jeudi 26 novembre 2015

Guerre au djihadisme : la France est-elle crédible? ©


Le Président François Hollande et d’autres hauts dirigeants français ont employé beaucoup de mots très fermes, après les terribles massacres de Paris le 13 novembre. “Même si la France est blessée, elle se relèvera”, a assure Hollande. “Même si nous sommes dans la douleur, rien ne pourra la détruire”. Il a aussi désigné ces massacres comme “un acte de guerre[1]”. Le Premier Ministre Manuel Valls a déclare : “Nous sommes en guerre”. Le gouvernement a ausitôt décrété “l’Etat d’Urgence”, qu’il a étendu à trois mois.
Le gouvernement français donne l’impression qu’il va entreprendre un vaste programme de lute contre l’Etat Islamique. Des avions français ont déjà bombardé la ville de Raqqa, la capitale de fait de cette organisation. En aparté, on doit néanmoins rappellé ici qu’à l’été 2014, un sondage a montré que 16% de la population française portait un regard positif sur l’Etat Islamique[2].
La France ou tout autre pays partant en guerre doit évaluer les forces en présence sur le champ de bataille. Dans une société postmoderne, il est radicalement différent des méthodes classiques de guerre et il n’a pas de zone géographique clairement définie. Le champ de bataille comprend un rassemblement disparate de nombreux individus aux intentions séditieuses. L’idéologie radicale musulmane se propage en France et partout ailleurs en Europe de l’Ouest. La variante imposée par l’Etat Islamique n’est jamais que l’une parmi tant d’autres.
Certains de ces terroristes provenaient du quartier de Molenbeek, un foyer de radicalisme musulman situé en plein Bruxelles. Le gouvernement belge a reconnu avoir complètement perdu le contrôle de ce secteur[3]. La France a temporairement fermé ses frontières. Cependant, instaurer des contrôles permanents des frontières est un prérequis pour tout combat efficace contre les Musulmans radicalisés. Une telle mesure sapera inévitablement les accords d’ouverture des frontières de Schengen, l’une des principales réalisations de l’UE.
Les dirigeants français n’ont donné aucune indication, dans ce que nous avons pu entendre jusqu’à présent, de la façon dont le pays a l’intention de couvrir la totalité du champ de bataille. Tout au contraire, après les attentats de janvier 2015 et l’assassinat des journalistes de Charlie-Hebdo et des Juifs de la superette HyperCacher, Hollande déclarait, sans l’ombre d’un doute : “Ces fanatiques n’ont rien à voir avec la religion musulmane[4]”. Il prétendait ainsi, de façon absurde que quand un Musulman ayant l’intention claire de tuer, pousse son cri de guerre : “Allahu Akbar”, cela n’a strictement rien à voir avec l’Islam. Valls s’était exprimé avec un accent encore plus véridique, en mentionnant les ghettos des minorités, à l’époque. Il avait affirmé qu’il existe “un Apartheid territorial, ethnique et social”, séparant ces quartiers du reste de la France[5].
Les derniers attentats posent un problème bien plus considérable que celui auquel la France était déjà confrontée, en janvier de cette année, puisque la cible n’est, de toute évidence, plus limitée à quelques journalistes ironiques et aux Juifs. C’est la globalité de la France –et par extension, de l’Europe- sa population et sa culture qui fait l’objet de l’attaque.
Les problèmes au sein de la communauté musulmane française comportent de nombreux aspects, comme l’a, par exemple, souligné une étude de Gilles Kepel[6]. Il est probable que seulement un petit pourcentage d’anti-démocrates parmi les Musulmans de France nourrit actuellement des intentions terroristes. Cependant, bien plus sont susceptibles de se radicaliser et doivent, par conséquent, être perçus comme des terroristes potentiels. 
Parvenir à convaincre un peu plus de dirigeants communautaires musulmans de France de condamner ces meurtres sans ambiguïté ne va sans doute pas faire avancer la question.  La véritable guerre postmoderne contre les Musulmans violents et d’autres groupes antidémocrates requiert un vrai plan directeur qui va bien au-delà de mesures intérimaires comme la fermeture de quelques mosquées radicales. Cela signifie qu’il faut reconquérir les territoires perdus de la société et des villes françaises, un plan d’action équivalant à l’élimination de zones urbaines définies, qui sont actuellement sous la tutelle, à toutes fins pratiques, des lois de la Chari’a et où la loi générale française a été progressivement marginalisée. 
