dimanche 9 août 2015

Armement : les choix de la France....


La France a bien une politique. On voudrait seulement que ce soit la sienne et non un complément dirigé de la politique de Washington.

Le pays des « droits de l’homme » est aussi un des principaux exportateurs d’armements. Que la France participe au double langage pratiqué par presque tous les pays du monde, notamment les plus importants, en clamant sa foi dans les valeurs humanitaires tout en pratiquant une politique réaliste sur la scène internationale, n’a rien de scandaleux tant c’est le lot commun. 
Toutefois, il faudrait que chacun des deux côtés du jeu soit cohérent. Or, l’attachement aux valeurs est contredit systématiquement par nos alliances les plus ostentatoires comme notre réalisme est démenti par des opérations risquées, des échecs retentissants ou des renoncements politiques qui tournent au gâchis financier.
La France occupe, suivant les années, de la 4e à la 6e place dans le marché mondial des exportations d’armes. Après avoir réduit ses exportations de 6,5 millions d’euros en 2011 à 4,82 millions en 2012, notre pays a bénéficié d’une augmentation constante : 6,87 millions en 2013, 8 millions en 2014 er 15 millions cette année, qui lui assurent la quatrième place, derrière les États-Unis, la Russie et le Royaume-Uni. 
Le décollage des ventes du « couteau suisse » de l’aviation militaire produit par Dassault, le Rafale, au Qatar, à l’Égypte et à l’Inde joue évidemment un rôle important dans cette envolée salutaire en termes d’emplois, puisque l’industrie de l’armement emploie 165.000 personnes en France. Le renoncement du Brésil au profit d’un avion suédois et la limitation de la commande indienne à 36 appareils au lieu de 126 ont refroidi l’enthousiasme. 
La dénonciation par la France du contrat passé avec la Russie pour la livraison de deux Mistral, navires polyvalents de débarquement, a suscité bien des critiques. Quelle est la logique et quelle est la solidité de la politique menée dans un domaine où se croisent des intérêts économiques et des choix politiques ?
La France a choisi d’annuler un contrat d’armement avec la Russie. Dans l’immédiat, cela aura un coût, correspondant au minimum au remboursement des deux tiers de 1,2 milliard d’euros avancés par la Russie. S’y ajouteront les pénalités prévues par le contrat, le démontage et la restitution des équipements russes, le gardiennage et l’entretien des navires. D’autres clients éventuels de la France pourront s’inquiéter du manque de fiabilité de notre pays. 
La limitation à 36 Rafale de la commande indienne peut être en partie due à cette crainte. L’Inde est politiquement proche de la Russie et principalement équipée d’avions russes.
Le choix de la France n’est pas économiquement le plus sûr. De plus, il n’a aucun fondement moral. La Russie ne menace nullement l’Europe, et beaucoup moins la paix du monde que ne le font les rivalités entre l’Inde, le Pakistan et la Chine, ou la poussée salafiste à laquelle le Golfe n’est pas étranger. 
La Russie a vu s’effondrer en 1991 un empire multiséculaire. Elle tente de laver son humiliation et de reconstituer une zone d’influence historique et culturelle. Cette entreprise qui n’est pas dénuée de légitimité a subi la double offensive des États-Unis et de ceux qui, en Europe, relaient la politique américaine. 
Une France soucieuse de son indépendance aurait dû sauvegarder son amitié avec la Russie et se garder de figurer comme l’auxiliaire le plus dévoué de la cause sunnite, prenant parfois la place des Américains dans ce rôle. 
Première à vouloir détruire le régime de Damas, dernière à admettre l’accord nucléaire avec l’allié iranien de celui-ci, annulant une livraison d’armements à la Russie, alliée des deux autres, quand elle arme le Qatar et l’Arabie saoudite, la France a bien une politique. 
On voudrait seulement que ce soit la sienne et non un complément dirigé de la politique de Washington.

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