Près de 1,5 million de dollars : c'est la somme pharaonique versée pour une montre fabriquée artisanalement, entièrement à la main.
« La montre » n'a pas de nom. Pour une fois, l'intérêt n'est pas ce qu'elle est, mais comment elle l'est devenue. La gestation plus que la création, le processus plus que le résultat. Pourquoi ? Parce que « la montre » a été réalisée intégralement à la main, selon des techniques 100 % artisanales, sans la moindre assistance industrielle.
Elle était devant la porte et, pourtant, très peu l'ont vue. Elle, c'est « la montre » que l'on pouvait apercevoir lors du dernier SIHH, le Salon international de la haute horlogerie de Genève, en janvier dernier. Le projet était piloté par la manufacture Greubel Forsey, qui l'exposait en toute discrétion dans un arrière-bureau de son stand.
Une pièce (presque) anonyme
L'objectif : préserver les savoir-faire artisanaux de l'horlogerie, ce fameux « tour de main » qui se perd au fil des générations, remplacé peu à peu par la production mécanisée et la conception assistée par ordinateur. Robert Greubel, Stephen Forsey et Philippe Dufour se sont donc associés à l'horloger parisien Michel Boulanger pour créer cette pièce manifeste d'une tradition menacée par la modernité. Chaque seconde, chaque étape de sa conception a donc été filmée et documentée. Objectif : sauvegarder ces connaissances pour les générations futures.
Un savoir-faire fragmenté
Ces générations futures sont, paradoxalement, l'un des soucis majeurs de l'horlogerie traditionnelle. Philippe Dufour, âme vivante de la bienfacture traditionnelle, souligne régulièrement le défaut de savoir-faire manuel des élèves qu'il prend sous son aile. L'enseignement horloger, lui, forme de plus en plus d'opérateurs spécialisés, au détriment d'horlogers complets. Les connaissances ne sont donc pas nécessairement réduites, mais fractionnées, diluées dans des programmes scolaires cloisonnés. Si bien qu'au final aucune jeune génération ne maîtrise l'art horloger dans son intégralité – et encore moins sans assistance électromécanique.
Trois aiguilles et un tourbillon en six ans
« Naissance d'une montre » aura duré six ans, de l'idée première jusqu'à la présentation de la pièce finie. L'architecture de cette montre est inspirée du style de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle ; elle est animée d'un mouvement trois aiguilles à remontage manuel régulé par un tourbillon, dans la tradition des pionniers horlogers Jacques-Frédéric Houriet ou Abraham-Louis Breguet. Afin de mettre en valeur le prestigieux échappement, l'équipe a opté pour un cadran décentré indiquant les heures et les minutes, dans une esthétique très « Greubel Forsey ». C'est la première pièce d'une série de onze.
Cet exceptionnel garde-temps, objet d'une estimation basse par Christie's à 450 000 dollars, a finalement été adjugé à 1 461 507 dollars le 30 mai dernier, soit plus du triple de cette estimation. Le produit de la vente aux enchères sera versé à la fondation Time æon à l'origine du projet afin d'assurer la transmission du savoir-faire de l'excellence horlogère au cours des prochaines années.




Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire