mercredi 10 février 2016

Les perles de la cour des comptes ....


Dans son rapport annuel, la Cour des comptes exhorte le gouvernement à ne pas se contenter de la croissance pour réduire le déficit et la dette.


Le rapport public annuel de la Cour des comptes recèle toujours nombre d'enquêtes édifiantes sur la gestion des deniers publics. Mais c'est aussi l'occasion pour l'institution indépendante sise rue Cambon, à Paris, tout près de la place de la Concorde, de faire le point sur la situation des comptes publics. Et malgré l'autosatisfecit du gouvernement, les magistrats montrent que la lutte contre les déficits est loin d'être gagnée d'avance.
En 2015, le gouvernement s'est enorgueilli d'avoir réduit les pertes de l'État de 4 milliards d'euros de plus que prévu en loi de finances. S'il reste à connaître la situation précise des collectivités locales et de la Sécurité sociale, l'objectif de réduction du déficit à 3,8 % du PIB (la richesse annuelle produite) devrait donc être tenu. « Les résultats devraient même être meilleurs que prévu », a reconnu le premier président socialiste de la Cour des comptes, Didier Migaud
L'ensemble des dépenses publiques devrait avoir été réduit de 0,5 point de PIB, ce qui n'est pas négligeable. Encore faudra-t-il vérifier que l'État a bien réduit ses dépenses sans avoir recours à des subterfuges comptables, comme cela avait été en partie le cas en 2014, la Cour n'ayant pas encore pu expertiser l'exécution budgétaire à ce stade de l'année.

Un rythme de réduction du déficit réduit

La tâche en 2015 était d'autant plus aisée que le déficit 2014 avait finalement atteint 3,9 % contre une prévision initiale de 4,4 %. L'année dernière, la réduction n'a donc été que de … 0,1 point. Et ce malgré une croissance - qui fait rentrer les recettes dans les caisses - qui a atteint 1,1 % contre 0,2 % l'année précédente.
Logiquement, la réduction du déficit structurel, celui qui ne dépend pas des variations de la croissance à court terme, a donc été limitée à 0,3 point. Un rythme bien inférieur à la moyenne de 1 point du PIB par an observée en moyenne entre 2011 et 2013 et 0,6 point du PIB en 2014.

Hausse de la dette publique

En clair, le gouvernement a largement relâché son effort budgétaire, notamment pour financer sa politique en faveur des entreprises avec la montée en charge du Crédit d'impôt compétitivité-emploi (Cice) et celle du pacte de responsabilité. Résultat, la dette publique devrait avoir augmenté de 0,7 point à 96,3 % du PIB, soit 2 100 milliards d'euros.
Qu'en est-il pour 2016 ? Le déficit devrait passer de 3,8 % du PIB à 3,3 % grâce à une croissance en hausse estimée à 1,5. L'effort est supérieur à 2015. Encore faudra-t-il le tenir. Côté recettes, la Cour des comptes pointe une hypothèse d'inflation trop élevée, ce qui devrait plomber les recettes fiscales indexées sur les prix (TVA, impôt sur le revenu) par rapport aux prévisions du gouvernement.

Une baisse des dépenses difficile à tenir en 2016

Mais le risque principal vient des dépenses publiques. La Cour s'inquiète comme chaque année de « sous-budgétisation chronique de certaines dépenses » de l'État, comme les « opérations extérieures » de l'armée ou encore les dépenses d'allocation adulte handicapé ou celles liées à la nouvelle prime d'activité. 
Mais les économies attendues sur la sécurité sociale grâce à la réforme des retraites complémentaires (1 milliard) et sur l'assurance chômage décidée par les syndicats et le patronat (800 millions d'euros) sont jugées un peu surestimées. Idem pour les collectivités locales qui devront répercuter presque intégralement la baisse des dotations de l'État sur leurs dépenses si elles veulent atteindre l'objectif fixé.

Des dépenses de personnel à la hausse

Et les dépenses de personnel de l'État repartent à la hausse. « L'objectif de croissance de la masse salariale programmée pour l'ensemble du budget triennal 2015-2017 (750 millions d'euros) sera dépassé dès 2016, alors que la masse salariale s'était quasiment stabilisée à périmètre constant entre 2011 et 2014. En effet, le renforcement décidé des effectifs de défense et de sécurité n'a pas été compensé par un ajustement des effectifs dans les autres ministères », regrette la Cour.
Résultat, les dépenses de l'État devraient, comme d'habitude, être respectées grâce à une « réserve de précaution » et des annulations de crédits en cours d'année. Un mode de gestion à la petite semaine qui empêche de rationaliser vraiment la dépense publique en faisant des choix. Heureusement, la dépense pourrait une nouvelle fois être contenue grâce à une charge d'intérêts sur la dette moins importante que celle prévue en loi de finances initiale.

Un relâchement en phase de reprise économique

Plus fondamentalement, la Cour s'inquiète d'une réduction du déficit bien trop dépendante du retour de la croissance. Le gouvernement a clairement relâché la réduction structurelle du déficit pour ne pas risquer de brider l'activité économique. Or, cela risque de réduire les marges de manœuvre de la politique budgétaire en cas de nouvelle crise. 
« Dans une phase de reprise économique, le déficit effectif peut s'améliorer grâce à un dynamisme conjoncturel, donc transitoire, des recettes publiques, soulignent les auteurs du rapport dans une synthèse. Dans le passé, des épisodes de reprise de la croissance ont ainsi conduit à relâcher les efforts de maîtrise de la dépense. Les objectifs de réduction du déficit structurel, au cœur des engagements européens de la France, doivent être maintenus ».
Un message qui ne semble pas pleinement entendu du côté du gouvernement. Grâce à la croissance, le ministre des Finances, Michel Sapin, espère pouvoir s'exonérer d'une règle de réduction du déficit structurel minimum de 0,5 point par an, du moment que les objectifs de déficits effectif sont atteints. Mais cette belle mécanique pourrait dérailler si la tempête financière qui s'annonce plombe les prévisions de croissance dans l'Hexagone.
La France ne serait alors plus en mesure de revenir sous la barre des 3 % de déficit en 2017, comme promis aux autres pays de la zone euro. Les règles budgétaires européennes obligeraient alors le gouvernement à prendre des mesures douloureuses d'ajustement, sous peine de sanctions financières. 
Des sanctions qui ne devraient frapper que le prochain locataire de l'Élysée qui aura à exécuter le budget 2017 de François Hollande… À moins que celui-ci ne se succède à lui-même, ce qui est loin d'être gagné.

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