Dans un éditorial du 24 juillet du quotidien saoudien Al-Sharq Al-Awsat, basé à Londres, la journaliste libanaise Huda Al-Husseini critique la conduite du Hamas lors des affrontements avec Israël dans la bande de Gaza. D’après elle, la branche militaire du Hamas a déclenché la guerre au moment qui l’arrangeait, c’est-à-dire après d’être retrouvée politiquement isolée par l’axe de la résistance « Iran, Syrie, Hezbollah ». Selon elle, le Hamas a cherché à incommoder l’Egypte et d’autres pays arabes en les entraînant dans le conflit avec Israël – mais les Arabes n’ont pas mordu à l’hameçon.
La politique du Hamas nuit gravement à la population palestinienne, dit-elle, comme le révèle la situation catastrophique à Gaza. La population est sans défense parce que le Hamas s’est consacré à la construction de tunnels visant à attaquer Israël plutôt qu’à celle d’abris destinés à protéger les civils. Extraits de son éditorial :
La politique du Hamas est déterminée par sa branhe militaire......
Tant qu’il y aura des hommes, il y aura des guerres. Tant qu’Israël, le Hamas, [les Brigades] Izz Al-Din Al-Qassam et le Jihad islamique existeront, les enfants de Gaza continueront de mourir. [Le Premier ministre du Hamas à Gaza] Ismail Haniyeh a déclaré : « Nous n’avons rien à perdre ». Des corps déchiquetés et des cadavres d’enfants [sont éparpillés dans Gaza] et pourtant, « nous n’avons rien à perdre ». Des femmes agitent des drapeaux blancs mais « nous n’avons rien à perdre ». Les maisons sont démolies sur la tête de leurs habitants, mais « nous n’avons rien à perdre ». La situation humanitaire est catastrophique mais « nous n’avons rien à perdre ».
Dans chaque interview, le porte-parole de Benjamin Netanyahu, Mark Regev, dit : « Laissez-moi m’expliquer. » Mais il n’explique pas ses bégaiements face à l’assassinat d’enfants. Israël accuse le Hamas de disposer ses roquettes au milieu des civils, et prétend, dans un acte d’humanisme, demander aux citoyens de quitter [leurs maisons avant de les bombarder] – mais où peuvent-ils bien aller ?
Huda Al-Husseini (Photo : aawsat.com)
La branche militaire du Hamas définit sa politique
La campagne d’Izz Al-Din Al-Qassam, branche militaire du Hamas dirigée par Muhammad Deif, a clairement révélé que c’est elle qui a décidé de déclencher les hostilités et rejeté les initiatives de [cessez-le-feu]. C’est elle qui détermine la politique à toutes les étapes – non [le chef du bureau politique du Hamas] Khaled Mashaal ni Ismaïl Haniyeh. Seules les branches militaires, c’est-à-dire les Brigades Al-Qassam [du Hamas] et Al-Quds [du Jihad islamique], prennent les décisions.
Celui qui a profité de cette situation est Benjamin Netanyahu, car en Israël, c’est le leadership politique qui décide des actions militaires. Ainsi, Netanyahu a décidé de se plier à toutes les tentatives de cessez-le feu, et en conséquence il a gagné du temps, et c’est ce que veut Israël. [Finalement], ce dont Israël a besoin dans toutes ses guerres, c’est de temps et de soutien étranger.
Netanyahu a joué son rôle sérieusement [tandis que] la direction politique du Hamas a tenté de fuir la réalité, rejetant l’initiative égyptienne et plaçant tous ses espoirs dans l’axe Turquie-Qatar… A ce stade, Netanyahu a joué son rôle astucieusement – pas seulement parce que le Hamas a rejeté le cessez-le- feu, [mais] essentiellement [parce que] Netanyahu l’a accepté… et de là provient le risque que la branche militaire du Hamas prenne la main dans ce jeu sanglant.
En effet, l’étincelle qui a déclenché la guerre actuelle fut la réaction émotionnelle des Brigades Al-Qassam le 5 juillet, lorsqu’Israël a découvert un tunnel d’attaque qu’elles avaient creusé dans le cadre de leurs plans stratégiques. La découverte et la destruction de ce tunnel, et du plan stratégique qu’il représentait, en sus de la mort de deux combattants [du Hamas] qui se trouvaient dedans, ont conduit les Brigades Al-Qassam à répliquer par une importante salve de roquettes, y compris de longue-portée. C’est ainsi que la branche armée du Hamas a défini le moment du début de la guerre.
