dimanche 13 octobre 2013

Une défaite pour les Etats-Unis .......

MEMRI Middle East Media Research Institut 




Des éditoriaux de la presse du Golfe critiquent l’accord américano-russe et la résolution de l´ONU sur les armes chimiques syriennes : une défaite pour les Etats-Unis ; Assad peut continuer à massacrer les Syriens en utilisant des armes conventionnelles

L´accord signé le 14 septembre 2013 à Genève, par les Etats-Unis et la Russie, sur les armes chimiques syriennes, qui demande à ce que ces armes soient retirées de Syrie, ou détruites sous contrôle international, a été accueilli par des critiques acerbes dans les pays du Golfe, notamment en Arabie saoudite et au Qatar.

Pour les éditoriaux et articles de la presse saoudienne et qatarie sur le sujet, l’accord est une défaite américaine, et le fait de se focaliser sur les seules armes chimiques dévierait l´attention de la communauté internationale de la souffrance du peuple syrien et de sa lutte contre la tyrannie, permettant ainsi à Assad de continuer à massacrer son peuple avec des armes conventionnelles.

Des critiques similaires ont été exprimées dans la presse du Golfe, le 27 septembre 2013, après l’adoption par le Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) de la résolution 2118 appelant au démantèlement de l´arsenal chimique syrien. Cette résolution, elle aussi, est accusée de se focaliser sur la question chimique et de permettre ainsi la poursuite du massacre par d´autres moyens. Les articles reprochent également aux Etats-Unis d’avoir accédé à la requête russe pour que les sanctions imposées à la Syrie en vertu du Chapitre VII de la Charte de l´ONU, suite à la violation de l´accord de Genève du 14 septembre, soient soumises à l´approbation du Conseil de sécurité.

Le quotidien saoudien 
Al-Madina adoptem pour sa part une vision positive de l´accord américano-russe et de la Résolution 2118. Pour lui, ces mesures sont le signe que la communauté internationale gère sérieusement la crise syrienne et que le régime d´Assad va bientôt tomber.

Ci-dessous des extraits d´éditoriaux publiés dans la presse du Golfe, en réaction à l´accord de Genève du 14 septembre et de la résolution 2118 du Conseil de sécurité :

Le quotidien qatari Al-Raya : L´accord permet au régime syrien d’échapper à la punition

Le quotidien qatari Al-Raya regrette que l´accord ne contienne aucune clause obligeant le régime syrien à cesser de combattre le peuple syrien, qui lutte depuis deux ans pour s’en libérer :
« ... Malgré l´importance de l´accord conclu pour débarrasser le régime syrien des armes chimiques, [cet accord] ne contient pas une seule clause stipulant que le régime [syrien] est contraint de mettre fin à la violence et à la boucherie contre le peuple syrien.

« Les deux parties, russe et américaine, ont souligné dans l´accord que des armes chimiques ont [bien] été utilisées en Syrie - un fait que le rapport du superviseur international, qui sera publié dans les prochains jours, confirmera - [et ceci] démontre qu´un crime de guerre et un crime contre l´humanité ont été commis [en Syrie]. 

Mais l´accord permet malheureusement au criminel, à savoir le régime syrien, qui a admis détenir des armes chimiques, de se soustraire à la punition...

« La lutte que le peuple syrien mène pour sa liberté et sa dignité continuera, parce que cet accord russo-américain permet d´éviter l´attaque militaire qui devait modifier l´équilibre des pouvoirs et affaiblir le régime [syrien], qui tue et extermine le peuple syrien, avec le soutien politique de ses alliés. Ce régime, qui a remis ‘ses armes stratégiques’, sera désormais plus agressif et [assoiffé] de sang dans ses efforts pour mettre un terme à la révolution syrienne. Par conséquent, il est probable que les massacres commis contre le peuple syrien [ne fassent que] s´intensifier et s’aggraver... » [1]

Le quotidien Al-Sharq : L´accord est un crime commis par la communauté internationale impuissante

Selon un éditorial du quotidien qatari Al-Sharq, l´accord veut sauver l’honneur du président américain, et fait fi du peuple syrien et de la responsabilité de la communauté internationale : « L´accord russo-américain sur le démantèlement de l´arsenal chimique d´Assad, annoncé hier, est un nouvel épisode [de la saga] de faiblesse et d´échec qui infeste toujours la communauté internationale quand elle doit s´acquitter de ses responsabilités envers le peuple syrien... Les superpuissances ont franchi une nouvelle étape dans leur repli en approuvant [cet] accord qui préserve la dignité du président américain Barack Obama, mais ne donne rien au peuple syrien, qui n´a évidemment pas sa place dans les considérations des deux parties, Américains et Russes. Ce piteux accord n’est qu’un nouveau succès pour ceux qui commettent des crimes de guerre et des crimes contre l´humanité en Syrie.

