mercredi 20 août 2014

Irak: Les Kurdes peuvent-ils profiter de la crise pour créer un Etat indépendant?


Le rêve d'un Kurdistan autonome remonte à plusieurs siècles, estime le chercheur associé à l'Iris, Karim Pakzad...
Ce retour en force des Kurdes coïncide avec l’affaissement du pouvoir irakien. Pourraient-ils profiter de la crise pour demander leur indépendance? 20 Minutes a interrogé Karim Pakzad, chercheur spécialiste de l’Irak à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). S’il reconnaît que le désir d’un Kurdistan indépendant remonte à plusieurs siècles, il estime que le projet reste aujourd’hui impossible.

A quand remonte cet espoir d’un Kurdistan indépendant?

Le Kurdistan est une idée très ancienne. Dans cette région géographique comprenant le nord de l’Irak, l’est de la Turquie, le nord-ouest de l’Iran, et l’est de la Syrie, les Kurdes luttent depuis plusieurs siècles pour avoir leur propre Etat. Dès le XIe siècle, on fait état de Kurdes menant des combats contre les pouvoirs en place pour obtenir leur indépendance.

Ou vivent-ils aujourd’hui?

On compte environ 40 millions de Kurdes [Les estimations sont variables]. C’est le plus grand peuple au monde à ne pas avoir d’Etat. 25 millions sont en Turquie, 5 à 6 millions en Irak, autant en Iran, un million en Syrie, et des dizaines de milliers en Arménie, et dans les pays d’Asie centrale. Il faut ajouter aussi la diaspora en Allemagne et en France par exemple.

Les Kurdes n’ont jamais eu leur propre Etat?

Après la Première guerre mondiale les Alliés et l’Empire ottoman signent le traité de Sèvres [1920]. On redessine alors les frontières sur les dépouilles de l’empire ottoman. La création d’un territoire autonome des Kurdes est prévue [au sud-est de l’Anatolie]. 
Mais le mouvement kemaliste qui prend le pouvoir en Turquie ne veut pas leur abandonner une partie du pays. Lors de la signature du traité de Lausanne [en 1923], les Alliés reviennent sur leur promesse d’Etat. Les Kurdes sont dispatchés dans plusieurs pays. Des mouvements d’indépendance sont créés dans chaque Etat. (PDK en Irak en 1946, le PDK d’Iran en 1945, plusieurs partis en Turquie). Chacun dispose de sa propre stratégie. Les Kurdes sont très divisés, parfois même au sein d’un seul pays, comme en Irak.

Comment expliquer leur union récente pour combattre l’Etat islamique?

Face à cette situation exceptionnelle, il y a eu une sorte «d’union sacrée». Il faut savoir qu’après la chute de Sadam Hussein [en 2003], les Kurdes irakiens ont réussi à s’unir pour obtenir officiellement dans la constitution, la mise en place d’un état fédéral. Ce gouvernement régional du Kurdistan est une réussite et un exemple aux yeux des autres Kurdes.
 Quand la menace djihadiste contre Erbil [la capitale du gouvernement régional] est devenue pressante, 300 combattants du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) ont rejoint l’Irak depuis la Syrie et la Turquie.

Le président de la région Massoud Barzani a demandé un référendum sur l’indépendance le 3 juillet dernier. Les Kurdes pourraient-ils profiter du conflit pour créer leur Etat?

Je ne pense pas que les Kurdes souhaitent l’indépendance. Le référendum n’était qu’une menace. Une épreuve de force pour que l’ancien premier ministre al-Maliki ne soit pas reconduit. L’autonomie régionale kurde, qui fonctionne déjà comme un Etat, avec un président et un premier ministre, leur suffit. 
Les Kurdes sont réalistes. Ils savent très bien que la Communauté internationale n’acceptera jamais un changement de frontière. Je ne parle même pas de l’Iran ou de la Turquie. Une telle indépendance ranimerait les velléités de leurs populations kurdes.

Les pershmergas ont pourtant profité de l’établissement de l’Etat islamique…

Quand les soldats irakiens ont abandonné leur position face à l’avancée djihadiste, les Kurdes en ont profité pour envoyer leurs troupes et acquérir des territoires supplémentaires. Notamment la plus grande ville du nord de l’Irak: Kirkouk.

Une ville riche en pétrole…

Ce que souhaitent les Kurdes, c’est de pouvoir exporter du pétrole via la Turquie, et signer des contrats pétroliers avec l’étranger. Une situation inacceptable pour le pouvoir irakien, qui estime que c’est à lui de gérer la manne pétrolière. Le prochain gouvernement devra discuter à la fois avec les sunnites et les Kurdes pour aplanir ce type de divergence. Une chose est sûre: la crise actuelle permettra aux Kurdes de négocier en position de force.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La grandeur de Binyamin Netanyahou....

Binyamin Netanyahou était en visite aux Etats-Unis pour la conférence annuelle de l’AIPAC. Cette visite devait être triomphale. Elle a ...