Quant à Israël, dès que l’occasion se présente de frapper l’infrastructure militaire du Hamas, ou sous son nom métaphorique « la banque de cibles », les rangs militaires suivent des plans préparés à l’avance ; cette dernière occasion lui permet de saborder la réconciliation palestinienne…
La guerre terrestre a commencé. Les tirs de roquettes se sont poursuivis, et Israël a continué à détruire les tunnels qu’il a découverts. Plusieurs chaînes de télévision satellitaires arabes ont persuadé le Hamas qu’il avait vaincu Israël, faisant abstraction du fait que dans cette guerre, les Israéliens se sont mis à pencher à droite et à soutenir le gouvernement de Netanyahu.
Les raisons de la guerre : L’isolement du Hamas et son désir d’incommoder l’Egypte et d’autres pays arabes
Le parti travailliste israélien a perdu [le pouvoir] à cause de Yasser Arafat, et maintenant, grâce au Hamas, le soutien au gouvernement Netanyahu atteint un niveau record. Les Brigades Al-Qassam ont fait coïncider cette guerre avec l’affaissement de tous les ponts entre le Hamas et ses anciens alliés. Alors qu’autrefois, [le Hamas] considérait [le président] égyptien Mohammed Morsi comme un élément qui le soutenait, le régime [égyptien] actuel, dirigé par Abd Al-Fattah Al-Sissi, voit le Hamas comme un de ses ennemis responsables de problèmes dans le Sinaï.
Le statut du Hamas dans le monde arabe et islamique a connu des hauts et des bas depuis le début du Printemps arabe. Le soutien du mouvement aux rebelles syriens contre le régime de Bachar Al-Assad, et sa décision de rejoindre l’axe des Frères musulmans avec le Qatar, la Turquie et l’Egypte (de Morsi), ont conduit à son expulsion de l’axe de la résistance – Iran, Syrie et Hezbollah. Début 2012, la Syrie a expulsé les dirigeants du Hamas [de Damas], et à ce jour ils n’ont aucune base fixe…
L’Iran a exprimé son mécontentement face à la politique du Hamas, et a réduit son soutien financier au mouvement – qui affronte [aujourd’hui] une grave crise économique. Dans le même temps [en Iran], la cote du Jihad islamique est en hausse. L’Iran refuse catégoriquement de recevoir Khaled Mashaal, et en guise de compromis, Mashaal a rencontré à Doha le vice-ministre iranien des Affaires étrangères Hossein Abdollahian, le 22 mai 2014. Ainsi, le Hamas a perdu sa crédibilité auprès des partisans et des adversaires de l’axe de la résistance…
Fort de l’appui vocal des chaînes [TV] locales, le Hamas a présenté ses exigences pour un cessez-le-feu : dans un premier temps, l’ouverture des points de passage avec Israël et l’Egypte et la reprise de l’approvisionnement en matériaux de construction ; sur le long terme, un port maritime de commerce avec la Turquie et un aéroport. Au moment où tout cela sera mis en œuvre, l’Etat Hamas sera déjà établi.
Le Hamas sait qu’il ne peut rien faire sans l’Egypte, et a choisi la guerre pour incommoder l’Egypte et le reste des pays arabes. Mais depuis le Printemps arabe, ces pays ont surmonté leur prétendue « gêne », et chacun veut défendre [son propre] destin…
Les tunnels coûtent au Hamas des dizaines de millions de dollars
Les émotions sont vives, et ce, depuis plus de 60 ans… Les tunnels du Hamas ont coûté des dizaines de millions de dollars et des milliers de tonnes de ciment. Combien la construction d’abris aurait-elle coûté, si le Hamas avait songé à protéger les civils ?
Au-delà de la destruction des tunnels, les objectifs d’Israël incluent le désir d’embarrasser le Hamas et de lui faire comprendre qu’il est le maillon faible [dans sa relation avec Israël]. [En outre,] Israël n’occupera absolument pas l’ensemble de Gaza ; il entend plutôt effectuer une opération limitée qui coûtera cher au Hamas. Israël veut le contrôle d’une zone-tampon de trois kilomètres de large [le long de la] frontière [de Gaza], qui lui donnera à la fois une carte à jouer dans les négociations pour un cessez-le feu et dans l’accord qui suivra, et une latitude qui lui permettra de créer une zone sécuritaire où Al-Qassam n’opérera pas – facilitant ainsi les efforts israéliens pour empêcher la reconstruction des tunnels.
Les journaux télévisés arabes soutiennent le Hamas, mais même si ces voix enthousiastes sont pro-Hamas, personne ne se laissera entraîner dans une guerre déclenchée par la branche militaire [du Hamas] au moment qui l’arrangeait le mieux, avec l’objectif d’y embourber tous les Arabes, au prix du sang palestinien.
Lorsque des décisions sont laissées aux militaires, ceux-ci entraînent leurs peuples dans des catastrophes.

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