Cette réunion [entre Kerry et Lavrov, pendant laquelle l´accord a été signé] n’a été d´aucun secours pour le peuple syrien, si ce n’est par sa décision de débarrasser Assad, son régime et ses alliés d´un seul outil parmi toutes [les armes dont ils disposent] pour commettre leurs crimes depuis plus de deux ans. Dans le même temps, la rencontre a permis aux criminels d´échapper à la punition ; en réalité, elle leur a fourni d´autres occasions de commettre des crimes contre ceux qui utilisent des armes et des avions balistiques semant partout mort et destruction.

S´étant avéré incapable, depuis deux ans, de protéger les civils [syriens], la communauté internationale a commis un crime encore plus grave en complotant avec des criminels de guerre, et en rétablissant leur légitimité perdue il y a deux ans en en faisant des interlocuteurs dans les négociations sur le désarmement et l’accord de Genève [2]... En outre, [la communauté internationale] leur a accordé son soutien pour continuer à verser le sang du peuple [syrien], tant qu´ils n´utilisent pas armes chimiques qui ont causé moins de quelques milliers de morts, alors que plus de 100 000 Syriens ont été tués par tous les [autres] types d´armes ces deux dernières années.

Cette tragédie que le peuple syrien subit, qui dépasse l’entendement, appelle à un réexamen des mécanismes de l’impuissante communauté internationale, première responsable de cette tragédie, devenue une marque de honte incomparable sur le front de l´humanité... » [2]
Le quotidien saoudien Al-Yawm : Les États-Unis sont tombés dans le piège russe

Dans la même veine, un éditorial du quotidien saoudien Al-Yawm atteste que l´accord vise à octroyer à Assad et à l´Iran plus de temps pour poursuivre les massacres en Syrie : « Les Syriens et les Arabes craignent que la Russie, sous pression iranienne, ait habilement réussi à mener un nouveau jeu de tromperie au bénéfice du régime d’Assad et de ses milices partisanes, tout en incitant Washington [à adopter une initiative] qui détournerait l’attention de la communauté internationale de la question fondamentale, la campagne d´extermination subie par le peuple syrien. Malheureusement, c´est précisément ce qui s´est passé, [puisque] l´accord de Genève russo-américain a confirmé ces craintes. Non seulement l´accord ne bénéficie pas au peuple syrien, mais il a été délibérément conçu pour accorder à Assad et à ses milices de Téhéran plus de temps pour mettre la Syrie [à sang], et leur donner [davantage] d’occasions de duper [le monde]...

« Selon les clauses de l´accord, les Syriens doivent s’attendre à une nouvelle série de massacres dans les villes syriennes, parce que l´accord encourage pratiquement Assad et les milices de Téhéran à poursuivre leur activité criminelle avec force et confiance. La communauté internationale doit également se préparer à une nouvelle série de complots et de duperies de la part d’Assad, et [à gérer] les obstacles qu´il sèmera chaque jour devant les enquêteurs et les experts internationaux en armes chimiques [qui se rendront en Syrie]. Par exemple, intimider les superviseurs et les empêcher de faire leur travail sous prétexte qu’une guerre est en cours et inventer des attaques fictives sur les enquêteurs...

« Il est évident que les Russes ont réussi à attirer les Américains dans un piège et dans un long tunnel de négociations, pourparlers et récriminations - et il semblerait que les Américains ne demandent qu’à [tomber dans] les pièges de Moscou. Leur accord à Genève ne fait pas exception à la tradition de temporiser et d’éviter d’adopter des positions sérieuses et énergiques [pour] anticiper le plan d’extermination de masse en Syrie et sauver le peuple syrien de rations mortuaires quotidiennes ». [3]
 
Le quotidien saoudien Al-Watan : Pour parvenir à une solution politique en Syrie, la Russie doit faire tomber Assad et son régime

Un éditorial du quotidien saoudien Al-Watan demande comment l´on peut croire à l´affirmation selon laquelle la Russie aspire à une solution politique pacifique, alors que c´est elle qui a maintes fois saboté les solutions possibles. La crise, indique le journal, ne sera pas résolue tant que la Russie maintiendra son soutien à Assad : « Lorsque le ministre russe des Affaires étrangères parlait hier d’un ‘consensus entre la Russie, les Etats-Unis et les Nations unies, alléguant qu’une solution politique est le meilleur moyen de mettre fin à la violence en Syrie’, il occultait le fait que c´est la Russie qui, à plusieurs reprises, a tenté de saboter une solution politique [en Syrie] pour mener à l´impasse. La plus importante de ces [initiatives] était peut-être celle de la Ligue arabe, début 2012. Après son rejet par le régime syrien, la Ligue arabe l’a portée devant le Conseil de sécurité en février 2012, et la Russie et la Chine y ont opposé leur veto...

