jeudi 28 juillet 2016

COMMENT JESSE OWENS M'A SAUVÉE, MOI, ATHLÈTE, NOIRE, JUIVE ET PETITE-FILLE DE DÉPORTÉS, PAR RACHEL KHAN...


Par Rachel Khan, publié dans le Blog du Huffington Post le 27 juillet 2016
 
J'aime bien les années bissextiles. Car, au-delà du mot qui fait rire, qui dit année bissextile dit année olympique. Donc: esthétique, suspense et émotion à gogo alors que d'habitude à la télé au mois d'août, on s'ennuie un peu.
 
Les jeux s'inscrivent toujours dans un contexte. En 2016, il y a nos tourments planétaires face au terrorisme fou. Alors, les jeux cette année résonnent péniblement avec ceux de 1936, où la terreur du IIIème Reich insufflait déjà la haine des juifs.
 
Mais il y a 80 ans, face à la montée de l'horreur, un homme est entré dans l'histoire en 10 secondes. En pleine ségrégation raciale aux États-Unis, Jesse Owens (J.O. et oui), petit-fils d'esclaves, fait ce choix d'aller aux Jeux de Berlin et de gagner sous les yeux d'un Hitler quenellant de rage. Une victoire en réponse à l'innommable.
 
Du jamais vu, un noir quadruple médaillé d'or olympique, anéantissant aux yeux du monde les théories de race supérieure. Humiliation suprême du Führer en fureur qui nous reste à jamais. Merci.
 
Aujourd'hui 27 juillet sort ce film, "La couleur de la victoire", sur Jesse Owens, réalisé par Stephen Hopkins. Le courage et la prise de risque qu'il a fallu pour mener à bien un tel projet me donnent des frissons. Touchée, de voir enfin à l'écran une victoire commune des noirs, des juifs... des hommes... face à l'ignoble. Les Dieux du stade sont ceux qui rassemblent et non ceux qui divisent pour un règne perfide et éphémère.
 
Owens, l'homme le plus rapide du monde, a fait l'expérience de sa responsabilité en tant qu'être. C'est en cela qu'il m'a sauvée, moi, athlète noire, juive et petite-fille de déportée. Avant chacune de mes courses, seule, sur la ligne de départ, attendant le coup de feu ultime, j'avais Owens dans la peau et Berlin en tête... Ces jeux où l'on a privé les miens du stade olympique, parce que juifs.
 
Alors, comme Owens je me devais de courir.
 
Courir vite pour redonner au stade un peu de sa dignité après le Vel d'Hiv.
 
Courir vite, en finir avec le jugement des hommes pour ne prendre en compte que celui du chrono.
 
Courir vite, sentir les muscles, le sang qui monte aux tempes, le souffle, tout ce que nous avons de commun pour combattre les préjugés de l'homme contre l'humanité. Démontrer, dans cette liberté de quelques secondes, notre force, et par l'or s'offrir la dignité.
 
Courir vite, portée par une énergie immortelle, celle de mes parents, de mes grands-parents esclaves et rescapés des camps, celle qui me permet aujourd'hui d'être en vie.
 
Owens a fait que les jeux olympiques soient désormais une célébration. Ils nous rappellent que nous pouvons agir, forts d'une histoire que nous connaissons déjà contre les extrêmes et la barbarie. Il nous rappelle aussi que le sport trop souvent dénigré à l'école ou manipulé par des puissances économiques parfois lugubres, comporte en son sein des valeurs inestimables.
 
Aujourd'hui, alors que nous nous sentons tout petits face aux replis, aux intolérances de masse, aux ignorants, aux fous meurtriers, il y a l'art... et ce film. Owens incarné par Stephan James nous renvoie à notre puissance individuelle et collective de ne pas accepter de nous soumettre à certaines cases dans lesquelles on veut nous cantonner. Juifs, musulmans, catholiques, noirs, homosexuels, femmes... Les discriminations, l'injustice, l'effroyable quel qu'en soit le motif, nous concernent tous, qui que nous soyons, où que nous soyons... Lire l'intégralité.
 

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