenons de relations intimes pendant kippour afin de nous rappeler l’importance positive de la sexualité dans la vie humaine, mais que celle-ci doit être sanctifiée également, sans fausse honte d’un côté, et, de l’autre, sans oubli des frontières qui séparent vie saine de la dépravation.
NDLR – L’attitude de l’homme qui respecte les règles relatives à la sexualité marque la différence entre l’animalité la plus bestiale et la spiritualité dans ce qu’il y a de plus intime en l’homme à savoir sa sexualité.
Cette relation n’est pas une relation avec un objet sexuel, mais avec sa propre « moitié » avec soi-même en quelque sorte. Aussi cette relation codifiée ne peut avoir lieu en dehors de ce cadre, et si la Torah ne l’avait pas inscrite comme base fondamentale, il n’est pas certain que l’homme aurait pris conscience par lui-même de cette exigence.
Dès lors, le jour du Kippour, jour qui nous renvoie à nous-mêmes, à notre spiritualité, et à notre intimité, nous renvoie aussi de facto à notre sexualité et nous met en garde dans l’intérêt de notre société contre les travers d’un comportement source de désordre social, conséquence inéluctable d’un désordre moral et spirituel. Ces injonctions nous mettent en garde le jour de Kippour, jour de notre introspection en vue de notre rédemption, pour nous conduire à la préservation de notre intégrité morale et spirituelle.
Il n’est plus la question simplement de nos rapports avec Dieu, ou avec quelqu’un d’autre que nous, mais de notre rapport avec nous-mêmes et celui ou celle partage notre existence au sens plein du terme. Une relation partagée et non subie, un acte en définitive fusionnel, qui nécessite le respect de soi et de l’autre, base essentielle d’une société Humaine. ( Moshé COHEN SABBAN)
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