« Par conséquent, selon quelle logique la Russie veut-elle convaincre le monde qu´elle aspire à une solution pacifique à la crise, quand tout indique qu´elle veut une solution qui laisse Bachar Al-Assad au pouvoir en dépit de tout ce qu´il a fait pour son peuple ?... La crise syrienne se poursuivra tant que la Russie restera un acteur majeur, et une solution politique ne se matérialisera pas tant que la Russie ne renoncera pas à soutenir Bachar Al-Assad et à défendre son régime. Ensuite, la conférence de Genève 2 pourra porter ses fruits et les Syriens aborder l’étape post-Assad » [4].
Le quotidien émirati Al-Khaleej : Les États-Unis n´ont pas réussi à imposer un ordre mondial

Selon un éditorial paru dans le quotidien Al-Khaleej des Emirats arabes unis, la conflit international autour de la Syrie entre dans le cadre du combat de la Russie, la Chine et de plusieurs autres puissances pour briser l’hégémonie américaine que les États-Unis ont tenté d´imposer depuis l´effondrement de l´Union soviétique – et établir un ordre nouveau, multipolaire.

« Le conflit international et régional auquel nous assistons sur scène syrienne, qui se manifeste par diverses formes de lutte armée et de diplomatie conflictuelle, n’est qu’un reflet de plus du nouvel ordre mondial, par lequel les grandes puissances - la Russie, la Chine et les [autres] pays du BRICS [l´Inde, le Brésil et l´Afrique du Sud] - veulent briser l´hégémonie unipolaire [des États-Unis] pour établir un ordre mondial multipolaire au sein duquel eux [aussi] seraient des partenaires, [un ordre mondial] dans lequel aucun pays ne pourrait imposer ses opinions ou tenter de s’emparer des ressources de la planète.

« Après l´effondrement de l´URSS et du camp socialiste, avec le Pacte de Varsovie, les Etats-Unis se sont vus comme les vainqueurs, [ont estimé que] le système capitaliste avait remporté une victoire retentissante et que la guerre des idéologies avait connu un dénouement en leur faveur. Nombre d´écrivains et instituts de recherche américains l’ont exprimé de différentes manières, convaincus que le monde entrait dans une ère unipolaire de leadership américain. [L’ancien] président américain George Bush Sr. a classé cette affaire [une fois pour toutes] quand il a déclaré l´existence d´un nouvel ordre dans le monde entier. Cependant, depuis lors, il s´est passé beaucoup de choses, et les Etats-Unis, malgré leur implication dans des guerres (en Afghanistan et en Irak) pour consolider leur leadership, n´ont pas réussi à imposer un ordre mondial...

« Si, au début des années 1990, les Etats-Unis ont tenté de bouleverser l´équilibre international, [plusieurs facteurs] - le retour de l’Union de la Russie, reprenant le rôle de l´Union soviétique, ainsi que la montée de la Chine comme puissance mondiale, économique et militaire et l´émergence d´autres pays (Inde, Brésil et Afrique du Sud), acteurs dans la gestion de l´économie et de la politique mondiale - ont ravivé la lutte entre les Etats-Unis et les autres puissances émergentes, une lutte reflétée sur la scène syrienne et les couloirs de l´ONU.

« C´est un combat pour empêcher la mise en place d´un ordre mondial unipolaire et établir un ordre multipolaire qui consoliderait l’inclusivité internationale. Peut-être voyons-nous aujourd´hui des signes annonciateurs de son émergence [5].

Le quotidien saoudien Al-Qods Al–Arabi : La Résolution 2118 légitime Assad

 
Le quotidien londonien Al-Quds Al-Arabi, racheté par le Qatar il y a quelques mois, fustige les vues américano-russes sur la Syrie et blâme les Etats-Unis pour la détérioration de la situation du pays. L’éditorial du 27 septembre du quotidien, publié le jour du vote de la résolution 2118 du Conseil de sécurité, lui reproche de ne pas exiger de punition pour les auteurs du massacre chimique : « Malheureusement, [la résolution du Conseil de sécurité] n’exige pas de punir les responsables du massacre chimique du 21 août 2013, où plus de 1 000 personnes ont été tuées. Le sens de cette résolution est de permettre à [l’actuel] régime syrien de rester en place, du moins dans les neuf prochains mois, au cours desquels les armes chimiques doivent être démantelées. Les massacres perpétrés par le régime syrien, au cours desquels plus de 100 000 civils ont été tués, et qui ont causé le départ de millions de personnes de leurs foyers, devraient [aussi] bénéficier d’une certaine attention, surtout de la part du Conseil de sécurité, dont la résolution devrait comporter des clauses protégeant le peuple syrien...