Cela voudrait dire la fin des “zones de non-droit” où la police ne peut entrer qu’en grand nombre sur une base “ponctuelle” ou “ad’hoc”.
Déclarer explicitement que ce contrôle gouvernemental va devoir être restauré dans les enclaves musulmanes devenues quasiment indépendantes, pourrait relever du sacrilège pour un homme politique socialiste en France. Ce n’est pas la conséquence d’une conspiration du silence, de la part du gouvernement français et des médias politiquement corrects. Une telle politique d’évitement tient ses origines dans quelque chose de bien plus insidieux : il s’agit d’un nettoyage de l’expression publique encourage par les principaux acteurs sociopolitiques de l’appareil d’Etat. L’absence de toute mention claire des problèmes spécifiquement générés par la population musulmane française et par l’Islam vaut pour un blanc-seing à la croyance erronée que de tels problèmes ne sont pas essentiels.
S’il a vraiment pour but de mener la guerre qu’il a déclarée contre le terrorisme, le gouvernement doit définir le champ de bataille. Cela requiert des déclarations qui, dans le contexte français, ne peuvent être perçus que comme extrémistes. Elles se résument à  : “Dans le but de combattre efficacement contre l’Etat Islamique, nous devons réévaluer systématiquement ce qui ne va pas dans la société française, en mettant l’accent sur sa composante musulmane. Nous allons traiter ces problèmes par tous les moyens et aussi longtemps que cela prendra, de façon systématique. Nous savons que si nous ne le faisons pas, nous devons nous attendre à encore plus de problèmes”.
En France, il y a des forces importantes qui ne font pas partie de l’appareil, mais qui sont propulsés un peu plus en avant par les massacres. La principale est celle représentée par le Front National de Marine Le Pen. Ses dirigeants n’ont aucun problème pour souligner leur vision très différente et parfois raciste, sur ce qui ne va pas dans la société musulmane française.
Il est probablement encore trop tôt pour détecter un changement dans le vote populaire envers ce parti, au cours des élections régionales à venir, en début décembre. Mais, même peu de temps avant les attentats, Le Pen menait dans les sondages pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2017, devant les Républicains de Nicolas Sarkozy. Hollande prenait la troisième place et, d’après ces sondages, ne serait pas présent au second tour[7]. C’est une incitation supplémentaire pour lui, le poussant à prendre les problèmes plus au sérieux, dans la crise en cours, qu’il ne l’a fait jusqu’à présent.
En observant si des réponses appropriées sont apportées pour mieux maîtriser le champ de bataille, au fur et à mesure que le temps passe, les observateurs politiques seront en mesure d’évaluer l’amplitude jusqu’à laquelle le gouvernement français est vraiment sérieux dans ses intentions de traiter le problème et de prévenir le terrorisme. En ce qui concerne Israël : si la France agit comme il le devrait pour sa propre sécurité, alors il sera plus difficile que son gouvernement ne se permette d’adopter des postures allant à l’encontre de la sécurité d’Israël, dans le cadre du conflit palestino-israélien, par des condamnations systématiques des actions israéliennes pour contrer les terroristes.
Si la France n’agit pas, Israël pourra simplement insister sur le fait que les politiques de la France n’ont conduit qu’à un plus grand massacre commis par des Musulmans à Paris qu’il ne s’en est jamais produit en Israël. Si Hollande est sérieux, les services de renseignements français feraient bien de s’adresser au seul pays démocratique du Moyen-Orient pour obtenir des conseils plus poussés. Israël a réussi à développer des méthodes de renseignements détaillées, au fil des années, afin d’éviter de tels massacres, en étant confronté à une menace constant de nombreux Palestiniens qui s’y exercent et, dans une moindre mesure, d’autres auteurs potentiels qui sont des Musulmans locaux.
 Par Manfred Gerstenfeld

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Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

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