« L´accord américano-russe sur la résolution du Conseil de sécurité, [résolution] qualifiée par le Département d´Etat américain d’‘historique’ et de ‘sans précédent’, octroie à Assad plus de temps pour reprendre le contrôle des régions syriennes [libérées par l´opposition]... L´incapacité de la communauté internationale à demander des comptes à Assad et à soutenir le peuple [syrien] et l´opposition contribue à disséminer les djihadistes dans toute la Syrie et affaiblit la coalition [nationale de la Révolution syrienne et les forces de l’opposition]... » [6]

Le quotidien saoudien Al-Madina : La Résolution 2118 – une importante réalisation de l´ONU qui montre le sérieux de la communauté internationale

Contrairement aux nombreux éditoriaux et articles de presse du Golfe condamnant les accords entre les Etats-Unis et la Russie sur la question syrienne, deux éditoriaux du quotidien saoudienAl-Madina les ont salués. Selon le premier éditorial, du 17 septembre 2013, l ´accord Kerry-Lavrov du 14 septembre est la première étape du processus d’élimination du régime d´Assad. Le second éditorial, publié le 29 septembre, après adoption de la résolution 2118, la qualifiait d’importante, celle-ci étant la première décision à caractère légal adoptée par le Conseil de sécurité sur la Syrie, et envisageait d’un bon œil l’adoption de telles mesures sur les armes nucléaires.

On peut lire dans l’éditorial du 17 septembre : « On peut dire que l´accord de Genève, que les ministres des Affaires étrangères russes et américains sont parvenus à conclure samedi dernier, sur le démantèlement du régime syrien de son arsenal chimique, place cette crise sur la voie d´une une solution adaptée et rapide, et cet accord est la première étape d´un grand nombre qui mettront éventuellement fin à cette interminable crise - dans un délai de quelques mois et non années.
« Une des étapes les plus importantes sur la voie de cet accord, avant qu´il ne perde sa route, était les pourparlers tenus il y a deux jours entre les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la France à Paris, et la détermination [de ces pays] à parvenir à une résolution ferme au sein du Conseil de sécurité, qui imposerait des sanctions sévères [à la Syrie] si l´accord n’était pas respecté. Il est également probable que l´aide politique et militaire de la Coalition nationale augmentera, faisant comprendre au chef tyrannique du régime syrien qu´il n’a pas sa place dans une phase intermédiaire, que l´accord de Genève est [le début du] compte à rebours de son éviction et de la fin de ses crimes et massacres contre le peuple syrien... » [7]

L’éditorial du 29 septembre énonçait : « L´adoption à l´unanimité par le Conseil de sécurité de la résolution [2118] - obligeant la Syrie à renoncer à son arsenal chimique et à autoriser une équipe internationale de superviseurs à entrer dans le pays sans aucune limite - est un succès important pour la 68e [Assemblée générale] de l´ONU, car elle confirme que ‘la diplomatie pacifique peut désamorcer les armes de la guerre’. Une autre conséquence est qu´un même mécanisme peut être appliqué à [la question des] armes nucléaires. Toutefois, un autre aspect important de cette résolution est que la Russie et la Chine n´ont pas exercé leur droit de veto, comme ils l´ont fait dans le cas des trois précédentes résolutions appelant à condamner le régime d´Assad. Cette résolution est donc la première décision à caractère juridique prise par l´ONU sur la question syrienne depuis le début de la crise il y a plus de 30 mois. On peut espérer que cette résolution permettra de résoudre cette crise qui a jusque là coûté la vie à plus de 120 000 personnes et obligé des millions de Syriens à devenir des réfugiés à l´intérieur et à l´extérieur de la Syrie. »



Notes :


[1] Al- Raya (Qatar), 15 septembre 2013.

[2] Al-Sharq (Qatar), 15 septembre 2013.

[3] Al-Yawm (Arabie saoudite) 15 septembre 2013.

[4] Al-Watan (Arabie saoudite) 15 septembre 2013.

[5] Al-Khaleej (Émirats arabes unis), 16 septembre 2013.

[6] Al-Quds Al-Arabi (Londres), 27 septembre 2013.

[7] Al-Madina (Arabie saoudite), 17 septembre 2013.

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